Stéphane Bourhis revient sur les conditions dans lesquelles les Jeux Mondiaux Militaires se sont déroulés à Wuhan. Le coronavirus circulait-il déjà à ce moment-là ? Des athlètes français ont-ils été infectés à cette occasion ? Ont-ils propagé le virus en France à leur retour. Ces questions sont ouvertes.
par Stéphane Bourhis
Stéphane BOURHIS est consultant en communication et stratégie d’influence
Les observateurs et analystes de la pandémie liée à la Covid19 ont, pour certains, jeté un œil très tôt sur l’agenda événementiel chinois aux alentours du premier cas déclaré de Coronavirus. Ils ont donc naturellement étudié les Jeux Mondiaux Militaires de Wuhan qui se sont déroulés du 18 au 27 octobre 2019
Selon le South Morning China Post, l’un des premiers patients liés au coronavirus serait un homme de 55 ans, de la province du Hubei, signalé le 17 novembre 2019. Si l’on considère la période d’incubation acceptée comme étant de 5 à 14 jours, on s’approche ainsi du mois d’octobre et de ses festivités sportives.
Une forte délégation française
Qualifiés exactement de Jeux Mondiaux Militaire d’été (JMME), les « Jeux Olympiques » militaires, sont placés sous l’égide du Conseil International du Sport Militaire (CISM). Ils rassemblent 10 000 sportifs représentant 100 nations. La délégation française s’y compose alors de 402 personnes (278 athlètes militaires, 124 cadres techniques des trois armées, de la gendarmerie, du service de santé des armées et des fédérations sportives partenaires).
Quant aux tests sérologiques, ils n’indiquent absolument pas la date de la contamination. Donc des athlètes testés positifs (…) pourraient très bien avoir contracté le virus il y a un ou deux mois, a-t-elle ajouté. Un tel dépistage n’a pas de sens
Geneviève Darrieussecq Tweet
Aux origines du virus
À ce moment-là, le Hubei et Wuhan ne représentent officiellement aucun danger et les jeux peuvent se dérouler, sous la devise « L’Amitié par le Sport ». Une amitié froissée un peu plus tard par la communication officielle chinoise, Pékin affirmant que le virus avait été « importé » par la délégation américaine.
Utilisant le canal de communication préféré du Chef d’État américain, un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, lâchait en mars sur Twitter : « Il est possible que ce soit l’armée américaine qui ait apporté l’épidémie à Wuhan ». Vu du monde occidental, la Chine tentait surtout qu’elle était l’épicentre de la pandémie, Covid19 que Donald Trump se plaisait, sémantiquement provocateur, à qualifier de « virus chinois ».
La question des origines de la pandémie se retrouvait au cœur d’enjeux mêlant ainsi tant la science que la diplomatie. Du côté de la première, on apprenait même, dans une nouvelle étude que “Selon une équipe de scientifiques dirigées par l’université de Cambridge, le nouveau coronavirus [à l’origine de la pandémie de Covid-19] pourrait être apparu dès le mois de septembre [2019], non pas à Wuhan dans le centre du pays, mais plus au sud”. Une lente mutation de l’animal à l’homme que rapporte alors un nouvel article du SMCP.
Naturellement, cette « gnose » analytique se passe bien après les Jeux de Wuhan. Les délégations sont rentrées chez elles depuis bien longtemps.
Des sportifs malades, fin octobre ?
Le temps passant, des témoignages inquiétants font surface.
Matteo Tagliariol, membre de la délégation italienne, évoque le sujet à la Gazetto dello Sport. » Quand nous sommes arrivés à Wuhan, presque tout le monde est tombé malade. J’ai eu une forte toux. (…) Beaucoup ont eu de la fièvre, même si leur température n’était pas très élevée « , a-t-il ajouté, précisant qu’un de ses coéquipiers a dû être alité durant presque tout le séjour.
Une semaine après son retour à la maison, Matteo Tagliariol est tombé gravement malade. « J’ai un asthme léger, mais c’était différent. Je sentais que je n’arrivais plus à respirer », détaille le sportif dont les symptômes n’ont pas disparu après une cure d’antibiotiques. Sa compagne et son fils de deux ans sont aussi tombés malades. « Quand on a commencé à parler du coronavirus, sans avoir aucune compétence médicale, je me suis dit que je l’avais attrapé. J’ai 37 ans, je suis sportif et j’ai été vraiment mal » lit-on dans une version traduite par Le Matin.
