Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a annoncé que le projet de loi spéciale destiné à « faire la jonction » avec 2025 serait discuté en Conseil des Ministres demain. Ce texte devrait illustrer une nouvelle fois le peu de respect pour la Constitution en vigueur dans nos institutions. En particulier, ce projet de loi violerait notre texte fondamental en réglant la question de la sécurité sociale… ce qui n’est absolument pas prévu. Mais au point où nous en sommes.
Nos lecteurs ne découvrent pas le sujet : la loi spéciale prévue par l’article 47 de la Constitution en cas « d’échec » du budget doit être déposée avant le 19 décembre à l’Assemblée nationale. C’est la condition indispensable pour éviter un « shutdown » à la française, c’est-à-dire une interruption dans le financement de l’Etat qui créerait une banqueroute.
Nous avons déjà largement évoqué le problème spécifique que pose la sécurité sociale dans ce dispositif. En effet, la sécurité sociale a un besoin permanent de trésorerie, qui est en principe réglé par une autorisation générale donnée en loi de financement de la sécurité sociale. Et, comme la loi de financement est tombée à l’eau, il faut prévoir quand même un dispositif pour éviter un défaut de paiement de la sécurité sociale, notamment des retraites.
Problème : ni la loi organique relative aux lois de finances ni la Constitution ne prévoient une procédure de type « loi spéciale » pour les lois de financement de la sécurité sociale. Cette procédure est réservée à la loi de finances, qui précise ceci (article 45 de la loi organique) :
Si la loi de finances de l’année ne peut être promulguée ni mise en application en vertu du premier alinéa de l’article 62 de la Constitution, le Gouvernement dépose immédiatement devant l’Assemblée nationale un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée.
Comme on le voit, la loi spéciale se borne à autoriser la perception des « impôts existants », et rien d’autre. C’est d’ailleurs pour cette raison que Laurent Saint-Martin a expliqué à la presse que tout amendement parlementaire qui indexerait le barème de l’impôt sur l’inflation serait inconstitutionnel : la loi spéciale se borne à prolonger les recettes de l’année en cours et ne peut en aucune façon les modifier. Pour modifier les règles du jeu, il faut une loi de finances en bonne et due forme, potentiellement adoptée en début d’année 2025.
Sur ce dernier point, les députés du Nouveau Front Populaire semblent pencher pour l’intégration de cette indexation dans la loi spéciale par amendement. En apparence, le gouvernement pourrait s’y opposer sans trop de problème.
Mais… cette opposition risque de soulever une difficulté, car le gouvernement lui-même a bien l’intention d’introduire dans la loi spéciale des dispositions parfaitement opposées à la Constitution. En l’espèce, Bercy devrait ajouter dans cette loi une autorisation de découvert pour la sécurité sociale. Répétons-le, cet ajout n’est pas prévu par les textes, et contrevient à la lettre même de l’article 45 de la loi organique, qui limite la portée de la loi spéciale aux « impôts existants ». Or l’autorisation donnée à la sécurité sociale d’emprunter sur les marchés n’a rien à voir avec un impôt.
Dans cette affaire, tout le monde se tient par la barbichette : si le gouvernement refusait les amendements sur l’indexation des retraites, les députés de gauche disposeraient d’une arme fatale pour remporter le bras de fer. Il leur suffirait de saisir le conseil constitutionnel pour faire annuler cette loi… au motif qu’elle prévoit des dispositions sur la sécurité sociale. Dans cette hypothèse, la sécurité sociale serait condamnée à la faillite dans les trois mois, et le régime tomberait.
Il est donc très probable qu’un deal se dessine entre le gouvernement et ses nombreux opposants pour violer de concert la Constitution : les oppositions indexeraient le barème de l’impôt, et le gouvernement sauverait la sécurité sociale. D’un commun accord, personne ne saisirait le Conseil Constitutionnel de cette loi spéciale, pour éviter la déclaration d’inconstitutionnalité.
Et voici donc comment la caste au pouvoir se ligue pour contourner la loi afin de ne pas payer le prix de ses errements et de ses combinazioni. Pendant ce temps, plusieurs mesures de salut public passeront à la trappe, comme les dispositions fiscales favorables aux start-up. Mais qu’importe de développer des entreprises d’avenir ? l’essentiel est de sauver coûte-que-coûte un système social avachissant qui opère un immense transfert de richesses des jeunes travailleurs vers les retraités, et spécialement vers les cadres.
Si vous aussi, vous en avez assez que la caste au pouvoir piétine le droit et la Constitution pour préserver un système à bout de souffle qui nous étouffe, rejoignez notre fil Telegram gratuit : https://t.me/RacketFiscal. Ce sera une bonne occasion de nous coordonner pour saisir le Conseil Constitutionnel et faire tomber ce système insupportable de prédation. Osons !
Par ailleurs, ne manquez pas notre article à venir sur le versement de dividendes avant le 31 décembre : est-ce vraiment une bonne idée ? Nous vous expliquons pourquoi nous pensons le contraire. N’oubliez pas non plus de lire nos considérations sur l’article 16…
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Cela prouve que les « assurances sociales » ne sont pas l’affaire des politiques et sont à leur retirer.
…immense transfert de richesses des jeunes travailleurs vers les retraités, et spécialement vers les cadres.
Certes, mais retraites des régimes AGIRC + ARRCO ne représentent environ que 25% des retraites versées par les régimes obligatoires…