Une grande crise bancaire est en prĂ©paration, qui passe sous les radars d’une actualitĂ© très chargĂ©e et très portĂ©e sur des sujets très diffĂ©rents des prĂ©occupations de la finance. Mais, au printemps, lorsque les premiers dĂ©fauts de paiement interviendront dans les remboursements des entreprises, le pire est Ă craindre. Les banques des pays industrialisĂ©s ont en effet cumulĂ© de nombreux risques Ă l’occasion du confinement et de la pandĂ©mie de coronavirus, qui pourraient se transformer en un redoutable sĂ©isme collectif. Il faut se prĂ©parer dès maintenant au pire : voici nos suggestions pour le faire.Â
Une grande crise bancaire est de plus en plus probable dans l’annĂ©e qui vient, compte tenu des engagements que les banques europĂ©ennes ont dĂ» prendre pour faire face au coronavirus. Rendus indolores par les interventions massives de la BCE, ces engagements risquent de se transformer en une mĂ©chante bombe Ă retardement, qui pourrait entraĂ®ner avec elle les marchĂ©s financiers. On fera attention Ă la suite des Ă©vĂ©nements, et on s’y prĂ©parera activement.Â
Pourquoi une grande crise bancaire se prépare ?
La fragilitĂ© des banques est une rĂ©alitĂ© bien connue, et pratiquement autant occultĂ©e que les conflits d’intĂ©rĂŞts dans le domaine de la santĂ© publique. Depuis longtemps, nous signalons les alarmes qui sont Ă©mises par la planète financière sur le manque de soliditĂ© d’un certain nombre d’actifs bancaires. Le fait que les banques n’aient pas purgĂ©, loin de lĂ , leurs bilans de tous les actifs pourris qui y prospèrent est un fait bien connu.Â
Le confinement et la crise boursière de mars ont accru le phĂ©nomène. Les Etats ont sommĂ© les banques de soutenir les entreprises pour Ă©viter des faillites massives. En Europe, cette politique s’est traduite par l’octroi de prĂŞts d’attente pour faire face Ă l’effondrement de l’activitĂ©.Â
DĂ©sormais, les inquiĂ©tudes se font jour sur la capacitĂ© des entreprises Ă rembourser ces prĂŞts. Jusqu’Ă l’Ă©tĂ©, les rĂ©serves de trĂ©sorerie avaient permis d’Ă©viter le pire, et de nombreuses entreprises laissaient l’argent des prĂŞts dormir sur les comptes sans y toucher. Mais le deuxième confinement devrait durcir la situation et nul ne sait sur quoi celui-ci finira par dĂ©boucher.Â
Il est très plausible que le mĂ©canisme des prĂŞts garantis se transforme en piège : il a maintenu en vie des entreprises sans avenir qui peineront Ă rembourser leurs dettes. C’est ce qu’on appelle la zombification de l’Ă©conomie.Â
Pour les banques, les situations de dĂ©faut de paiement risquent donc de se multiplier et d’apparaĂ®tre comme un poison Ă haute dose.Â
Couac gouvernemental sur le remboursement des prĂŞts garantis
Bruno Le Maire a affirmĂ© que les prĂŞts garantis n’auraient pas ĂŞtre remboursĂ©s en fin d’annĂ©e, comme le prĂ©voyait le dispositif initial. Problème, cette dĂ©cision relève des banques, et le ministre n’est pas en position de dĂ©cider des règles de remboursement sans une validation europĂ©enne. La Banque de France annonce des dĂ©cisions au cas par cas.Â
La stratégie de la BCE suffit-elle à endiguer le risque ?
