Cependant, ce qui a plus surpris les observateurs, c’est la rédaction de l’arrêt du Tribunal:
« Il est ordonné que le Président de la République Fédérale sursoie à la ratification de l’acte sur la décision du Conseil [Européen] du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne (…) jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale.
Motifs :
L’exposé des motifs sera soumis ultérieurement. » (C’est nous qui soulignons)
Que s’est-il passé? Le grand journal économique allemand, le Handelsblatt, s’est offusqué du « manque de motifs », jugeant le Tribunal Constitutionnel soudain peu sérieux. En fait, le Tribunal de Karlsruhe a dû dégainer très vite, vendredi. En effet, le gouvernement allemand avait, sans prévenir, avancé le vote du texte par le Bundesrat, la Chambre des Länder, initialement prévu en mai. Il aurait été plus difficile pour le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe de rendre un avis négatif sur les modalités du plan de relance une fois la ratification allemande acquise. C’est bien ce sur quoi Madame Merkel et son gouvernement ont essayé de jouer. D’où la réaction extrêmement rapide de la Cour constitutionnelle, qui n’avait que quelques heures pour réagir et a renvoyé la rédaction des motifs à plus tard.
L’état de droit, c’est quelque chose à quoi Madame Merkel, qui a grandi en RDA, dans une famille favorable au régime, a toujours eu du mal à s’habituer, elle qui affectionne les décisions brusques, qui mettent les acteurs publics devant le fait accompli.
En l’occurrence, les juges de Karlsruhe ont réagi très vite, trop vite pour une Chancelière en fin de règne et qui, décidément ces temps-ci, porte la poisse à ses alliés politiques, comme nous nous en faisons régulièrement l’écho dans le Courrier des Stratèges.