La dĂ©collecte de l’assurance-vie a commencĂ©, sans surprise. Le mois de mars affiche une dĂ©collecte nette de plus de 2 milliards €, et le mois d’avril devrait ĂŞtre cataclysmique. Ces chiffres commencent Ă donner une image de la panique qui s’est emparĂ©e des mĂ©nages depuis la survenue de la pandĂ©mie et du krach boursier (profitons-en pour rappeler une fois de plus que le krach boursier n’est pas dĂ» au confinement, mais Ă la guerre des prix pĂ©troliers… ce qui explique qu’il existe des fondamentaux nĂ©gatifs empĂŞchant une reprise rapide après le dĂ©confinement).Â
L’ampleur des dĂ©gâts
Selon les chiffres livrĂ©s hier par la FĂ©dĂ©ration Française de l’Assurance (FFA), la dĂ©collecte de l’assurance-vie a atteint 2,2 milliards en mars 2020 par rapport au mois de mars 2019. Ce mouvement s’explique par un double phĂ©nomène. D’une part, la collecte a baissĂ© de 3 milliards pour se situer Ă 9 milliards (25% de baisse). D’autre part, les rachats de contrats ont progressĂ© de 12% pour dĂ©passer les 11 milliards.Â
Sur l’ensemble du trimestre, la collecte est Ă peu près Ă©quilibrĂ©e. C’est au deuxième trimestre que les assureurs-vie devraient connaĂ®tre un moment difficile. Mais on sent d’ores et dĂ©jĂ que les perspectives qui s’ouvrent aux assureurs sont loin d’ĂŞtre idĂ©ales et qu’elles devraient annoncer des temps difficiles lorsqu’elles seront complètement dĂ©voilĂ©es. Â
En attendant ces semaines noires, plusieurs chiffres sont assez parlants. Ainsi, les versements sur les supports en unitĂ©s de compte ont reprĂ©sentĂ© 11,6 milliards d’euros sur le premier trimestre, soit 36 % des cotisations contre 23% l’an dernier Ă la mĂŞme pĂ©riode. Les Ă©pargnants n’ont pas pris acte, encore, des tempĂŞtes sur les marchĂ©s financiers, et leur ardeur Ă Ă©viter les fonds en euros, dont la rentabilitĂ© est quasiment rĂ©duite Ă nĂ©ant du fait des taux nĂ©gatifs, continue malgrĂ© tout.Â
DĂ©collecte de l’assurance-vie, mais hausse record de l’Ă©pargne des mĂ©nages
Pendant que les Français commençaient Ă sortir en douceur de l’assurance-vie, ils se tournaient sans mĂ©nagement vers le bon vieux matelas devenu livret d’Ă©pargne. Selon la Banque de France, l’Ă©pargne des Français en liquiditĂ©s est passĂ©e de 6 milliards en moyenne Ă près de 20 milliards en mars 2020. Du jamais vu !Â
Les initiĂ©s savent combien ce comportement est suicidaire. L’argent placĂ© sur les comptes Ă©pargne est en effet un poids mort pour l’Ă©conomie. Il est rĂ©munĂ©rĂ© aujourd’hui au-dessus des taux de la BCE. En pĂ©riode de dure rĂ©cession, il est un vrai appel au crime pour les financiers de Bercy, qui ne peuvent qu’y voir une tentation aussi facile que la pomme d’Adam.Â
L’inquiĂ©tude des mĂ©nages est immense
Impossible Ă©videmment de ne pas rattacher ces chiffres Ă l’effondrement du moral des mĂ©nages. L’INSEE l’a montrĂ© : en avril, l’indice de confiance a connu la chute la plus brutale de son histoire. Mais il se trouve que l’indice de mars avait Ă©tĂ© Ă©tabli avant le confinement. Autrement dit, le confinement a angoissĂ© beaucoup de gens, et c’est seulement en avril que l’on peut mesurer l’effet de cette angoisse.Â
DĂ©sormais, beaucoup de Français se contentent de vivre au jour le jour, et ne se projettent plus guère dans l’avenir. D’oĂą cet appel Ă la liquiditĂ© dans l’Ă©pargne.Â
La tentation de la taxation
ForcĂ©ment, tout cet argent qui dort dans un matelas devrait Ă©veiller les appĂ©tits de Bercy. Les 14 milliards d’Ă©pargne nette nouvelle dĂ©gagĂ©e par les Français correspondent au dĂ©ficit de cotisation engrangĂ© par la sĂ©curitĂ© sociale pour le mĂŞme mois de mars 2020 du fait de la mise au chĂ´mage partiel de plusieurs millions de salariĂ©s (ils sont près de 12 millions Ă en bĂ©nĂ©ficier en avril… ils Ă©taient 8 millions fin mars).Â
L’esprit bercyen Ă©tant mathĂ©matiquement basique, on peut compter sur nos gĂ©nies de la fiscalitĂ© pour qu’une taxe bien sentie vienne rapidement rĂ©cupĂ©rer cette manne pour Ă©quilibrer les finances publiques. Assez rapidement, donc, et probablement au cours de l’Ă©tĂ©, une mesure plus ou moins bien marketĂ©e politiquement rĂ©tablira les grands principes des vases communicants. Le trop plein de l’Ă©pargne remplira le vide des caisses.
Pour ce faire, on peut imaginer un placement autoritaire du produit des livrets dans l’Ă©conomie, ou dans des dettes d’État levĂ©es pour la circonstance. Bercy ne manque jamais d’imagination sur ce point.Â
Les stratĂ©gies d’Ă©pargne vont devoir s’adapter
Pour les Ă©pargnants comme pour les conseils en patrimoine, cette situation inĂ©dite constitue un dĂ©fi. Le confinement plonge l’ensemble des Français dans un univers inconnu oĂą les choix sont risquĂ©s. En l’Ă©tat, seul l’immobilier d’habitation paraĂ®t un placement raisonnable, avec l’or, dont les prix ont flambĂ© mais qui devrait demeurer une valeur refuge pour un bon bout de temps.Â
Sur le marchĂ© immobilier, les baisses prĂ©visibles se situeraient autour de 15%. Mais pour l’instant, le marchĂ© n’est pas stabilisĂ©, et l’assurance-vie peut encore garder des rĂ©sultats en trompe-l’oeil grâce Ă la baisse des sinistres. Un trimestre de transition s’ouvre donc, celui oĂą quelques derniers bons coups sont encore possibles.Â
2 milliards sur un encours de 1800 milliards (environ 1400 en euros, 400 en UC), c’est une goutte d’eau : Ă peine plus de 0,1% ! Et mĂŞme si en avril la dĂ©collecte Ă©tait de 5 milliards, ça resterait une miette (0,25%). Je rappelle que les assureurs ont rĂ©coltĂ© 25 milliards nets de dĂ©collecte en 2019, donc on serait loin d’annuler simplement la collecte nette de l’an dernier avec 7 milliards de dĂ©collecte en 2 mois.