Depuis plusieurs mois (nous l’avions aussi signalĂ© en son temps), la BCE annonce que, pour Ă©viter une crise systĂ©mique, elle encourage Ă des regroupements et des fusions entre banques. Le pari qui est fait repose sur l’idĂ©e qu’une moindre concurrence au niveau europĂ©en permettra aux “survivants” de dĂ©gager de la trĂ©sorerie par une mĂ©canique assez simple : les banques devront dĂ©penser moins d’argent pour acquĂ©rir des clients, et cet argent Ă©pargnĂ© rĂ©duira leur risque de faillite.Â
Cette stratĂ©gie a mĂŞme fait l’objet d’une Ă©tude approfondie et tout Ă fait officielle le mois dernier. Dans ce cadre, l’idĂ©e d’une absorption de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale par la BNP est mĂŞme revenue sur le tapis et pourrait ĂŞtre Ă©tudiĂ©e au cours de l’annĂ©e 2021.Â
Toute la question est de savoir si cette rĂ©duction de la concurrence suffira Ă Ă©viter le pire sur les marchĂ©s. Des spĂ©cialistes de la question ne manquent pas d’exprimer leurs doutes. Une fois de plus, tout laisse Ă penser que l’incurie de la technostructure en matière financière nous emmène dans le mur.Â
Les banques centrales sont devenues des prĂŞteuses en dernier ressort
Il faut se mĂ©fier des consĂ©quences d’une crise bancaire en cascade, car elle impliquerait forcĂ©ment les banques centrales et singulièrement la banque centrale europĂ©enne qui rachète massivement, depuis de nombreux mois, les actifs douteux des banques. C’est d’ailleurs cette mĂ©canique qui avait suscitĂ© un recours contentieux en Allemagne contre la participation de la Bundesbank aux rachats de la BCE.Â
Autrement dit, dans le bilan de la banque centrale europĂ©enne, on retrouve dĂ©sormais un fourre-tout, dont des actifs pourris qui risquent de ne jamais ĂŞtre remboursĂ©s. Pour Ă©viter une fièvre financière, la BCE a acceptĂ© que les banques de premier ressort la contaminent avec leurs opĂ©rations qui partent en capilotade. C’est ce qu’on a appelĂ© le quantitative easing.Â
Dans la pratique, la crise de 2008 n’avait pas Ă©clatĂ© autrement que par cet affaiblissement des banques centrales devenues prĂŞteuses en premier ressort, ce qui n’est pas leur mission.Â
Les pays les plus pauvres au bord du gouffre
Selon le FMI, les pays les plus pauvres devraient ĂŞtre les premiers Ă mettre le doigt dans l’engrenage du dĂ©faut de paiement. La Zambie n’en serait pas très loin. L’Afrique du Sud et le NigĂ©ria traversent un moment difficile. Le FMI s’en prĂ©occupe beaucoup…
Aux USA aussi, la situation est tendue
On aurait tort de croire que cette exposition au risque ne concerne que les banques europĂ©ennes. Aux Etats-Unis, des experts commencent Ă avoir froid dans le dos. Les financiers amĂ©ricains sont Ă nouveau inquiets Ă cause du marchĂ© des produits complexes, qu’on a appelĂ© Ă une Ă©poque le shadow banking.Â
On lira par exemple dans l’International Banker un article de la mi-octobre qui tire le signal d’alarme sur cette question. L’auteur de cet article Ă©crit notamment : ” the level of banks’ nonperforming loans could very well reach a critical stage that forces them to scale back lending and induce a credit crunch, similar to 2008″. Autrement dit : le niveau d’engagements non-performants des banques pourrait très bien atteindre un stade critique qui les forcerait Ă diminuer leurs prĂŞts et dĂ©boucherait sur un “credit crunch”, comme en 2008. Dans cette hypothèse, les craintes de dĂ©faut interrompraient le financement d’une Ă©conomie très affaiblie et pourraient conduire au pire.Â
Pour l’instant, les experts sont encore circonspects et prudents. Mais on sent bien que l’angoisse monte, accrue par les effets de ce deuxième confinement dont personne ne peut prĂ©sager de la durĂ©e.Â
Comment anticiper cette crise ?
Il faut retenir de ces Ă©lĂ©ments encore incertains, mais qui pourraient devenir certains dans un temps très court, que les actifs financiers risquent de connaĂ®tre une pĂ©riode très troublĂ©e. Si l’on veut Ă©viter les risques, on dispose d’une pĂ©riode de six mois pour anticiper une restructuration de ces actifs. Nous recommandons de ne pas laisser plus de 30.000€ en Ă©pargne bancaire (livrets A, etc.) et d’opĂ©rer une transition raisonnĂ©e vers l’or et l’immobilier, qui seront, pour les deux ans Ă venir, moins secouĂ©s par la vague qui arrive…Â
Mais il faut Ă©videmment suivre quotidiennement la situation pour bien doser son effort.Â
Sujet très intéressant