Relancer l’Ă©conomie française avec l’argent de l’Allemagne ? Tout le monde y croit en France, mais le pari est peut-ĂŞtre moins facilement gagnable que l’euphorie française ne le prĂ©voit. La preuve… la sous-ministre française des affaires europĂ©ennes entame une tournĂ©e des popottes pour convaincre ses partenaires avec des arguments Ă l’emporte-pièce qui paraissent bien risquĂ©s…
Faire payer l’Allemagne pour continuer Ă vivre au-dessus de nos moyens ! Quelle bonne idĂ©e portĂ©e par le macronisme jusqu’Ă un genre nouveau de jouissance extatique. Au dĂ©but des annĂ©es 20, les radicaux-socialistes rĂ©pĂ©taient Ă l’envi : l’Allemagne paiera ! cent ans plus tard, leurs hĂ©ritiers de la RĂ©publique En Marche ânonnent dĂ©sormais : l’Allemagne garantira nos dettes. Mais tout indique que la rouĂ©e Merkel a plus d’un tour dans son sac pour ne pas payer, comme la RĂ©publique de Weimar parvint Ă rouler le monde entier dans la farine en son temps. Â
L’Allemagne veut boucler rapidement les nĂ©gociations europĂ©ennes
En France, Ă ce stade, tout le monde part du principe que l’Allemagne paiera, et on ne parle plus des dĂ©tails. La prĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© du cĂ´tĂ© allemand est un peu diffĂ©rente.Â
Ainsi, personne n’a relayĂ© en France la volontĂ© d’Angela Merkel d’aboutir Ă un accord avant l’Ă©tĂ© sur le budget europĂ©en et sur le plan de relance. Pour l’instant, la Chancelière n’a pas tranchĂ©, contrairement Ă ce que nous entendons de ce cĂ´tĂ© du Rhin, ses positions dĂ©finitives sur diffĂ©rents dĂ©tails, comme le caractère remboursable ou non des “subventions” qu’il est prĂ©vu de verser aux pays du sud.Â
Selon toute vraisemblance, un Conseil europĂ©en par vidĂ©oconfĂ©rence se tiendra le 19 juin pour clarifier le “paquet financier” de l’UE. En creux, on comprend donc que les dĂ©tails sont loin, très loin d’ĂŞtre rĂ©glĂ©s. Petit problème : c’est la règle de l’unanimitĂ© qui s’applique au dossier.Â
Les 27 chefs d'État et de gouvernement de l'UE prévoient de tenir une vidéoconférence vendredi prochain sur le paquet financier de l'UE. Le cadre financier de l'UE sur sept ans de 2021 à 2027 avec un volume de plus d'un milliard d'euros doit également être clarifié.
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Merkel veut régler les questions budgétaires avant sa présidence
Il est assez singulier qu’Angela Merkel marque un tel empressement pour rĂ©gler des problèmes budgĂ©taires sensibles. L’Allemagne prend en effet la prĂ©sidence de l’Union Ă partir du 1er juillet, et Angela Merkel semble vouloir prĂ©parer une renĂ©gociation des traitĂ©s Ă cette occasion. Nous avons dĂ©jĂ indiquĂ© que cette renĂ©gociation devrait Ă©changer une plus grande intĂ©gration budgĂ©taire europĂ©enne contre des privilèges accordĂ©s Ă l’industrie allemande.Â
Si Merkel comptait annoncer de bonnes nouvelles budgĂ©taires Ă la France et aux pays du club Med, on ne voit pas pourquoi elle ne rĂ©serverait pas leur annonce Ă sa prĂ©sidence. Si elle met le turbo pour que la nĂ©gociation soit bouclĂ©e avant sa prise de poste, c’est bien qu’elle souhaite Ă©viter d’ĂŞtre entachĂ©e par les dĂ©bats sanglants qui vont s’ouvrir…
Ce petit dĂ©tail devrait Ă©veiller l’attention des Français.
