Déclarer fiscalement ses cryptomonnaies est un exercice beaucoup plus douteux que les services de Bercy ne tentent de le faire croire. À chaque étape du processus, en effet, une incertitude juridique, un fondement mal assuré, une disposition fiscale biscornue montrent combien la position du contribuable est à la fois contestable et, au fond, plutôt confortable au regard d'un droit extrêmement contestable. D'ailleurs, une décision du Conseil d'Etat de 2018 a balayé la seule instruction fiscale claire dans ce dosser. C'est dire s'il ne faut surtout pas être prisonnier des injonctions de Bercy, et s'il faut se garder des marges de manoeuvre dans la grande spoliation à laquelle les inspecteurs des impôts nous demandent de nous prêter.
Officiellement, les plus-values dĂ©gagĂ©es grâce aux crypto-monnaies sont fiscalisĂ©es, doivent ĂŞtre soumises Ă l’impĂ´t, etc. Bref, il est interdit de gagner de l’argent sur les “actifs numĂ©riques”, comme dit l’inepte et bureaucratique article 86 de la loi PACTE, sans en faire profiter la collectivitĂ©, Ă commencer par tous ceux qui vocifèrent contre l’argent facile et promettent de ne jamais en croquer.Â
Mais il est plus qu’urgent de souligner Ă grands traits les innombrables faiblesses des dispositions fiscales en vigueur sur le sujet. Surtout, Ă©pargnants, ne vous laissez pas impressionner par Bercy !
DĂ©clarer fiscalement ses cryptomonnaies ? Vraiment ?
Point n°1 : soulignons qu’il n’existe aucune loi qui prĂ©voirait l’obligation de dĂ©clarer fiscalement ses cryptomonnaies, ce qui signifie deux choses très distinctes.Â
D’abord, ce n’est pas la dĂ©tention de cryptomonnaies qui est fiscalisĂ©e, mais les plus-values obtenues Ă la revente si et seulement si les plus-values sont converties en monnaie. Autrement dit, tant que vous ne convertissez pas sur un compte libellĂ© en euro (ou autre) les gains que vous avez pu obtenir dans des achats de cryptomonnaies, le fisc n’est pas concernĂ© par votre vie privĂ©e.
Surtout, le texte qui prĂ©voit que les plus-values des actifs numĂ©riques converties en monnaie “courante” (vaste dĂ©bat dans lequel nous n’entrerons pas, mais qui mĂ©rite de très longs dĂ©veloppements) sont soumises Ă impĂ´t, pour les particuliers, ne procède que d’une “instruction fiscale” de 2014 qu’une dĂ©cision du Conseil d’Etat a partiellement annulĂ©e.Â
Autrement dit, le fondement de l’imposition des actifs numĂ©riques repose aujourd’hui sur une dĂ©cision prise par un fonctionnaire de Bercy sans aucune validation des reprĂ©sentants Ă©lus du peuple français. Ce texte ne vaut donc que ce qu’il vaut.Â
Seules les opérations professionnelles sont régies par la loi
Puisque, en dĂ©mocratie, la loi joue un rĂ´le essentiel en matière de fiscalitĂ© (le consentement Ă l’impĂ´t par le peuple souverain Ă©tant un fondement de nos rĂ©gimes libĂ©raux), on notera que la seule intervention de la loi en l’Ă©tat actuel concerne les plus-values professionnelles en matière de crypto-monnaies, rebaptisĂ©es abstraitement “actifs numĂ©riques” par Bercy. Il s’agit de l’article 41 de la loi de finances pour 2019.Â
Autrement dit, les plus-values enregistrĂ©es Ă titre personnel ne sont pas du domaine de la loi, ni mĂŞme d’un texte signĂ© par un ministre. Elles relèvent d’un texte de 2014 signĂ© par un fonctionnaire mis en charpie par le Conseil d’Etat quatre ans plus tard.Â
Donc, on dĂ©stresse, on respire un grand coup, et on arrĂŞte d’avoir peur. Dans la pratique, le fluo règne.Â
Actifs numériques ou cryptomonnaies ?
