Pour la deuxième annĂ©e consĂ©cutive, le groupe MODEM Ă l’AssemblĂ©e Nationale demande un alignement de la fiscalitĂ© de l’assurance-vie sur celle des successions Ă l’occasion du dĂ©bat sur le projet de loi de finances pour 2021. On attend avec impatience la rĂ©action du gouvernement qui a dĂ©sormais besoin du soutien des centristes pour conforter sa majoritĂ©.Â
Nous l’avons Ă©voquĂ© Ă plusieurs reprises : l’assurance-vie fait des envieux et des dĂ©putĂ©s de la majoritĂ© se verraient bien aligner son rĂ©gime fiscal sur le droit commun, ou en tout cas l’en rapprocher progressivement. Dans le cadre du dĂ©bat budgĂ©taire, les dĂ©putĂ©s MODEM ne se sont pas gĂŞnĂ©s pour dĂ©poser un amendement en ce sens.Â
Le MODEM en veut Ă l’assurance-vie
Dans une interview lunaire, le dĂ©putĂ© savoyard Patrick Mignola (par ailleurs anciennement patron de l’entreprise familiale qu’il a fini par placer en liquidation judiciaire) avait dĂ©jĂ dit tout le mal qu’il pensait des avantages fiscaux de l’assurance-vie en cas de succession. Sans surprise donc, le groupe qu’il prĂ©side Ă l’AssemblĂ©e a dĂ©posĂ© un amendement en ce sens, co-signĂ© par des dĂ©putĂ©s de poids comme Laurence Vichnievsky, Marielle de Sarnez ou Bruno Millienne, proches de François Bayrou. En tout, 56 dĂ©putĂ©s ont souscrit Ă cette idĂ©e lumineuse, ce qui est en fait une vraie proposition politique.Â
Cet amendement propose de rĂ©former la fiscalitĂ© de l’assurance-vie dans le sens exposĂ© depuis longtemps : il faut supprimer les avantages des successions qui passent par ce système d’Ă©pargne.Â
On s'adresse donc à des gens qui ont très bien réussi, ce qui n'est pas une tare, d'ailleurs, mais on leur donne plus de responsabilités économiques. S'ils détiennent, par exemple, un million d'euros, moitié en assurance-vie et moitié en immobilier, ils pourraient laisser leur argent en immobilier, car le secteur en aura bien besoin si on veut faire de la rénovation thermique des bâtiments et opérer un vrai virage écologique. Mais les 500 000 euros en assurance-vie, on leur laisse quelques mois pour les réintégrer dans l'économie réelle.
Patrick Mignola, MODEM Tweet
La réforme proposée : un alignement
En l’espèce, l’amendement propose d’augmenter le prĂ©lèvement forfaitaire sur les sommes versĂ©es dans le cadre d’une succession Ă partir d’un contrat d’assurance-vie. Pour mĂ©moire, le prĂ©lèvement forfaitaire actuel est de 20% pour les sommes allant de 152.000 Ă 700.000€ issues de versements pratiquĂ©s avant 70 ans. L’amendement propose de relever le prĂ©lèvement forfaitaire Ă 30% Ă partir de 552.000€ par bĂ©nĂ©ficiaire.Â
S’agissant des sommes supĂ©rieures Ă 700.000€, le prĂ©lèvement serait portĂ© de 31,25% (niveau actuel) Ă 40% (voire 45% pour les plus gros contrats). L’amendement est donc ciblĂ© sur les plus grosses successions. Il revient en fait Ă aligner les droits de succession en assurance-vie sur le droit commun…
La rĂ©ponse sous la ceinture de l’AFER
GĂ©rard Bekerman, prĂ©sident de l’AFER, dĂ©jĂ très occupĂ© sur le dossier H2O, a taclĂ© les propositions du MODEM en faisant remarquer que l’un des dĂ©putĂ©s signataires de l’amendement Ă©tait un notaire bien connu. Or… les notaires augmenteront leurs revenus grâce Ă cet amendement.Â
L’argument fait sourire. Il souligne que la planète de l’Ă©pargne est plutĂ´t dĂ©munie devant cette vague qui monte, et qui cible les plus gros patrimoines. On peine dĂ©sormais Ă trouver des arguments pour s’opposer au fameux alignement fiscal…
Un projet de réforme de la fiscalité de l’assurance vie n’est pas à l’ordre du jour. L’avantage fiscal accordé sur les produits au bout de 8 ans de détention se justifie pour inciter les Français à épargner dans une logique de moyen terme, et donc de soutenir l’investissement. Le cadre fiscal sur les successions, quant à lui, renvoie à la question fondamentale de l’héritage, qui concerne un vrai choix de société. Sur ce point, une évolution ne pourrait s’envisager que dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur la fiscalité des successions.
