Sur le dossier des retraites, Emmanuel Macron tente une tactique de combat appelée le “curiaçage”. Celle-ci consiste, comme Horiace, à courir plus vite que ses adversaires, les Curiaces, pour les diviser peu à peu et ensuite les combattre un à un. C’est pour cette raison que le gouvernement a laissé fuiter ses pistes de compromis et envisage de ne lâcher les concessions qu’au goutte-à-goutte, comme nous le révélons de façon exclusive. L’objectif est d’épuiser les manifestants et de les affaiblir pour en lâcher le moins possible. Nous considérons que cette stratégie est dangereuse, car elle ne prend pas la mesure du ras-le-bol exprimé par le pays.
Le curiaçage est vieux comme l’histoire antique. Il consiste à parier sur le temps pour venir à bout d’un rapport de force, en partant du principe que la montre joue en faveur de celui qui court le plus vite. C’est pourquoi le gouvernement qui a mitonné une réforme aux petits oignons pour les soutiens initiaux d’Emmanuel Macron pense qu’il tirera son épingle du jeu en retardant le plus possible le moment où il lâchera des concessions.
Le curiaçage ou le jeu du quitte ou double
Le curiaçage peut être une technique redoutable lorsque les adversaires sont peu nombreux et faciles à diviser. Comme Horace face aux trois Curiaces, il permet d’affronter sereinement chaque adversaire avec un rapport de force beaucoup plus favorable qu’en cas de confrontation groupée.
L’inconvénient de cette technique est qu’elle se retourne contre celui qui se fatigue à anticiper une confrontation longue, lorsque les adversaires ne se divisent pas mais au contraire se renforcent. Dans ce cas de figure, lâcher tardivement des concessions constitue une prise de risque maximale : le rapport de force continue à être défavorable pour celui qui mène la course et ne cesse de s’affaiblir.
Rien n’exclut que cette hypothèse ne se réalise avec le gouvernement Philippe. Si le discours très attendu de mercredi se révèle être un coup d’épée dans l’eau, la question d’un retrait immédiat du projet Macron se posera, et comportera de douloureux risques politiques. En premier lieu, les Français ne manqueront pas à Emmanuel Macron d’avoir ainsi sottement perdu 10 ou 12 milliards l’an dernier en répondant trop tardivement aux Gilets Jaunes.
Loin de tirer les conséquences de ces hésitations funestes, le Président a orchestré avec les organisations syndicales la même stratégie de “retard” qu’avec les Gilets Jaunes. Beaucoup d’ennemis jurés du macronisme comptent s’emparer de cette prise de risque tactique pour infliger une défaite en rase campagne à un Emmanuel Macron dont le style personnel continue à susciter un vif rejet. Et l’on peut parier que l’opinion ne pardonnera pas deux fois la même erreur à son responsable politique.
Il reste désormais trois possibilités à Emmanuel Macron. Soit il parvient à retourner l’opinion en sa faveur, et il s’en sortira avec les honneurs. Soit il n’y parvient pas mais il sauve les apparences en obtenant une chiraquisation simple. Soit l’aventure commence. On aura vendredi une bonne représentation de l’état de la situation.
Le récit se cette saga en forme de thriller est passionnant de bout en bout. Vivement vendredi !