L'épidémie de coronavirus cache une autre bataille : celle de la géopolitique sanitaire que la Chine veut gagner en déracialisant la médecine et en valorisant ses propres traditions médicales. L'affrontement promet d'être rude. Un journaliste de CNN vient d'en faire les frais.
L’épidémie de coronavirus devrait rapidement, après les angoisses sanitaires qu’elle procure, tourner à la rivalité géopolitique entre la Chine et l’Occident. Il suffit de lire les réactions des officiels chinois à l’occasion de l’épidémie en Italie pour comprendre que le débat va rapidement se déplacer sur le terrain des théories médicales et de leur signification politique.
L’épidémie de coronavirus et l’allopathie occidentale
Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, la Chine a en permanence communiqué sur les bienfaits de la médecine traditionnelle chinoise (la MTC selon l’OMS) pour lutter contre le coronavirus. Ce débat a largement échappé à l’opinion publique occidentale, qui se focalise sur le risque qu’elle encourt et n’a pas encore saisi l’importance géopolitique de cette affaire.
Mais dans le projet politique global chinois, qui vise à contester le leadership américain, le rôle de la médecine traditionnelle native est à la fois emblématique et structurant. Affirmer que le coronavirus serait une maladie chinoise que seul un médicament occidental peut soigner serait une défaite politique.
D’où une communication à double détente : affirmer, d’abord, que le coronavirus est une maladie mondiale qui a débuté en Chine mais qui n’y trouve pas son origine, expliquer ensuite que la médecine traditionnelle chinoise est plus efficace pour le traiter que l’allopathie occidentale.
On retrouvera ainsi le discours marquant de la Chine sur ce sujet :
Des experts en MTC et en médecine occidentale ont effectué une consultation de groupe de patients gravement atteints, et après un traitement basé sur le diagnostic dialectique, la MTC a joué un rôle positif dans l’amélioration de la saturation en oxygène du sang et dans la suppression des accès d’inflammation. La Commission nationale de la santé et l’Administration d’Etat de la MTC ont créé 12 groupes d’orientation composés d’experts dans les maladies graves. Il s’agit d’orienter conjointement la MTC et la médecine occidentale pour le traitement, d’encourager en profondeur l’intégration de la MTC et de la médecine occidentale, d’améliorer le taux de guérison et de réduire le taux de mortalité.
Un journaliste de CNN rembarré
Cette réponse circonstanciée des Chinois faisait suite à une interpellation par un malheureux journaliste de CNN, qui a demandé en conférence de presse aux membres du groupe directeur central :
« Le gouvernement chinois a publié un plan de diagnostic et de traitement, une déclaration officielle, et les reportages des médias officiels ont même fortement souligné le rôle de la médecine traditionnelle chinoise (MTC), y compris son efficacité dans le traitement, voire même des cas traités uniquement par la seule MTC. Dans le même temps, des experts de l’OMS ont mentionné lors d’une conférence de presse à Beijing la semaine dernière que le seul médicament qui s’est révélé efficace contre le virus est un médicament occidental, le Remdesivir, des Etats-Unis. Ma question est la suivante : la position et les vues de la Chine sur la MTC contredisent-elles l’OMS ? Quelles sont les fondements scientifiques de la Chine ? Les cas de rémission et de guérison grâce à la MTC ne sont-ils pas des cas de guérison spontanée ?
Les Occidentaux n’ont pas bien compris que, pour les Chinois, l’épidémie du coronavirus est un champ de bataille parmi d’autres dans la guerre contre l’hégémonie occidentale. Et cette fois, cette guerre se déplace sur le terrain de la médecine.