????Euro digital et liberté individuelle : les propositions explosives de la BCE

Dans la foulée de la BRI (banque des règlements internationaux), que nous évoquions hier, la BCE a formulé des propositions sur l'euro digital, qui pourrait à terme, se substituer à l'argent liquide. Ces propositions, contenues dans un rapport, méritent d'être lues attentivement, car elles risquent de réserver bien des (mauvaises) surprises à ceux qui devront absorber et subir leur application. Sur le fond, tout le problème est et reste la meilleure façon de combiner la digitalisation de la monnaie et la préservation des libertés publiques, en particulier le droit à la vie privée. Nous dressons ici un récapitulatif des positions de la BCE sur ce sujet.

Le rapport (en anglais) de la BCE sur l’euro digital mérite absolument d’être lu car il annonce d’ores et déjà les mauvaises surprises que les Européens, dont les Français, finiront par découvrir lorsque l’euro digital entrera en vigueur. Je me permets de recommander aux lecteurs de se référer directement à quelques perles qui valent absolument le détour.
Euro digital et vie privée… un sérieux conflit en perspective
On retiendra tout particulièrement, page 27, le chapitre consacré aux « exigences de confidentialité » qui doivent être établies et respectées pour protéger les libertés individuelles. Le rapport a cette phrase particulièrement éclairante :
Users’ privacy can be protected to various degrees, depending on the preferred balance between individual rights and public interest.
Autrement dit : « la vie privée des utilisateurs peut être protégée à des degrés divers, selon l’équilibre que l’on choisit entre droits individuels et intérêt public ». Cette phrase tout droit sortie de la novlangue communautaire en dit long sur la dégradation des concepts en vigueur. Ce que la BCE appelle « l’intérêt public » est en réalité l’intérêt privé de la Banque. Il n’a rien à voir avec les intérêts du public, au sens où l’on parlerait des citoyens ou de la société civile. Et il est particulièrement éloquent de voir dans quelle mesure les institutions usurpent désormais la notion d’intérêt public, comme si les droits individuels pouvaient être en conflit avec celui-ci.
Mais la formulation de la banque centrale nous donne une autre indication : elle considère que le respect des libertés fondamentales dans la construction de l’euro digital est une entrave à ses propres intérêts. Voilà un clivage qui doit être longuement médité. On ne pouvait mieux reconnaître l’opposition de principe désormais entre l’action monétaire et la liberté des individus.
La question centrale de l’anonymat des transactions
L’enjeu essentiel de cette affaire est de savoir jusqu’à quel point les transactions passées avec l’euro digital (sur Internet donc) doivent rester anonymes, comme avec le Bitcoin, ou doivent être dévoilées et portées à la connaissance du banquier central.
Sur ce point, également soulevé par la BRI dans le rapport que nous avons cité hier, la Banque Centrale Européenne pose le même principe que la BCE : pour éviter le blanchiment d’argent sale ou le financement du terrorisme, l’anonymat complet n’est pas possible.
Il faut, tôt ou tard, le lever. Toute la question est de savoir quand ou à partir de quel montant de dépenses.
Les propositions explosives de la BCE
Mais la BCE ne se contente pas de justifier le dévoilement des noms et des transactions par ces nécessités bien connues d’ordre public. Elle avance d’autres motifs qui sont totalement explosifs…
Anonymity may have to be ruled out, not only because of legal obligations related to money laundering and terrorist financing, but also in order to limit the scope of users of the digital euro when necessary – for example to exclude some non-euro area users and prevent excessive capital flows (Requirement 13) or to avoid excessive use of the digital euro as a form of investment (Requirement 8)
Autrement dit, l’anonymat doit être levé aussi pour « exclure certains utilisateurs qui ne viennent pas la zone euro », pour « prévenir les flux excessifs de capitaux » ou pour « éviter l’utilisation excessive de l’euro digital comme forme d’investissement ».
Ces trois motifs en disent longs sur les interventions nominatives que la BCE s’autorise à pratiquer, à l’avenir, pour maintenir la stabilité monétaire. Dans la pratique, elle annonce clairement le gel des avoirs pour les gêneurs, le blocage des comptes en cas de panique bancaire, et la lutte contre l’épargne excessive, dès lors que celle-ci pourrait déstabiliser les cours.
Nous entrons dans une ère d’économie monétaire administrée, de type soviétique ou chinois. Cette perspective à bien mûrir, car elle revient, en réalité, à exproprier les épargnants de leurs avoirs.
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