Bruno Le Maire, avril 2020 Tweet
Un test politique majeur
Au final, ce texte ne paraĂ®t donc pas si farfelu que les Ă©pargnants ne pourraient le penser, et, politiquement, il n’est pas interdit de penser qu’il puisse prospĂ©rer. Rappelons que, en l’Ă©tat, le groupe de La RĂ©publique En Marche (LREM) ne compte plus que 271 membres (dont 2 apparentĂ©s) sur une AssemblĂ©e de 577 dĂ©putĂ©s. C’est un peu court pour faire une majoritĂ© !Â
Face Ă un amendement signĂ© par 56 dĂ©putĂ©s MODEM, le gouvernement risque donc de connaĂ®tre un grand moment de solitude et ne se trouve plus complètement en position d’imposer sa loi sans compromis.Â
Autrement dit, on suivra de près le dĂ©bat qui s’annonce… mais politiquement, il est très plausible que cet amendement soit adoptĂ©. Ce serait au passage une belle dĂ©monstration de force du MODEM dans le groupe majoritaire, et un beau pied de nez Ă Bruno Le Maire qui avait fermĂ© la porte Ă toute rĂ©forme de l’assurance-vie en avril 2020.Â
Tout cela comme si l’assurance vie n’Ă©tait pas connectĂ©e Ă l’Ă©conomie rĂ©elle !
Et que ce passera-t-il lorsque les assureurs vie n’acheteront plus les emprunts d’Etat ?
Hausse des taux, amorce d’une crise Ă la grecque…sont très malins au Modem !
HĂ© ben encore une mesure oĂą les Ă©pargnants vont trinquer. Cela va ĂŞtre contre-productif, les assureurs vont devoir faire face Ă des rachats et les mettre en difficultĂ©s, et demanderont le blocage des fonds…..
Ce sera une hausse de plus de la pression fiscale, puisque les successions sont plus taxées que les assurances-vie. De quoi conforter la place de premier mondial de notre pays en matière de fiscalité.
Comme l’Etat n’en est pas Ă une mauvaise action-près, il cherchera Ă donner un effet rĂ©troactif Ă la chose. Or ceux qui ont choisi de faire une assurance-vie l’ont fait en toute connaissance des Lois en vigueur au jour de la signature. L’Etat changera la donne en cours de jeu. J’appelle ça une malhonnĂŞtetĂ©.
Plus-que de la malhonnĂŞtetĂ©, du racket . Un souscripteur qui signe une assurance-vie y appose sa signature en vertu d’un contrat entre l’assureur et lui mĂŞme qui est client. Donc changer les règles par exemple fiscales font que ce contrat ne devrai plus lieu d’ĂŞtre puisqu’il a Ă©tĂ© modifiĂ© non pas par l’une des 2 parties signataires, mais par une partie qui au dĂ©part n’a rien signĂ© du tout !!.
Il va se poser le problème de la non-rĂ©troactivitĂ© de la loi pour les contrats dĂ©jĂ ouverts. Si les dispositions nouvelles Ă©taient votĂ©es pour ne s’appliquer qu’aux nouveaux contrats, il en serait fini de l’activitĂ© Ă©conomique de l’assurance-vie puisque les souscripteurs ont pour motivation l’exonĂ©ration fiscale dĂ©coulant de l’exclusion de l’assurance-vie de l’actif successoral. Par ailleurs, sur le plan Ă©conomique les assureurs devraient continuer de gĂ©rer les contrats en cours jusqu’au dĂ©nouement du dernier d’entre eux, sans espĂ©rer de nouvelles souscriptions gĂ©nĂ©rant le droit d’entrĂ©e constitutif de leur rĂ©munĂ©ration avec les frais de gestion lesquels risquent, en consĂ©quence, d’augmenter de manière exponentielle. Si la loi devait ĂŞtre votĂ©e, le conseil constitutionnel serait probablement saisi . Il me semble qu’il a dĂ©jĂ dĂ©clarĂ© contraire Ă la constitution la loi budgĂ©taire pour 1983 en raison de sa rĂ©troactivitĂ©. Reste Ă savoir quelle serait l’opposition susceptible d’engager ce recours, car mĂŞme la droite nourrit le complexe de dĂ©fendre les “nantis” ou supposĂ©s tels.
Plus l’Ă©tat changera la donne concernant la fiscalitĂ©, qui ne cesse de changer au grĂ© des courants politiques, idĂ©logiques, lobbies, et Ă©conomiques, plus les Ă©pargnants se dĂ©tournerons de l’investissement utile Ă©conomiquement au profit d’une Ă©pargne de plus en plus protectrice et non conventionnelle et surtout moins utile…..
En tant qu’ancien Agent GĂ©nĂ©ral d’Assurances, je trouve cela scandaleux de venir Ă nouveau amputer le dernier avantage de l’assurance vie et ceci pour toutes les raisons Ă©voquĂ©es ci-dessus.
Et dire que je suis centriste mais plus Modem.
J’ose espĂ©rer que notre constitution nous servira Ă se sortir de ces hommes politiques non scrupuleux une nouvelle fois.