Dans notre chronique économique du dimanche, nous faisons place aujourd’hui à une question d’actualité, qui est celle des comptes de la FNSEA, souvent accusée de conflit d’intérêt. Notre propos n’est pas ici d’analyser en détail la comptabilité du principal syndicat agricole, mais plutôt de montrer les conséquences systémiques du corporatisme français dont la FNSEA porte la marque : très largement subventionnée par l’Etat, la FNSEA n’a guère besoin d’adhérents pour exister. Son véritable donneur d’ordre n’est pas l’agriculteur qui paie sa cotisation, mais bien le ministre qui tient les cordons de la bourse. Voilà ce qui arrive lorsqu’on demande à une profession de s’auto-organiser avec l’argent du contribuable : peu à peu une bureaucratie syndicale déconnectée de la base prend le pouvoir.
Nous l’avons évoqué lors de notre reportage à Carbonne, la FNSEA est à la fois très présente et très critiquée (en cachette) sur les barrages qui fleurissent un peu partout en France. Le rôle de ce syndicat est dans le viseur de nombreux agriculteurs, qui considèrent qu’elle est un instrument entre les mains du gouvernement, de l’industrie agro-alimentaire et des plus gros propriétaires, au détriment des pus « petits ».
Nous refaisons un point général aujourd’hui en soulignant comment l’agriculture en France souffre de son archaïsme. Elle est en effet organisée selon le principe de la « profession auto-administrée », qui est ce qu’on appelle le corporatisme, en vogue sous Vichy et jamais totalement épuré en France. Pour bien comprendre comment s’est tissée cette tragédie française, je rappelle quelques points en complément de la vidéo !
- la FNSEA est née après la guerre, mais est restée liée à la corporation agricole créée sous Vichy
- historiquement, elle est le « fief » des grands céréaliers
- la FNSEA défend le principe d’une spécialisation agricole fortement mécanisée, voire industrialisée
- elle est majoritaire dans les chambres d’agriculture et dans le « biotope » agricole français, notamment dans les SAFER
- une analyse méthodique de ses pratiques permettrait de conclure qu’à de nombreux égards elle abuse de sa position dominante
- sur le fond, elle est fortement dépendante des finances publiques.
L’examen de son bilan 2022 et de son budget 2023 montre par exemple ceci :
Alors que les cotisations des adhérents apportent moins de 7 millions € de ressources, les subventions en apportent 17 millions. Le budget total est de 25 millions. Autrement dit, lorsque la FNSEA encaissent 100€, 28 seulement viennent des adhérents, et 68 viennent de l’Etat, à un titre ou à un autre.
On comprend d’emblée qui dirige ce syndicat, et ce ne sont certainement pas les adhérents.
Lorsqu’un syndicat est financé à pratiquement 70% par l’Etat, on comprend qu’il ne dispose de quasiment aucune marge de manoeuvre pour défendre ses adhérents. C’est la caractéristique du corporatisme : il n’est pas au service de la « base », mais au service de la caste qui lui donne son pouvoir.
Pour le reste, des accusations courent sur les liens organiques prétendus de la FNSEA avec un groupe agro-alimentaire. Je reviendrai plus longuement sur ce sujet, mais il faut souligner qu’il relève largement du fantasme : il est souhaitable qu’un président de fédération ne soit pas un bureaucrate, mais un chef d’entreprise. Prenons garde à ne pas fantasmer inutilement.
Cette réserve ne remet nullement en cause le problème de fond du corporatisme dont les agriculteurs sont les victimes aujourd’hui : seule une libre concurrence permet de sortir de cette impasse.
Formidable démonstration que la FNSEA n’est plus au service de ses adhérents mais de l’état. Les allemands disent que c’est celui qui paye qui choisit la musique. Autre scandale du monde paysan c’est la SAFER qui pille le foncier agricole qui était la seule richesse des paysans, l’hectare en France vaut 6000€, en Allemagne 35000€, en Hollande 65000€.
C’est le cas de tous les syndicats (en tout cas les « représentatifs »…).
Il faut parler aussi du monopole des SAFER (qui ne devraient pas exister), du monopole de la MSA (et ses tarifs exorbitants)…
Bref, un grand besoin de libérer tout cela des entraves politiques.
Intéressant aussi de voir que le poste de dépenses le plus important est celui des salaires. Le syndicat reçoit beaucoup d’argent public et une bonne partie de celui-ci sert à rémunérer ses membres. On aimerait connaître les salaires des dirigeants, comparés aux revenus des agriculteurs qui manifestent en ce moment.
Très bonne idée
Bonne question et réponse évidente qui encouragera sans doute nos agriculteurs à poursuivre leur mouvement et à s’écarter du monde mafieux qui pollue la France.
