Les hôpitaux publics n'auraient pas de moyens, disent-ils. Il faudrait augmenter les budgets pour sauver le meilleur système de santé du monde. L'antienne est bien connue et répétée en boucle par des praticiens hospitaliers grands défenseurs de la sécurité sociale et de toutes les vertus humanistes dont se revendiquent nos élites bienveillantes et donneuses de leçons. Le problème est que, quand on gratte, la réalité est un peu différente...
Les hôpitaux publics manquent de moyens. On en pleurerait dans les chaumières. Chacun y va de son petit chiffre pour prouver qu’il faut absolument dépenser plus pour nos hôpitaux, victimes, paraît-il, du néo-libéralisme qui voudrait nous faire ressembler aux États-Unis, où la santé est la plus chère du monde, c’est bien connu. Le problème est évidemment que toutes ces affirmations occultent sciemment le problème de fond du système hospitalier français: sa sur-administration par des bureaucrates qui en épuisent les ressources et les moyens.
Les hôpitaux publics manquent de moyens ? Les chiffres disent le contraire
Comme toujours, rien ne vaut une bonne comparaison de l’OCDE pour remettre l’église au milieu du village. Et, en matière de comparaison, l’OCDE donne tous les outils nécessaires, avec son Panorama annuel de la Santé, qui documente parfaitement les sujets.
On en retirera deux tableaux particulièrement éloquents qui détruisent le mythe d’un hôpital public français qui serait sous-doter par rapport à ses voisins industrialisés.
Ce premier tableau est bien connu. Il rappelle que la part des dépenses de santé dans le PIB en France est supérieure de 2 à 3 points à la moyenne de l’OCDE. Depuis 2003, elle suit d’ailleurs assez fidèlement l’ensemble de l’évolution internationale et conserve globalement son écart à la moyenne de façon constante. Il est intéressant de comparer son évolution à celle des Pays-Bas : ces derniers sont dans la « roue » de la France mais conservent assez rigoureusement leurs distances avec elle.
Ces chiffres ne disent pas que la France a un bon niveau de dépenses pas plus qu’ils ne valident ou condamnent ses choix sanitaires. En revanche, ils démentent la théorie selon laquelle la santé en France manquerait de moyens, ou selon laquelle les budgets santé en France se dégraderaient. La France consacre plus de moyens que ses voisins industrialisés à la santé, et ces moyens progressent au même rythme que l’ensemble industrialisé.
Les hôpitaux français sont bien dotés
Bien entendu, les statistiques globales sur la dépense de santé rapportée au PIB ne disent rien sur les moyens des hôpitaux. Pour comparer ceux-ci, il faut plutôt regarder attentivement cet autre graphique produit par l’OCDE, qui est particulièrement parlant :
Ce graphique récapitule la ventilation des dépenses de santé selon les grands postes : hôpital, médecine de ville, etc. En France, l’hôpital représente 32% des dépenses, pour 28% dans le reste des pays industrialisés. La France « sur-performe » donc de 15% ses petits camarades. Et, en l’espèce, ce n’est pas forcément bon signe. Rappelons que les recordmen mondiaux de la dépense hospitalière avec 42% des dépenses de santé sont les Grecs, directement suivis par la Russie avec 36%…
On remarquera aussi que les soins ambulatoires en France ne représentent que 27% des dépenses, contre 32% dans l’OCDE. On retrouve ici la préférence française (en l’espèce celle des médecins français) pour l’hospitalisation, et son aversion pour les soins de ville.
Là encore, chacun lira ces statistiques à sa manière. Mais l’évidence commune s’impose : non, les hôpitaux publics français ne souffrent pas d’un manque criant de moyens, quoi qu’en disent les médecins démissionnaires des hôpitaux publics, dont les salaires sont par ailleurs souvent complétés par des cadeaux généreux des laboratoires pharmaceutiques ou de différentes industries.
Ne manquez pas nos articles sur les cadeaux des laboratoires pharmaceutiques aux praticiens hospitaliers et sur le soutien financier de l’industrie du sucre à la diabétologue qui conduit le mouvement des médecins démissionnaires.
En revanche, on doit s’interroger sur l’utilisation qui est faite des moyens alloués par le contribuable et l’assuré social aux hôpitaux, car c’est ici que le bât blesse. Nous poursuivons ici une réflexion parallèle à celle que nous avions eue sur l’éducation.
Deux fois plus d’administratifs dans les hôpitaux publics que dans les cliniques privées
Les chiffres les plus officiels, pour peu qu’on les lise, illustrent parfaitement le problème dont souffre l’hôpital public, qui n’est pas un problème de moyens, mais d’allocation de moyens. Et ce problème porte un nom bien connu de nos lecteurs : la suradministration et la bureaucratisation des hôpitaux, phénomène également connu dans le service public de l’éducation.
Pour illustrer l’ampleur de ce cancer qui ronge les hôpitaux publics, nous reproduisons ici un tableau de la DARES, service du ministère de la Santé, paru en juin 2019:
Comme on le voit, l’addition de tous les emplois dans les établissements de santé en France, qu’il s’agisse d’hôpitaux publics, de cliniques privées ou d’hôpitaux privés sans but lucratif, représente 1,3 millions de salariés. Dans cet ensemble, 67% des médecins sont employés dans les hôpitaux publics (soit 130.000 personnes) et 21% d’entre eux sont employés dans des cliniques privées (40.500) sur un total de 192.000 médecins environ.
