Les langues se délient peu à peu sur Juan Branco et son influence néfaste dans l'affaire Griveaux. Et l'on s'étonne à moitié de voir ce personnage trouble, qui a beaucoup homestagé son curriculum vitae, exercer une sorte de fascination sur les élites parisiennes. Avant de se lasser de ce phénomène de mode qui semble plus existé par son pouvoir de nuisance que par son brio.
Sur Juan Branco, il faut absolument lire le portrait que lui consacre Paris Match, fruit d’un beau travail d’investigation qui clarifie plusieurs zones d’ombre dans l’affaire Griveaux.
Le magazine très macronien explique par le menu comment certains points du curriculum de l’intéressé ont fait l’objet d’un peu de gonflette. Par exemple, dans « Crépuscule », publié il y a un an sur les réseaux sociaux, Branco soutient qu’il a déjeuné avec Xavier Niel en 2014, lequel aurait soutenu que le prochain président de la République serait Emmanuel Macron. On comprend enfin que Branco avait intrigué pour être présenté au gendre de Bernard Arnault, avant de lui offrir ses services comme précepteur de ses enfants.
De façon tout aussi édifiante, l’hebdomadaire explore les arcanes par lesquelles Juan Branco s’est propulsé dans les réseaux parisiens : par Dominique de Villepin, d’abord, par Richard Descoings, ensuite. Les initiés comprendront le message.
Créature de l’aristocratie parisienne à laquelle il doit tout, Branco sait jouer de ses soutiens pour obtenir des passe-droits qui feraient pâlir ses amis Gilets Jaunes. Voici ce que raconte la journaliste :
Au deuxième semestre 2011, Juan Branco écope d’un zéro à un module sur l’« économie verte ». Branco adresse au professeur un e-mail culotté, s’étonnant de ne pas avoir obtenu son crédit alors qu’ils partagent tant d’amis et qu’ils font tous deux la campagne de François Hollande. L’enseignant maintient le zéro. Richard Descoings demande des explications, furieux qu’on ait blessé son petit « Juan ». « Branco a appelé la moitié de la République pour se plaindre d’être maltraité », assure un responsable de la scolarité de l’époque. A la mort de Descoings, c’est Branco qui, le 11 avril 2012, au nom des élèves, lui rend hommage dans l’église Saint-Sulpice, noire de monde.
Tricheur, thuriféraire, menteur, Branco est aussi un harceleur. Gabriel Attal, avec qui il était élève à l’École Alsacienne, en a fait les frais. D’autres aussi. Mais le plus attristant est raconté en clôture de l’article :
Voici quatre ans, Juan Branco est tombé amoureux d’une jolie lycéenne, Lola. Grâce à un ancien de l’Ecole alsacienne, il se fait placer à son côté lors d’un dîner et charme la blonde sylphide. Le lendemain, il lui adresse un roman, un second, réclame des fiches de lecture. Lola est envoûtée par ce mentor. Il veut vibrer, toujours plus, écrit et filme, comme d’habitude. La jeune femme s’amaigrit ; les parents, inquiets, la poussent à rompre, l’envoient étudier à Londres. Branco insiste par e-mail, évoquant des détails intimes, des vidéos suggestives. Il est quitté, désespéré, mais réussit à reconquérir Lola avec un week-end à Venise. Aux dernières vacances de Noël, elle se casse la cheville. La voilà clouée à Paris. Ses parents l’autorisent à organiser un réveillon dans leur bel appartement, situé au-dessus du Café de Flore. Cette nuit-là, Juan débarque avec des amis, dont Piotr Pavlenski, le Russe qui s’apprête à diffuser les vidéos sexuelles de Benjamin Griveaux.
A 2 heures du matin, l’ambiance dégénère. L’artiste est frappé avec une bouteille de champagne ; il sort alors un couteau, entaille la cuisse d’un invité, le visage d’un autre. « Des mecs d’ultra-gauche se sont incrustés, nous explique aujourd’hui l’avocat. Ils voulaient se faire du Branco. Ils nous ont provoqués et s’en sont pris à Pavlenski. » Les parents retrouvent leur appartement en sale état et leur fille terrorisée. En 2016, Juan Branco confiait à « Ouest France » ne s’être « jamais fixé sur des personnes, mais plutôt sur des idées ». Quatre ans plus tard, Lola pleure, Griveaux aussi. Et Branco, l’ange noir de Saint-Germain-des-Prés, donne un entretien au « New York Times ».
Être un parfait imposteur ne s’improvise pas.