Voilà. Et c’était en 2020.
https://www.leparisien.fr/economie/la-fnsea-assume-les-confortables-salaires-de-ses-dirigeants-20-02-2020-8264025.php
Les syndicats, tout comme la presse subventionnée se sont détournés depuis longtemps, des petites gens. Pour faire plaisir à leurs maîtres, nos dirigeants, ils se sont mis à pourfendre ce qu’ils désignent sous le vocable : assistanat. Qui forcément est péjoratif, dans une société « évoluée » comme la nôtre.
Mais pas l’assistanat qui leur procure force subventions et qui leur permet de vivre décemment, tout en abandonnant leurs affiliés ou leurs abonnés. Car nous disent-ils les uns, les autres… il en va de leur survie et partant… de la « démocratie » Vous pouvez toujours chercher l’erreur. Ou mieux ! Réagir en conséquence.
On se demande pourquoi, syndicats et presse « honorable » grands défenseurs de l’indépendance, ne s’appliquent pas à eux-mêmes, les nobles principes d’autonomie, qu’ils dispensent aux gueux…
https://www.leparisien.fr/economie/la-fnsea-assume-les-confortables-salaires-de-ses-dirigeants-20-02-2020-8264025.php
Merci Eric pour cet éclairage fondamental sur la FNSEA dont j’ignorais l’organisation et le financement. ca permet de mieux comprendre la politique agricole que je vois dériver depuis des décennies !
Trés bonne analyse , nous retrouvons les mêmes problémes dans l’ industrie francaise ; il reste 2 marché le luxe pour une élite et le bas de gamme pour le peuple.
bravo excellemment démontré; la France est hélas la très grande patrie d’un corporatisme archaïque que les différentes lois au fil des siècles et notamment la loi Le Chapelier en 1791, n’ont jamais réussi à faire disparaître; on pourrait citer le bon proverbe populaire « chassez le naturel, il revient au galop » Ce terrible corporatisme nuit énormément à tous les niveaux. Il faudrait du courage politique, et bien plus, une volonté véritablement révolutionnaire pour y mettre fin.
À voir : « Tu nourriras le monde » un documentaire très intéressant, en accès libre pendant 7 jours dans le contexte de la mobilisation des agriculteurs https://www.youtube.com/watch?v=MbSaUIHpgg8&ab_channel=ParolesdePaysans
Il permet de comprendre comment le monde agricole européen est arrivé dans de telles difficultés (spoiler : politiques désastreuses liées avec notamment la PAC) et donne quelques pistes pour en sortir.
Bonjour,
Je ne suis pas vraiment d’accord avec votre analyse sur le système corporatiste, présenté comme un quasi communisme, et paré de divers maux, … Vous présentez la FNSEA, comme un modèle corporatiste, ce qu’en réalité, elle n’est pas, puisque justement, vous l’expliquez, elle dépend et est fortement aidée par l’Etat, les 2/3 de son budget de fonctionnement, et qu’elle OBEIT aux directives productivistes, ou autres, de l’Etat. Elle est peut-être née de la corporation de Vichy, mais a perdu toutes les caractéristiques d’une vraie corporation.
C’est depuis le début, un syndicat complètement contrôlé par l’Etat, même si ses adhérents refusent de l’admettre. Evidemment il ne défend pas, sauf tactiquement lorsque c’est nécessaire, les agriculteurs.
Or, par définition une corporation ne dépend pas financièrement et politiquement de l’Etat, mais en est indépendante. Les corporations du Moyen Age, avaient un réel pouvoir de négociation, car indépendantes du pouvoir royal, … Elles n’étaient pas tenues en laisse comme la FNSEA actuelle, et agissaient pour l’intérêt des professionnels concernées. Parfois les unes contre les autres, d’où la notion négative moderne de « corporatisme ».
C’est la co-gestion de l’agriculture par le soi-disant syndicat majoritaire, et l’Etat qui a assassiné l’agriculture (Jean-Clair Davesnes)
Je ne dit pas que l’ancien système corporatiste était parfait, mais il n’était pas pire, et plutôt mieux que celui d’aujourd’hui.
Un petit ouvrage pas cher et vite lu sur la notion de corporatisme :
https://institut-iliade.com/les-corporations-solutions-pour-un-nouveau-localisme/
Cordialement
Vous nous répétez la leçon de gens qui affirment que les corporations étaient indépendantes du pouvoir royal. Vous vous petes bien dispensés de lire les livres d’HISTORIENS et non d’idéologues qui décrivent ce qu’étaient les corporations REELLEMENT, pas dans l’idéologie qui vous fait plaisir. Et les corporations fonctionnaient comme l’agriculture aujourd’hui. La résistance, ce n’est pas faire du macronisme à l’envers (répéter en boucle n’importe quelle connerie présentée comme vérité). C’est penser par soi-même.
pouvez vous ajouter le lien ou l’on peut avoir les comptes de la fnsea car google ne le trouve pas 🙁