Il est intéressant de rapporter cette ventilation à celle des personnels non-médicaux. Ceux-ci représentent 73% des emplois dans l’hôpital public, et 13,5% dans les cliniques privées lucratives. On mesure déjà ici la différence de taux d’encadrement selon les structures.
Surtout, la proportion de personnels administratifs selon les structures est édifiante. Les hôpitaux publics emploient plus de 260.000 non-soignants, présentés par la DARES comme des « personnels administratifs, éducatifs et sociaux, médico-techniques et techniques ». Autrement dit, les hôpitaux publics comptent deux fois plus d’administratifs et autres non-soignants que de médecins.
Dans les cliniques privées, la proportion est deux fois moindre : on compte moins d’administratif que de médecins : 35.742 non-soignants, très exactement, pour plus de 40.000 médecins comme on l’a vu.
Comment trouver 5 milliards € tout de suite dans les hôpitaux
Si les hôpitaux publics se contentaient d’une règle simple (donnant plus de souplesse que dans les cliniques privées) en partant du principe qu’il faut un administratif pour un médecin, 130.000 emplois administratifs (aujourd’hui consacrés à une gestion obsolète digne de l’Union Soviétique à ses grandes heures) seraient immédiatement supprimés. Ce choix managérial permettrait de dégager environ 5 milliards € de financement (un emploi public moyen coûtant environ 40.000€ chargés par an).
On voit bien, une nouvelle fois, que la solution aux problèmes des hôpitaux publics ne passe pas par une augmentation des moyens : chaque poste de médecin créé débouche sur la création de deux postes administratifs. La solution passe par une guerre éclair contre la suradministration et par l’éradication de la bureaucratie.
Mais pour y arriver, il faut effectivement taper dans le dur du « système de santé français », c’est-à-dire son fantasme jacobin d’un dispositif unique géré depuis Paris et ses succursales de région appelées les ARS.
On peut se demander si cette disproportion administratifs/personnel soignant ne résulte pas en partie des transferts opérés de manière tacite entre effectifs des 3 grandes fonctions publiques. La concurrence ayant été rude et durable entre chasseurs de gaspi public, lors des campagnes RGPP, et leurs commettants appointés dans les encadrements administratifs justement, pour acquérir le plus beau trophée en matière de destruction d’ETP tous azymuths, avec la logique que vous reprenez ici des 130000 emplois qui rapporteraient 5 milliards aux finances publiques à être supprimés, on a pu penser que la fonction hospitalière avait des marges pour accueillir des évincés de la FPE notamment. La question continuerait donc de se poser avec cette préconisation de suppression sauf à la prendre sur des effectifs « sortants » de leur plein gré, ce qui devra donc être également chiffré. Par ailleurs, la santé privée passe progressivement aux mains de sociétés financières et le glissement d’un management technocratique à un management néo capitaliste, s’il peut soulager apparemment le budget national, va d’abord réjouir les complémentaires sur leurs gammes hautes, par voie de conséquence au détriment des assurés sociaux. Enfin, la branche maladie emploie une partie de ses technocrates à elle pour alourdir année après année le RAC de tout un chacun, alors qu’elle génuflexe sans répit devant la mascarade des firmes pharmaceutiques, de leurs innovations « de confort » et autres maladies rares, qui pour le coup et pas en même temps coûtent un pognon de dingue aux citoyens de base. Depuis Evin et son subordonné Cahuzac, en passant par l’inénarrable Roselyne et l’opportuniste Touraine, ce dont l’hopital public a besoin, comme dans beaucoup de secteurs en France, c’est de vertu et de transparence, notamment sur les dérives de certains professionnels de santé, bien loin des seuls « cadeaux généreux » des industriels, qui amènent leurs professions dans la rue, et sur les chaines de complicité qui les ont installés dans le parasitisme d’une élite mal-pensante et coûteuse de surcroît.
Bon Ok beaucoup d’argent consacré à la santé , mais inévitable que ça augmente : les gens sont plus nombreux à être en vie à 80 ans, beaucoup plus de maladies sont traitées, avec des molécules très onéreuses ( exemple l’immunothérapie dans le traitement du cancer : 8000 à 10000 € par injection ( au moins chaque mois) et ce, tant que cela fonctionne…. tous les patients sont traités sans distinction à l’hôpital, riches ou pauvres et de la même façon.
Et le gouvernement fixe des objectifs très ambitieux : il faut de l’excellence, de l’innovation, être disruptif, compétitif, faire du benchmarking. Le système d’informatisation avec le tout traçabilité demande un temps gigantesque. On nous impose des audits, des démarches qualité à n’en plus finir, qui prennent énormément de temps. Et après on nous impose l’efficience, etc …
Bref les soignants n’en peuvent plus. Les médecins sont à plus de 60h par mois a l’hôpital, les infirmières pleurent dans services, surchargées, n’arrivant plus à soigner correctement les patients, les internes sont exploités (60-80 heures par semaine pour 1500 à 2000€/mois)
Alors on fait quoi ?
C’est plutôt la loi de Parkinson qui est à l’œuvre comme dans toute administration.
Parmi les hôpitaux publics en France figurent une trentaine de CHU, qui en représentent une part non négligeable de la masse salariale. Avec trois missions : soin, enseignement, recherche. Les deux dernières engendrent la création de postes non médicaux (universitaires, administratifs, techniques…). S’ils entrent dans les chiffres de l’OCDE, il serait à mon avis opportun de les prendre en compte pour comparer les chiffres public/privé. On pourrait alors voir ce qui relève ou non de l’abus de bureaucratie. En l’état, il me semble que la comparaison est biaisée.