La Cour des Comptes fustige l’inefficacité de l’Etat à l’école primaire mais ne propose aucune solution

La Cour des Comptes fustige l’inefficacité de l’Etat à l’école primaire mais ne propose aucune solution


Partager cet article

Dans un rapport publié le 20 mai la Cour des Comptes fustige l’inefficacité de l’Etat, qui met toujours plus d’argent dans l’école primaire sans que l’on constate de progrès, au contraire, des performances des élèves. En soi, le rapport ne surprendra pas ceux qui ont compris que l’échec des politiques publiques est rarement une question d’argent. On s’étonne cependant de voir la pauvreté des solutions proposées par la Cour des Comptes – cela ne fait que confirmer l’erreur qui a consisté à demander à l’institution de la rue Cambon d’évaluer en opportunité les politiques dont elle contrôle les dépenses.

Le constat de la Cour des Comptes est sans appel:

[M]algré un investissement public conséquent (55,1 Md€ en 2023), les résultats des élèves français en CM1 restent préoccupants, notamment en mathématiques, domaine dans lequel la France se classe dernière parmi les pays de l’Union européenne et avant-dernière au sein de l’OCDE. Plusieurs dysfonctionnements structurels ont été identifiés, au premier rang desquels une aggravation des inégalités au cours de l’école primaire, une gouvernance de l’école encore trop centralisée, une organisation du temps scolaire en décalage avec les besoins des élèves, ainsi qu’un recul de l’attractivité du métier d’enseignant.

Un constat sans solutions

Précisons tout d’abord que le chiffre donné indique non seulement l’investissement réalisé par le ministère de l’Education nationale dans l’enseignement primaire (environ 20 milliards d’euros) mais aussi les investissements des collectivités locales dans les écoles primaires et tout ce qui relève de l’argent public mis au service de l’effort éducatif du pays pour le primaire.

En 2022, l’État a consacré 20,1 Md€ au premier degré, principalement pour les personnels, tandis que les collectivités territoriales ont investi 19 Md€ hors pensions dans cette politique publique. Les ménages et acteurs privés ont contribué à hauteur de 3 Md€, notamment pour la restauration scolaire et les frais annexes. La dépense totale pour l’école primaire atteint ainsi (…) 2 % du PIB.

Les rédacteurs du rapport font remarquer que l’investissement en soi est inférieur ou égal à ce qui ce fait dans d’autres pays de l’OCDE:

En dépit des efforts entrepris, la France consacre une part inférieure de son PIB à l’enseignement primaire par rapport à d’autres pays de l’OCDE (1,3 % contre 1,5 % en moyenne).

Donc l’argent est mal utilisé. La Cour des Comptes pointe bien la gouvernance du système mais sans rien proposer d’essentiel pour mettre en cause « le mammouth » administratif dont parlait Claude Allègre il y a un quart de siècle.

De même la question du recrutement des enseignants n’est traitée que du point de vue de la difficulté à pouvoir les postes et du « manque d’attractivité » du métier. Comme s’il n’y avait pas une question de niveau des recrutements – candidats reçus au CAPES  dans certaines disciplines avec des notes bien en-dessous de la moyenne – et comme si cela n’avait rien à voir avec la chute de niveau des élèves.

Ces derniers n’auraient à se plaindre, selon la Cour, que d’un environnement (campus scolaires peu attrayants)

Enfin, cerise sur le gâteau, une meilleure manière de dépenser l’argent de l’Etat serait de mettre plus d’argent dans la transition écologique – c’est sûr que cela va faire remonter le niveau en maths dans les enquêtes PISA.

En revanche, sur ce que la Cour appelle pudiquement les « inégalité sociales croissantes »,  les rédacteurs restent très discrets, alors que c’est le cœur de la question.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Pourquoi les Français acceptent qu'un footballeur devienne millionnaire mais pas un député

Pourquoi les Français acceptent qu'un footballeur devienne millionnaire mais pas un député

Il est de bon ton, dans les dîners en ville de la rive gauche et au sein de la technostructure qui nous gouverne, de déplorer le "populisme" ambiant. On s'y étonne, entre la poire et le fromage, de cette étrange schizophrénie du peuple français : comment peut-on, dans un même souffle, aduler un Kylian Mbappé ou un Cristiano Ronaldo gagnant 200 millions d'euros par an, et vouer une haine féroce à un député de la République dont l'indemnité, bien que confortable, est infiniment moindre? Pour la C


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Tocqueville avait tout prévu : bienvenue dans l'ère de l'avachissement

Tocqueville avait tout prévu : bienvenue dans l'ère de l'avachissement

Relire Alexis de Tocqueville en cette fin d'année 2025, alors que la France s'enfonce dans l'hiver fiscal et le marasme technocratique, n'est pas un exercice intellectuel. C'est un constat d'autopsie. Ce que l'aristocrate normand décrivait avec effroi en 1840 dans la seconde partie de De la démocratie en Amérique, ce n'était pas le totalitarisme brutal du XXe siècle, celui des goulags et des bruits de bottes. Non, Tocqueville avait vu plus loin. Il avait vu le « Great Reset » avant la lettre. Il


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Le Nudge ou la fin programmée du libre arbitre : pourquoi il est urgent de lire Rizzo et Whitman

Le Nudge ou la fin programmée du libre arbitre : pourquoi il est urgent de lire Rizzo et Whitman

Nous vivons une transformation silencieuse de l’État. Loin des fracas des révolutions, une nouvelle ingénierie sociale s’est installée au cœur des démocraties occidentales, remplaçant la loi qui interdit par la norme qui suggère. C’est l’ère du Nudge, cette « douceur » technocratique qui entend nous gouverner pour notre bien, sans même que nous nous en apercevions. Pour comprendre cette dérive et surtout pour s'armer intellectuellement contre elle, la lecture de Mario Rizzo et Glen Whitman est d


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Réponse aux lecteurs : pourquoi compter les morts russes est-il si difficile et si sensible? par Thibault de Varenne

Réponse aux lecteurs : pourquoi compter les morts russes est-il si difficile et si sensible? par Thibault de Varenne

La récente chronique de Thibault de Varenne sur l'état du front a suscité, chez nombre d'entre vous, une émotion légitime et des réactions critiques. En évoquant des pertes russes dépassant le million d'hommes, il semble avoir heurté la sensibilité de certains lecteurs qui y voient, non sans raison apparente, le reflet d'une propagande occidentale triomphaliste, déconnectée de la résilience affichée par l'armée de Moscou. Je lui ai donc demandé de vous répondre en précisant sa méthode d'évaluati


Rédaction

Rédaction