Tiens ! Axa a retrouvé les vieilles ficelles du métier d'assureur en proposant, la semaine dernière, une transaction avec les 15.000 restaurateurs de son portefeuille, pour une enveloppe globale de 300 millions €. Les polytechniciens auront calculé que l'offre revient à 20.000 € par tête, ce qui est plutôt avantageux pour l'assureur. Mais, face à la désorganisation des professions concernées, l'assureur joue sur du velours. Une fois de plus, la médiocrité de l'UMIH dessert ses adhérents.
Axa a secouĂ© le paysage la semaine dernière, avec une interview de Thomas Buberl, sur Europe 1, annonçant une transaction Ă 300 millions € offerte aux 15.000 restaurateurs de son portefeuille. L’annonce Ă©tait inattendue, et ressemble presque au scĂ©nario d’un thriller amĂ©ricain : la compagnie joue aux quitte ou double avec ses assurĂ©s, avec un arrangement Ă “prendre ou Ă laisser” qui ouvre un suspense complet pour la suite des Ă©vĂ©nements.
Les vieilles ficelles du mĂ©tier d’assureur reviennent
Sur le fond, l’affaire a Ă©tĂ© montĂ©e Ă l’ancienne, selon les règles de l’assurance les plus pures. Axa a patiemment curiacĂ© ses adversaires. Il y a un an, l’assureur avait dĂ©jĂ conclu un accord avec le très mĂ©diatisĂ© StĂ©phane Manigold. L’opĂ©ration Ă©tait judicieuse, puisque Manigold n’a eu de cesse, par la suite, d’appeler au calme et de contre-balancer l’excitation que d’autres mouvements patronaux tentaient d’entretenir.
Face Ă la multiplication des contentieux et aux risques jurisprudentiels, Axa a fini par dĂ©gainer une arme magique : la transaction Ă prendre ou Ă laisser, technique bien connue de tous les gestionnaires de sinistres. L’assurĂ© a le choix entre une procĂ©dure longue, coĂ»teuse et très incertaine, et une indemnisation infĂ©rieure au dommage, mais sĂ»re. Compte tenu de la dĂ©tresse de certains restaurateurs, la perspective d’endosser rapidement un chèque devrait faire rĂ©flĂ©chir.
Dans la pratique, Axa propose une indemnisation Ă©gale Ă 15% du chiffre d’affaires 2019, proratisĂ©e au nombre de jours de fermeture. L’offre n’est pas nĂ©gociable sous 2 millions € de chiffres d’affaires. Elle ne peut ĂŞtre modifiĂ©e par les agents gĂ©nĂ©raux. Le chiffre paraĂ®t suffisamment Ă©quilibrĂ© pour Ă©touffer de nombreux contentieux. Comme l’ont fait remarquer des agents gĂ©nĂ©raux, Axa devrait se heurter aux traditionnels 20% de clients qui souhaiteront poursuivre les opĂ©rations, convaincus d’obtenir mieux dans une procĂ©dure individuelle.
Les assureurs de la place ne manqueront de reconnaĂ®tre ici des procĂ©dĂ©s et procĂ©dures qui leur rappellent leur jeunesse. L’objectif est de “mitiger” son risque et son indemnisation en nĂ©gociant les pertes.Â
Une transaction habile
Sur le fond, la proposition d’Axa est politiquement habile et bien inspirĂ©e d’un point de vue financier, mĂŞme si on peut lui reprocher d’avoir produit, par son retard, quelques dĂ©gâts en termes d’images. Elle a l’immense habiletĂ© de “diviser” pour rĂ©gner dans un paysage oĂą certains mouvements patronaux sont depuis plusieurs annĂ©es plus prĂ©occupĂ©s del’intĂ©rĂŞt de leurs organisations que de l’intĂ©rĂŞt de leurs adhĂ©rents.
En particulier, le mĂ©rite d’Axa est de limiter le champ de la transaction Ă la seule restauration, sans tenir compte d’Ă©ventuels prĂ©judices liĂ©s Ă l’hĂ´tellerie. Or, sur ce point, il y aurait beaucoup Ă dire, puisque les hĂ´teliers ont subi d’importantes pertes d’exploitation du fait de la pandĂ©mie, sans fermeture administrative. On se souvient que l’intervention d’une fermeture administrative a jouĂ© un rĂ´le essentiel dans les exclusions de garantie invoquĂ©es par les assureurs.
L’autre mĂ©rite est d’entamer une nĂ©gociation “tĂŞte par tĂŞte”, sans passage par les organisations patronales qui ont voulu se mĂŞler du dossier. Ce vĂ©ritable curiaçage des 15.000 restaurateurs concernĂ©s signe une reprise en main des opĂ©rations par l’assureur qui devrait fortement affaiblir l’opposition des assurĂ©s.
L’UMIH affaiblie par un an de flottement
Les initiĂ©s des coulisses paritaires s’amuseront de cette nouvelle dĂ©faite de l’UMIH, l’organisation patronale qui prĂ©tend reprĂ©senter les restaurateurs et les hĂ´teliers. Depuis un an, en effet, la mĂ©diatisation du dossier a largement Ă©tĂ© assurĂ©e… par d’autres que l’UMIH, notamment par StĂ©phane Manigold, qui a disparu des Ă©crans radars lorsque la machine parisienne n’a plus eu besoin de lui. Mais on pourrait parler du SDI, le petit syndicat patronal interprofessionnel, qui est parvenu Ă mener une action de groupe largement relayĂ©e par la presse nationale.Â
Il est vrai que la connivence de l’UMIH avec le monde de l’assurance ne place guère le mouvement patronal en position de parfaite libertĂ© pour dĂ©fendre ses adhĂ©rents. Les experts de la nĂ©gociation collective se souviennent que l’UMIH a par exemple beaucoup comptĂ© sur ses relations avec Klesia, au point de surfacturer pendant de nombreuses annĂ©es les contrats de complĂ©mentaire santĂ© monopolistiques accordĂ©s Ă cette institution paritaire dont la transparence n’est pas le maĂ®tre mot. Les connaisseurs du secteur se souviennent encore avec amusement du jour oĂą l’ouverture Ă la concurrence imposĂ©e par le Conseil Constitutionnel a conduit Ă une brutale baisse des prix en santĂ© dans la restauration, preuve que les prix Ă©taient pipeautĂ©s depuis longtemps par cette osmose curieuse entre certains syndicats patronaux et certains assureurs.Â
Ce manque d’indĂ©pendance du syndicalisme patronal lui cause Ă nouveau un problème de crĂ©dibilitĂ©. La presse nationale a en effet très largement ignorĂ© l’action de l’UMIH… Il serait, dans ce dossier, intĂ©ressant de savoir pour quelle raison un syndicat qui assure reprĂ©senter plus de 70% des entreprises de sa branche obtient aussi peu d’audience dans le pays rĂ©el en plein milieu d’une crise sectorielle dont tout le monde entend parler chaque jour.
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On ne saurait mieux dire.