Michel Maffesoli revient pour nous sur le modèle syndical français et en analyse l’usure (la nostalgie?) au regard de la contestation de la réforme des retraites. Selon lui, le modèle syndical ne signe pas son retour en force, mais fait l’objet d’une nostalgie éphémère pour un modèle disparu. La post-modernité a eu raison de lui.
Aux mouvements hebdomadaires des gilets jaunes qui ont ponctué automne, hiver et printemps derniers, ont succédé des manifestations d’une forme plus traditionnelle.
Avec cependant une césure très nette entre des syndicats prêts à entrer dans le jeu de la négociation, à améliorer dans l’intérêt des salariés un système de retraites qu’ils sont prêts à cogérer avec les employeurs et une frange syndicale qui malgré une représentativité déclinante jouit d’un pouvoir de nuisance très élevé.
Est-ce bien le retour des syndicats que l’on nous annonce à grands cris ?
Il y a et il y a toujours eu en France deux conceptions du syndicalisme : celle pour laquelle le syndicat était en quelque sorte la courroie de transmission du parti et qui avait pour objectif le changement économico-politique, voire le renversement du rapport de forces entre le Capital et le Travail. Et celle qui était dite réformiste, qui se voulait « apolitique » et qui s’appliquait essentiellement à obtenir des avantages sociaux plus importants, au fur et à mesure de la croissance et du progrès économique.
D’une certaine manière, ces deux formes sont également déphasées, dépassées et la force du mouvement actuel tient plus du chant du cygne que d’une nouvelle vigueur.
L’action des syndicats à vision partisane et révolutionnaire se concevait dès lors que la grande masse du peuple croyait en un avenir meilleur, reportait ses espoirs sur des « lendemains qui chantent ». Pour le dire vite, la conscience écosophique qui anime les jeunes générations, la relativisation du progrès économique, l’importance prise par les divers regroupements affectuels, musicaux, sportifs, solidaires, tout ce grouillement qui agite les jeunes générations infirme l’attente d’un Paradis pour demain et la forme Parti. Au fond ce qui attire les gens dans ces manifestations ce n’est pas tant ce qu’on en attend, ce n’est pas tant la sanctuarisation du modèle progressiste de notre État providence que le besoin d’affirmer un volonté solidaire et commune face à des élites détestées.
Détestées parce que justement elles ne parlent que de productivisme, de richesse, de matérialisme et dans des termes financiers et technocratiques qui ne laissent aucune prise à la discussion, ni même à l’appropriation par tous. Le malaise et les volte-face des syndicats réformistes, qui ont avant tout peur d’être dépassés par leur base, montre bien que cet État social ne fonctionne plus.
Sous couvert de modernisme, le modèle proposé par les élites est tout aussi obsolète que le vieux rêve révolutionnaire. Il ne correspond pas à l’ambiance du moment, et ce qu’on appelle (en le stigmatisant à tort) populisme montre, dans le monde entier sous les formes de gouvernements extrémistes, sous forme d’émeutes (ailleurs qu’en France sanglantes) et autres révoltes qu’il y a une secessio plebis : le peuple fait, de plus en plus sécession .Les gilets jaunes dans leur effervescence de revendications parfois contradictoires l’ont bien montré.
Les syndicats, en particulier révolutionnaires ne devraient pas se faire d’illusion : ils ne sont pas plus représentatifs au mois de décembre qu’ils ne l’ont été durant les 18 mois passés. D’une certaine manière ce que dit la force de la grève à la SNCF et à la RATP, c’est l’immense regret d’un monde qui disparaît : celui dans lequel ces deux entreprises représentaient le paradigme de la communauté de travail : un corporatisme quotidien, dans le travail, mais aussi dans le reste de la vie avec des œuvres sociales dédiées, des centres de vacances, des avantages spécifiques, toutes choses qui façonnaient un « habitus » dans lequel il était plaisant et réconfortant de se retrouver. Les cheminots actuels sont un actif pour deux retraités.
A la RATP la modernité est incarnée par l’automatisation des lignes qui rendra les grèves inopérantes ! Il ne reste de cette belle construction corporatiste qu’un système de retraite en faillite ! Les revendications pour le maintenir en l’état sont d’autant plus fortes qu’elles sont désespérées, les combats d’arrière-garde sont les plus sanglants.