« Il y a beaucoup d'athlètes des Jeux mondiaux militaires qui ont été très malades. On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : je pense que vous l'avez eu parce qu'il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades »
Athlète français Tweet
On a déjà eu le Coronavirus
Le 7 mai, la sportive française Élodie Clouvel accorde un entretien au journal télévisé de la chaîne locale Télévision Loire 7. Si l’on y parle de l’annulation des vrais jeux olympiques, La championne du monde de pentathlon moderne s’affranchit de la peur liée au Coronavirus en affirmant : « je pense qu’avec Valentin, on a déjà eu le coronavirus, enfin le Covid-19″. Plus précisément, « on était à Wuhan pour les Jeux mondiaux militaires fin octobre. Et, en fait, il s’avère qu’après on est tous tombés malades. Valentin a loupé trois jours d’entraînement. Moi j’ai été malade aussi. […] J’ai eu des trucs que je n’avais pas eus avant. On ne s’est pas plus inquiété que ça parce qu’on n’en parlait pas encore », a-t-elle déclaré à nos confrères. « Il y a beaucoup d’athlètes des Jeux mondiaux militaires qui ont été très malades. On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : je pense que vous l’avez eu parce qu’il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades ».
Sous couvert d’anonymat, d’autres voix se font entendre y compris sûr BFMTV.
La réponse du Ministère des Armées, ne s’est pas fait attendre. « Lorsque les Jeux mondiaux militaires d’été (JMME) se sont déroulés du 18 au 27 octobre 2019, à Wuhan en Chine, l’épidémie liée au Covid-19 n’était alors pas connue. Le premier cas de Covid-19 n’a été rapporté par la Chine à l’OMS, que le 31 décembre 2019, soit 2 mois après la fin des JMME. La délégation française a bénéficié d’un suivi médical, avant et pendant les jeux, avec une équipe médicale dédiée composée de près d’une vingtaine de personnels. Il n’y a pas eu, au sein de la délégation française des JMME, de cas déclarés auprès du Service de santé des armées (SSA) de grippes ou d’hospitalisation pendant et au retour des JMME, pouvant s’apparenter, a posteriori, à des cas de Covid-19. À ce jour et à notre connaissance, aucun autre pays représenté au JMME de Wuhan n’a par ailleurs rapporté de tels cas ».
La France a ramené, des Jeux Mondiaux Militaires et Wuhan, 51 médailles, dont 10 d’or et rien d’autre
Ainsi s’exprime sereinement et naturellement la « Grande Muette ». Exit donc toute contamination des sportifs français. Silence radio désormais de ceux salariés par celle-ci. Silence aussi sur le transfert du fret des sportifs par la BA de Creil.
Du secret défense à la prévention de la pandémie en France
La France a ramené, fin octobre, des Jeux Mondiaux Militaires et Wuhan, 51 médailles, dont 10 d’or et rien d’autre.
Quelques semaines plus tard, en novembre, Emmanuel Macron est à Shanghai avec 70 chefs d’entreprise. Business France propose à certains des extensions de mission dans les villes suivantes : Pékin – Chengdu – Wuhan – Canton – Shenzhen.
Le virus ne fut donc pas le seul à voyager.
Reste à comprendre, à partir de quand il a été pris au sérieux par les services d’analyses et de renseignements. Reste à retracer son parcours pour faire, avec intelligence, de la « guerre » contre la covid19, un élément de prévention pour une prochaine pandémie.
Ce serait très intéressant de faire des sérologies sur ces athlètes notamment en cas de positivité, auquel cas on aurait des indication précieuses à la fois sur l’origine de l’épidémie mais surtout sur la tenue d’une immunité, même si séropositivité ne signifie pas nécessairement immunité.
Une fois de plus, on voit que la première barrière vis à vis du COVID a été la barrière à l’information… en ce sens nous sommes tous Chinois !
Par exemple en ce moment se déroule une enquête de prévalence de séropositivité en France, à partir de l’analyse rétrospective de fonds de tubes de prélèvements de laboratoire. Personne n’en parle, les résultats sont connus de nos autorités. Mais c’est le silence le plus total.