La réforme de l'assurance-chômage est devenue la seconde arlésienne du gouvernement, après la réforme des retraites. Le dossier revient sur la table tous les six mois... et son application est sans cesse reportée. Lancée début 2018, cette réforme n'a toujours pas abouti 3 ans plus tard. Mais il est vrai que, le temps passant, elle se charge sans cesse de nouvelles injonctions paradoxales qui rendent son application impossible. En voici la liste, qui méritera d'être actualisée régulièrement... au train où vont les choses, l'affaire ne devrait pas être close avant le prochain quinquennat.
L’assurance-chômage, rappelons-le pour bien comprendre ce qui suit, est entièrement financée par les employeurs. Ceux-ci sont soumis à une cotisation de 4,05% sur les salaires. Une majoration de 0,5 point est pratiquée sur les contrats courts.
La cotisation salariale de 0,95% a été supprimée le 1er octobre 2018.
Paradoxe n°1 : les patrons paient, l’Etat décide
Comme on le voit, l’assurance-chômage n’échappe pas cet étrange mélange des genres propres à la protection sociale française, où un régime entièrement financé par le secteur privé (et en l’espèce entièrement financé par les employeurs privés) se transforme en instrument de politique publique contrôlé par une bureaucratie d’Etat.
Jusqu’en 2018, c’est-à-dire jusqu’à l’arrivée à l’Elysée d’un Président prétendument néo-libéral et “pro-business”, la convention d’assurance-chômage était négociée par les partenaires sociaux. Certes, cette négociation était discrètement influencée (plus ou moins fortement) par le gouvernement, mais, facialement, les discussions n’engageaient que les financeurs : les employeurs et les syndicats de salariés.
Elle était un rendez-vous important de ce zombie appelé “démocratie sociale”.
Dès 2018, le “néo-libéral” Macron est massivement intervenu dans la renégociation de la convention pour que les partenaires sociaux endossent une économie de plus de 3 milliards € sur 3 ans. Face à ces exigences insoutenables, les partenaires sociaux ont abandonné la négociation et renvoyé l’Etat à ses responsabilités, avec le succès qu’on connaît ! Trois ans après l’intervention brutale du gouvernement, le dossier n’a pas bougé.
Paradoxe n°2 : un régime privé qui pèse sur les déficits publics
Autre paradoxe : comme le régime chômage est un monopole de droit privé (dont la mise en oeuvre pourrait appeler bien des observations sur sa régularité…), singulièrement compliqué par la fusion des ASSEDIC et de l’ANPE, qui a donné naissance à Pôle Emploi, il pèse sur les déficits publics au sens de Maastricht. Rappelons en effet que le droit de l’Union Européenne prévoit que tout régime de protection sociale monopolistique, qu’il soit de droit privé ou de droit public, est intégré aux comptes publics.
Ce point particulier explique l’acharnement du gouvernement à mettre cette réforme sur le tapis (et son manque d’empressement à la mettre en oeuvre). Avec une dette prévisible, d’ici à 2022, de 70 milliards, en croissance de 10 milliards par an pour fait de COVID, l’assurance-chômage fait partie des réformes structurelles que la Commission européenne exige en contrepartie des prêts et subventions à la France.
Paradoxe n°3 : diminuer les allocations en pleine crise
Lorsqu’Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir, l’Unedic était déjà profondément déficitaire, comme le montre le graphique en ouverture de ce post. Dans la pratique, en dehors d’une brève période en fin de quinquennat Chirac, l’UNEDIC est structurellement déficitaire.
Depuis la crise de 2008, l’UNEDIC a été incapable de se remettre à flots, en grande partie parce que les organisations de salariés ont récusé tout effort. Dans cette grande tentation maduriste, l’assurance-chômage a perdu de précieuses années où elle aurait pu au minimum rétablir ses équilibres pour faire face à la crise suivante (au demeurant prévisible et attendue) avec des marges plus confortables.
Cette incapacité des partenaires sociaux à rétablir une situation viable explique la pression grandissante de la Commission Européenne avant la crise du COVID.
Faute d’un Président de la République capable de passer du discours à l’action, de la règle à l’application (le problème est le même sur les retraites), les décisions qui devaient être prises en 2018 sont devenues contracycliques aujourd’hui. L’objectif de diminuer les allocations pour rééquilibrer le régime paraissent impossibles, et même dangereuses, à mettre en oeuvre en plein milieu de la récession qui frappe.
Elisabeth Borne est donc condamnée à agir par injonction paradoxale : officiellement, on veut mettre en oeuvre la réforme, mais en sous-main on la neutralise (une nouvelle fois), pour ne pas accélérer la dépression. D’où les conditions illusoires données pour son entrée en vigueur en octobre 2021.
Mais Elisabeth Borne exécute cependant une partie de la commande envoyée par la Commission Européenne : le salaire journalier de référence, qui sert de base de calcul aux allocations, sera calculé de telle sorte que les allocations de chômage diminuent.
Cette mesure technique entre en vigueur le 1er juillet, date où le ministère du Travail estime que la situation sanitaire sera revenue à la normale…
Une tension qui ne pourra durer
La perspective de dégager 70 milliards € de dette sur la seule assurance-chômage à l’horizon de 2022 n’est évidemment pas durable, dans un contexte où tous les autres comptes sociaux sont au rouge. Toute la difficulté tient à l’absence de réforme sérieuse durant le quinquennat Hollande et à l’incapacité de Macron à appliquer les réformes qu’il prépare aux forceps.
Face à cette passivité, les régimes sociaux français ne disposent d’aucune profondeur stratégique pour faire face à une redoutable crise, ce qui pose un vrai dilemme : comment imaginer que, dans les dix ans à venir, la “démocratie sociale” pourra à nouveau s’opposer à une remise en ordre raisonnable et salutaire, après avoir perdu 10 ans pour agir ?
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Pourrait-on connaître sur plusieurs périodes :
1. le nombre de salariés employés à Pôle Emploi ?
2. le montant des cotisations employeurs encaissées ?
3. le montant des cotisations employeurs non perçues (contentieux) ?
3. le montant des allocations versées ?
4. le nombre d’allocataires ?
5. la répartition par tranches d’âge des allocataires ?
6. la répartition par secteurs ou branches professionnels des allocataires ?
7. le coût de la gestion ou taux de gestion de tout ça ?
On y verrait sûrement plus clair ! Tout ceci est valable pour tous les organismes “sociaux” qu’ils soient privés ou pas !
Nous aurions sûrement des surprises … désagréables !
“Mais où passe notre pognon de dingues ?”