Les enseignants aussi manifestent leur nostalgie d’un monde qui disparaît : celui de l’école de la République qui n’est plus qu’une incantation à l’heure où certes les enfants des « bons établissements » continuent d’avoir de bons résultats, mais où la mission essentielle des enseignants qui était d’éduquer l’ensemble de la population se heurte à des difficultés insurmontables. Il est d’ailleurs curieux et même dangereux de voir que syndicats enseignants et ministre occultent l’essentiel des motifs de crise de l’enseignement : la fin de la croyance dans le pouvoir de l’éducation dans une société où la notion même d’autorité (auctoritas, ce qui fait croître) doit être revisitée. La base enseignante sait que rien de ceci ne se produira dans une grande et énième Réforme.
C’est pour cela que les syndicats réformistes ne sont pas plus représentatifs que les syndicats révolutionnaires. Certes ils sont plus raisonnables et obtiennent quelques améliorations. Mais ils sont juste les gestionnaires sages d’un modèle social dans lequel plus personne n’a confiance, qui ne fait plus rêver personne.
Le monde postmoderne présentéiste ne croit plus en l’attente messianique et n’a que faire du “demain on rasera gratis”.
C’est la volonté d’être ensemble ici et maintenant qui apporte son énergie aux manifestations désordonnées et non encadrées des gilets jaunes comme aux marches apparemment bien organisées des syndicats.
Mais « là où git le danger, croît ce qui sauve » disait le poète Hölderlin . Ces mouvements qu’ils soient joyeux ou plus désespérés, désordonnés ou plus encadrés traduisent aussi une formidable énergie collective, un besoin de se retrouver, d’échanger, et d’affronter ensemble un monde dont on sait qu’il change, mais qu’il ne s’écroule pas.
Michel Maffesoli
Professeur Émérite en Sorbonne
Magistral comme toujours dans l’analyse, il manque cependant l’embryon d’une solution, d’une voie, d’un chemin à suivre.
Etre simplement celui qui éclaire au delà du constat, fut-il magistral, car c’est dans le vide culturel que se produit l’expansion du technicisme, et si vous ne le remplissez pas vous même, qui d’autre M. Maffesoli ? Il est temps de sortir de la Sorbonne ! Vos apparitions sur le plateau de Christine Kelly face à Zemmour sont par exemple des moments attendus dans le vide télévisuel.
“Au vulgaire plaît ce qu’au marché vaut” est la caractéristique remarquable de ce monde. Hélas.
Merci.
Je veux exprimer le fait que le nouveau système de retraite serait moins généreux suivant les syndicats mais l’ancien ne fait que réduire les revenus des retraités du secteur privé. Alors je pense que le problème c’est la gabegie française. Car en fait il n’y a pas entre les salariés d’égalité devant la retraite, les avantages sociaux, les congés, le temps de travail, la pénibilité…etc. Il n’y a pas de fraternité chacun défend son intérêt . Il y a moins de liberté les GJ et ces dernières années démontrent une régression. Les Politiques depuis 1970 sont responsables de cette médiocratie !
Si rien n’est fait, la population du secteur privé devra encore apprendre à travailler plus au lieu de vivre pour nourrir cette médiocratie . Moralité la France était coupée en 2 maintenant elle est pliée en 4.
Mais Le % de syndicalisation est très faible en France aux alentours de 7% dont 80% sont issue de la fonction Publique et de Grandes entreprises d’ETAT ou assimilées. La différence avec d’autres pays Européen voir même aux USA ou le % est de loin plus important.
Regard sur la retraite du secteur privé durant 62 ans que l’on m’a adressé=La situation où on en est !
De 1956 à nos Jours : 62 ans d’Imagination fiscale… et de Mensonges
« Déjà, je me présente. Je m’appelle Micheline Sany.
> Je suis née en 1927 et je vous le dis tout net :
> à force de tirer sur l’Elastique, la Corde va péter !
> En 1956, quand Guy Mollet a instauré la Vignette pour « fournir un Revenu minimum à toutes les personnes âgées de 65 ans et plus », bon… moi j’avais à peine 30 ans et j’étais très fière de pouvoir venir en aide aux Anciens. En plus, Paul Ramadier, le Ministre des Affaires Economiques,avait affirmé que ça serait une Taxe temporaire…
> Bah, il a duré Quarante-Quatre Ans le Temporaire !Pendant quarante-quatre ans j’ai payé cette Vignette ! Alors merci !