Sur l’ensemble du pan juridique et fiscal des cryptomonnaies, un problème de fond se pose : personne ne sait ce qu’est une cryptomonnaie, et sa rĂ©duction par la loi au statut d’actif numĂ©rique mĂ©rite bien des critiques.
En l’Ă©tat, le dĂ©rivĂ© de l’article 86 de la loi Pacte, devenu article L54-10-1 du Code MonĂ©taire et Financier, pose la dĂ©finition suivante :Â
Toute reprĂ©sentation numĂ©rique d’une valeur qui n’est pas Ă©mise ou garantie par une banque centrale ou par une autoritĂ© publique, qui n’est pas nĂ©cessairement attachĂ©e Ă une monnaie ayant cours lĂ©gal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptĂ©e par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’Ă©change et qui peut ĂŞtre transfĂ©rĂ©e, stockĂ©e ou Ă©changĂ©e Ă©lectroniquement.
Reste Ă prouver qu’une monnaie doit forcĂ©ment ĂŞtre Ă©mise ou garantie par une banque centrale ou par une autoritĂ© publique, ou qu’elle a forcĂ©ment un statut juridique de monnaie… Sur ce point, on n’est pas au bout du contentieux international.Â
Sur le fond, il y a une vraie fragilitĂ© dans la dĂ©finition lĂ©gale de l’actif numĂ©rique, et personne ne sait jusqu’oĂą la levĂ©e des ambiguĂŻtĂ©s peut nous mener. Il faut bien y songer, car le fonctionnaire de Bercy n ‘aime pas forcĂ©ment accoler son nom Ă un arrĂŞt du Conseil d’Etat, Ă une dĂ©cision du Conseil Constitutionnel, Ă une question prĂ©judicielle devant la Cour de Luxembourg.Â
Quelques leçons simples à retenir pour sa déclaration fiscale
On voit que les pistes de rĂ©flexion fiscale sont nombreuses, et sont loin d’ĂŞtre Ă©puisĂ©es. Plusieurs points majeurs sont Ă retenir Ă ce stade pour ne pas ĂŞtre pigeonnĂ© par les pitres de Bercy qui pensent rĂ©gler des problèmes internationaux par quelques dispositions locales mĂ©diocres sorties de leur chapeau miteux :
1° personne n’a intĂ©rĂŞt, aujourd’hui, Ă soumettre les pauvres textes nationaux français Ă une jurisprudence europĂ©enne – ce point est Ă mĂ©diter longuement
2° la dĂ©claration fiscale n’est imposĂ©e par les fonctionnaires de Bercy, lorsqu’il s’agit de particuliers, que lorsque les sommes sont converties en monnaies banque centrale
3° nous reviendrons ultĂ©rieurement sur le calcul de la plus-value, mais si vous dĂ©cidez de convertir une partie de vos actifs numĂ©riques en une somme de 500€, et en laissant l’Ă©quivalent de 100.000€ sur votre compte numĂ©rique, comment calculer la plus-value ?
4° personne ne sait exactement ce que sont les “coins”, les cryptomonnaies, et la dĂ©finition officielle de Bercy paraĂ®t bien rĂ©ductrice et critiquable.
N’hĂ©sitez pas Ă nous signaler d’Ă©ventuelles difficultĂ©s fiscales que vous auriez sur ces sujets, mais il nous semble que les textes sont bien faibles aujourd’hui pour poser des problèmes majeurs aux contribuables astucieux.
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Une démonstration de plus de ce que l’on appelle communément « l’état de droit « je ne mets pas de majuscule à état car ça ne le mérite pas
Les mafieux sont Ă tous les niveaux pour nous spolier. Comment leur “Ă©chapper ” sinon casser leur système ???
Cet article ne dit pas comment dĂ©clarer ! Sans doute parce qu’il tomberait sous le coup de la loi s’il conseillait d’Ă©chapper Ă l’impĂ´t, au moins partiellement.
Dommage.