Le soldat Montchalin se met en ordre de marche
Ce faisant, c’est-Ă -dire Merkel ordonnant le dĂ©part des Panzerdivisionen, le soldat Montchalin, sous-ministre français des Affaires EuropĂ©ennes, a dĂ©cidĂ© de se mettre en marche. Elle entame un pĂ©riple europĂ©en qui commence par l’Autriche, ainsi prĂ©sentĂ© par le ministère lui-mĂŞme : “Les deux ministres chercheront Ă rapprocher les positions de la France et de l’Autriche pour avancer vers un accord rapide qui permette un soutien europĂ©en d’ampleur en faveur des secteurs et rĂ©gions les plus touchĂ©s par la crise afin de relancer les Ă©conomies europĂ©ennes au bĂ©nĂ©fice de tous les États membres. S’agissant du budget 2021-2027, la secrĂ©taire d’État rappellera l’importance d’un budget ambitieux au service des programmes contribuant Ă la souverainetĂ© europĂ©enne, comme la politique agricole commune, Ă©galement très importante pour l’Autriche, la dĂ©fense et la politique spatiale.”
Rappeler l’importance d’un budget ambitieux, rapprocher les positions. Oups ! VoilĂ qui semble bien mal parti.Â
"il n'y a pas d'autres solutions que de se mettre d'accord en juillet. Si le plan de relance on l'a pas pour la relance, là on aura un problème"
Amélie de Montchalin sur BFM Business Tweet
Montchalin est-elle plus finaude que Loiseau ?
On se souvient de la nullitĂ© de Nathalie Loiseau en matière de nĂ©gociation, qui a fait des merveilles depuis le dĂ©but de la campagne Ă©lectorale des europĂ©ennes jusqu’Ă l’Ă©lection des prĂ©sidents de commission au Parlement europĂ©en. AmĂ©lie de Montchalin est-elle plus finaude que sa prĂ©dĂ©cesseuse, Ă dĂ©faut d’ĂŞtre plus politique (Montchalin se serait fait tacler par Macron après une sortie maladroite sur Bigard) ?
On le saura rapidement, mais ses premiers propos sur son attaque de nĂ©gociation font froid dans le dos. Manifestement, l’Ă©missaire française a entrepris d’expliquer qu’il n’existait pas d’alternative au plan français de mutualisation des dettes. Elle a par ailleurs multipliĂ© les phrases malheureuses pour une nĂ©gociatrice : “Notre relance française ne peut pas fonctionner si elle n’est pas liĂ©e Ă une relance europĂ©enne”. Elle ne pouvait pas mieux dĂ©voiler la faiblesse de sa position.Â
Elle a ajoutĂ© : “C’est pour ça qu’on a besoin de comprendre de quoi ils sont besoin. On ne veut pas dĂ©grader l’accord, on ne veut pas ĂŞtre moins ambitieux (…) mais surtout ce que je vois c’est que leurs entreprises, leurs salariĂ©s, leurs syndicats, ils voient la mĂŞme chose que nous (…) On est tous dĂ©pendants les uns des autres”. Une nĂ©gociatrice qui annonce qu’elle va rencontrer deux des quatre opposants seulement (elle n’a pas prĂ©vu de nĂ©gocier avec le Danemark, ni avec la Finlande) Ă son projet, qui annonce qu’elle est pressĂ©e d’en finir et qu’il n’y a pas d’alternative Ă sa proposition, dans un univers oĂą la règle de l’unanimitĂ© s’applique, personnellement, ça m’Ă©tonne…
La France en position de faiblesse pour négocier
Dans tous les cas, la nĂ©gociation sera Ă haut risque pour la France puisque ceux qui n’avaient pas compris que nous avions absolument besoin de l’argent allemand pour relancer l’Ă©conomie française l’ont cette fois dĂ©finitivement compris. AmĂ©lie de Montchalin s’est chargĂ© de le leur expliquer. Autant de talents rĂ©unis dans une seule personnalitĂ©, c’est vraiment prometteur.
Il faut reconnaĂ®tre qu’avant elle, Bruno Le Maire avait dĂ©clarĂ© : “J’appelle donc tous les Etats europĂ©ens sans exception, y compris les quatre frugaux, Ă soutenir ce plan”. Face Ă ces appels dĂ©sespĂ©rĂ©s Ă l’unitĂ©, on peut imaginer que Bataves, Autrichiens, Finnois et Danois doivent se sentir en position de force pour nĂ©gocier. Si la France s’en tire bien dans cette affaire, elle le devra Ă leur nullitĂ©, et certainement pas Ă sa sagacitĂ© en matière de nĂ©gociation.
Wait and see.Â
C’est Ă la France de rĂ©duire ses dĂ©penses, pas Ă l’Allemagne de les financer. Il serait temps de faire le mĂ©nage chez nous.