> Surtout que les Anciens n’en ont presque jamais vu la couleur, vu qu’au bout de trois ans, le Premier Ministre, Michel Debré, a annoncé que le Produit de la Vignette serait finalement « acquis au Budget de l’État… », qui le reverserait au Fonds National de Solidarité. Enfin, en partie… Enfin, en petite partie. Que les Vieux se fassent dépouiller comme ça, ça a fait du foin, pendant toutes ces années. Mais ça n’a jamais rien changé.
> Ensuite en 1991 , quand ils ont créé la CSG, la Contribution Sociale Généralisée pour financer la branche famille, en remplacement des Cotisations Patronales d’Allocations Familiales, bon… sans râler, j’ai payé !
> Surtout que ça ne devait durer que Cinq ans.
> « Une Contribution transitoire » qu’ils disaient et puis 1,1 %, c’était supportable.
> Seulement Vingt-Sept ans plus tard, elle transite toujours la CSG !
> Et elle a grimpé à 9,2 % pour les Salariés et 8,3 % pour les Retraités.
> Par étapes, bien sûr, c’est moins voyant.
> En 1993, elle est passée de 1,1 à 2,4 %. Pour alimenter en plus le Fonds de Solidarité Vieillesse.Y’avait pas déjà la Vignette pour ça?
De + le calcul passe des 10 meilleures années aux 25 meilleures années.
> Chuuuuut, arrêtez d’être insolents !
> > > > En 1997, elle augmente encore pour financer, en plus, la Branche Maladie : on en est à 3,4 %.
> > > > En 1998, toujours pour la branche maladie, elle passe à 7,5 %, etc., etc.
> > > > Bref, la Protection Sociale ne s’est pas redressée, et ce qui devait être temporaire est devenu…
> > > > un Impôt de Plus. Ah bah oui !
> > > > La CSG, ça rapporte plus que l’Impôt sur le Revenu aujourd’hui.
> > > > Si on vous demande combien vous payez d’Impôts par an, vous savez le dire.
> > > > Mais si on vous demande combien vous payez de CSG, vous savez ?
> > > > Chez moi on disait : « C’est tout un art de plumer l’Oie sans la faire crier.»
> > > > Alors qu’il y aurait de quoi hurler.
> > > > Et puis en 1996, rebelote avec la CRDS, la « Contribution à la Réduction de la Dette Sociale ». J’ai payé. (Mais j’avoue, j’ai râlé.)
> > > > À cette époque, les Déficits Sociaux s’élevaient à un Montant estimé entre 30 et 38 Milliards d’euros. Oui, parce que nous, si on se trompe de dix euros dans notre Déclaration de Revenus, on risque une Amende, mais eux, un flou de 8 Milliards, ils ont le Droit…
> > > > Toujours est-il qu’ils avaient tout bien calculé :
> > > > en treize ans, tout serait remboursé. La CRDS devait disparaître le 31 Janvier 2009.
> > > > Mais voilà-t’y pas qu’en Septembre 1997, le Gouvernement Jospin annonce 13 Milliards d’euros supplémentaires de Dettes, qui correspondaient aux Déficits Sociaux non financés des années 1996 à 1998. Alors, ils ont tout bien recalculé, finalement pour tout éponger il fallait prolonge jusqu’au 31 Janvier 2014.
> > > > Mais voilà-t’y pas qu’en 2004, le Plan de Redressement de la Sécurité Sociale concocté par Philippe Douste-Blazy annonce 50 Milliards d’euros supplémentaires de Dette à rembourser.
Alors, ils ont tout bien re-recalculé… et ils ont vu que finalement, la Trinité était la meilleure date pour arrêter la CRDS. Donc, on la paye toujours…
> > > > Et puis, en 2004, Raffarin a inventé la « Journée de Solidarité », vouée à « l’Autonomie des personnes âgées ».
> > > > Moi, ça va, j’étais déjà à la Retraite, mais vous, vous avez travaillé, sans être payés !
> > > > Et en 2013 ,une nouvelle Taxe pour les Retraités.CASA, ça s’appelle.
> > > > C’est la « Contribution Additionnelle de Solidarité à l’Autonomie », 0,3 % sur les Retraites, Pensions d’Invalidité, Allocations de Pré Retraite.
