Allons-nous droit vers une récession mondiale en 2019? Des voix de plus en plus nombreuses mettent en garde contre un processus qui semble inexorable. La crise viendrait cette fois des Etats qui ne pourraient plus financer leurs dettes à cause d’une hausse désormais contrainte des taux d’intérêt. Les Etats-Unis, mais aussi la France, le Japon ou l’Italie seraient les premiers menacés… mais l’ampleur de la correction serait désastreuse pour l’ensemble de l’économie mondiale.
Les signaux négatifs se multiplient. Depuis plusieurs semaines, et notamment depuis la catastrophique année 2018 pour les marchés, de loin en loin les observateurs s’inquiètent pour le devenir non seulement de la croissance, mais des économies elles-mêmes. Le danger commence à prendre forme.
La FED anticipe-t-elle une récession mondiale?
Mercredi dernier, la FED (réserve fédérale américaine) a pris une décision qui a surpris les marchés. Après avoir annoncé en 2018 qu’elle remonterait graduellement ses taux et qu’elle réduirait la taille de son bilan (entendez: qu’elle souscrirait moins de dette américaine), son président Jérôme Powell a brutalement annoncé l’interruption de cette politique: plus aucune augmentation de taux n’est prévue en 2019, et la réduction du bilan s’arrête jusqu’à nouvel ordre.
Le signal a évidemment fait l’objet d’interprétations négatives. Beaucoup y ont vu (à juste titre) l’expression de craintes sur la capacité de l’économie américaine à se sevrer des politiques accommodantes menées pendant plusieurs années.
La BCE ne discute toujours pas du relèvement de ses taux
En Europe, la situation est encore plus inquiétante. Après plusieurs années de quantitative easing, la Banque Centrale Européenne a décidé de remettre des liquidités sur le marché pour soutenir une croissance en pleine déconfiture. De l’aveu de ses responsables, ces interventions devraient se faire à partir de septembre dans des conditions financières moins favorables que par le passé. Mais le besoin de soutenir l’activité s’exprime à nouveau.
Surtout, la BCE n’a toujours pas abordé la question du relèvement de ses taux, qui sont aujourd’hui négatifs. Le taux de dépôt est toujours à – 0,4%, ce qui a le don d’exaspérer les épargnants allemands.
La BCE a chiffré les gains apportés aux Etats
Depuis de nombreuses années, les faucons bancaires allemands critiquent cette politique d’argent facile menée par l’Italien Mario Draghi, qui s’apparente à un soutien politique accordé aux Etats du Sud. Un rapport de la BCE a permis de quantifier les gains retirés par chaque Etat de ce coup de pouce bancaire.
Ainsi, la France peut-elle emprunter aujourd’hui à 0,4%, taux qui ne reflète pas le risque réel qu’elle représente.
Les obligations de la France à 10 ans traitent à un taux, autour de 0,4 %, inférieur de 160 points de base à ce qu’il aurait été sans les interventions de la BCE. La différence est encore plus grande pour les pays d’Europe du Sud comme l’Espagne (205 pb) ou l’Italie (225 pb). « Les pays périphériques ont bénéficié d’un double effet du QE, explique Stéphane Déo. Ils ont profité des achats directs de la BCE, mais également d’un report de liquidité. Celle des investisseurs à la recherche de rendement qui se sont détournés de la dette allemande. »
L’intervention de la BCE a donc permis aux citoyens de consacrer de moindres sommes aux remboursements des dettes creusées par leur train de vie.
L’argent facile des Etats est une bombe à retardement
Cet argent facile, qui a par exemple permis à la France d’emprunter 7 milliards d’euro en février sur 30 ans, à un taux de 1,6%, constitue une véritable drogue pour les Etats peu rigoureux comme la France ou les Etats-Unis. Il ne pousse guère à pratiquer des réformes de structure, et il maintient l’illusion que chacun peut continuer à vivre au-dessus de ses moyens sans grand risque.
On le voit en France, où Emmanuel Macron a refusé de s’attaquer aux dépenses publiques. Jamais la dette française n’a été aussi élevée et certaines mauvaises langues soutiennent même que le président français finance ses promesses aux Gilets Jaunes par un simple jeu sur les taux d’emprunt.
Une hausse des taux inévitable
Le problème est que la hausse des taux est inévitable. Leur maintien dans des zones négatives pose en effet d’importants problèmes politiques pour les épargnants qui financent à bas prix des Etats qui se comportent en cigale.
L’ancien numéro deux de Wall Street, Georges Ugeux, s’est exprimé sur ce sujet dans les colonnes du Parisien. Son constat est pessimiste:
Depuis des années, les États ont pu s’endetter dans des conditions excessivement favorables et ne s’en sont pas privés. (…) Le montant de la dette publique mondiale s’élève désormais à 63 000 milliards de dollars (55 000 milliards d’euros) dont 10 000 milliards de dollars (8 800 milliards d’euros) émanant de l’Europe, 10 000 milliards de dollars du Japon et 22 000 milliards de dollars (19 000 milliards d’euros) des États-Unis… Au fur et à mesure que les taux d’intérêt augmentent -comme c’est déjà le cas-, les déficits budgétaires augmentent et menacent la notation de ces pays et leur capacité à se refinancer sans exploser. C’est arithmétique. C’est ce qui me fait dire que d’ici à fin 2020, nous allons vivre un tsunami financier. Ce qui est arrivé à Lehman Brothers, c’est lilliputien à côté de ce qui nous attend !
L’avertissement mérite d’être noté.
Consensus sur un krach en 2020
Georges Ugeux n’est pas le seul à anticiper un krach financier d’ici 2020. L’économiste Nouriel Roubini a pour sa part affirmé que 2020 serait fatale pour les marchés. Récemment, dans son blog des Echos, le même Roubini a soutenu que les taux d’intérêt américains remonteraient inévitablement en 2020.
Quoi qu’il en soit, la nouvelle norme sera un taux directeur aux Etats-Unis proche des 3 % ou juste en dessous.
On retirera de ces annonces des arbitrages prudents sur les marchés tout au long de 2019.
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