> > > > C’est-à-dire qu’ils font payer les Vieux pour que les Vieux soient autonomes !
> > > > C’est pas du bon Foutage de Gueule, ça ?
> > > > Et on continue. En 2013,
> > > > toujours, M. Jean-Marc Ayrault
> > > > nous gèle les Retraites Complémentaires…
> > > > Et comme ça ne s’arrête jamais, maintenant, parce que j’ai 1 247 euros de Revenu Fiscal par mois,
> > > j’ai une Augmentation monstrueuse de la CSG :
> > > > 25 % d’Augmentation !
> > > > Ah ben oui, on nous a dit 1,7 % ,
> > > > mais c’est pas 1,7 % de ce qu’on payait,
> > > > c’est le Taux qui augmente de 1,7 % !
> > > > Bref, nous les Vieux,
> > > > on est passés de 6,6 % à 8,3 % de CSG, ça nous fait 25 % dans les dents qui nous restent.
> > > > Et maintenant, la Cerise sur le pompon :
> > > > on nous annonce que nos Retraites vont être revalorisées de 0,3 %.
> > > > Cinq fois moins que l’Augmentation dont on aurait dû bénéficier si le Code de la Sécurité Sociale avait été simplement respecté, puisqu’il prévoit que les Pensions soient revalorisées du Montant de l’Inflation moyenne sur l’année pour éviter toute dégradation du niveau de vie.
> > > > Et l’Inflation prévue d’après l’Insee est de 1,6 %.
> > > > Et Bruno Le Maire ose dire sur RTL :
> > > > « Mais ils ne seront pas perdants, leur Pension de Retraite continuera à être revalorisée. » Il croit qu’on est tous gâteux ou quoi !!! «
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Je vous remercie de l’attention bienveillante que vous porterez à ces informations .
Ici comme ailleurs la défense des intérêts collectifs serait à déclarer en mort cérébrale.
Mais le syndicat reste d’abord le lieu chargé de la mémoire du droit du Travail.
Comme les nouvelles formes de ce Travail continuent à envahir les poches de salariats,
le patronat décisionnaire, en France le Medef, contrôle de plus en plus le jeu réglementaire avec l’aide objective des serviteurs de l’Etat en mode aller-retours public-privés juteux, et des parlementaires relais. La capacité de mobilisation des « corps intermédiaires » est bien un des derniers remparts avant l’ « open bar » patronal, selon l’expression consacrée.
Les co-constructions employeurs/employés, Vigéo en bandoulière, apparaissent aujourd’hui aussi factices que les engagements sociéto-écologiques de leurs représentants (RSE, Iso,..);Le monde moderne présentéiste déplorerait, s’il existait , le « aujourd’hui on tond payant » qui est bel et bien le lendemain qui chante d’un certain nombre de premiers de cordée.
Il n’est enfin pas certain qu’un fonctionnariat émérite dans l’enseignement, dans la justice, ou dans la santé, donne la capacité à entériner les derniers soubresauts d’une société civile avant sa mort réputée annoncée.
Bon commentaire Joseph . oui il n’y a dans la présente note de l’excellent monsieur Mafessoli aucune piste détaillée de solution, mais d’autres de ses écrits en donnent. Voir « « qu’est ce que le post modernisme? Ou titre approchant.: évoque l’action donner sens et gérer les émotions
N’est ce pas déjà là un bon cadre pour faire bouger les choses. Puissent nos élites gouvernementales y comprendre quelquechose pour gérer autrement ce pays et cette planète par autre chose de supplémentaire que des Lois et règlements toujours en retard d’une guerre
Tharpon.
Ce que je suggère, c’est un engagement de Maffesoli, pas politique, mais intellectuel, hors les murs de la Sorbonne. Un peu comme Onfray, qui lui est trop politisé, avec sa “gauche” ou l’étalage de sa vie privée, il est parfois agaçant. Ceci dit, l’homme est un de nos rares penseurs, au même titre que Maffesoli. À ce dernier il manque la voix, la lecture étant devenu hélas une occupation étrange pour la plupart-l’EN étant passé par là-le fait qu’il se fasse entendre serait salvateur.
Le peuple est beaucoup plus intelligent et réceptif aux propos d’un Maffesoli que ne l’imaginent nos chères et supposées élites.