Nous publions aujourd'hui notre huitième chapitre consacré au Great Reset. Il aborde la question, définie par Schwab et Malleret eux-mêmes comme cruciale : celle de la surveillance généralisée de la population pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Ceux qui ont suivi notre série comprendront immédiatement que la pandémie est ici un prétexte pour justifier la mise sous cloche des individus, en digérant au passage le droit à la vie privée et les libertés publiques. Nous conseillons aux lecteurs de s'appesantir sur ce chapitre qui annonce le pire sous le prétexte de la protection sanitaire.
Contact tracing and tracking are therefore essential components of our public-health response to COVID-19. Both terms are often used interchangeably, yet they have slightly different meanings.
The Great Reset Tweet
Nous abordons ici le chapitre le plus sensible du livre de Schwab et Malleret, celui qui en dit le plus long sur la vision que les auteurs portent en eux de la société de demain. Ce chapitre est consacré au “Reset technologique”. Son propos est d’esquisser ce vers quoi le monde de demain tendra compte tenu des révolutions technologiques fulgurantes qui sont à l’oeuvre. Nous pourrions en résumer le propos en trois expressions-clés : digitalisation de la société, surveillance généralisée, dystopie. Qu’il nous soit permis ici de disséquer ces trois grands piliers exposés après un chapitre qui avoue l’intérêt, l’utilité politique d’instrumentaliser la pandémie de coronavirus pour accélérer des changements sociaux et sociétaux qui mijotent depuis plusieurs années.
Nous sommes persuadés que c’est à la lumière de cet enchaînement qu’il faut comprendre les éléments qui vont suivre. Le Great Reset n’est rien d’autre qu’une utilisation opportuniste de l’épidémie de coronavirus pour accoucher de changements en gestation avancée depuis au moins une dizaine d’années. Il est donc assez logique que Schwab et Malleret commencent par évoquer l’opportunité politique que constitue la pandémie avant de décrire les grands éléments dont elle doit favoriser l’avènement.
La tarte à la crème de la digitalisation
La vision du Great Reset commence par une tarte à la crème si attendue qu’elle mérite à peine d’être lue. Dans la lignée de la quatrième révolution industrielle dont Klaus Schwab s’est voulu le prophète, on pressent que tout sera digitalisée, numérisé, technicisé. Ce constat s’applique non seulement à la quasi-disparition prévisible du travail ouvrier, supplanté par des armées de robots dont la multiplication se justifiera par la nécessité de limiter les contacts pour limiter les épidémies, mais aussi à de nombreuses activités aujourd’hui exercées par des humains, et que la technologie va permettre de déshumaniser.
Dans ce cas, on peut citer l’exemple des achats individuels : là où nous nous rendions hier dans des magasins pour acheter physiquement nos produits, nous avons déjà franchi le cap, à la faveur de l’épidémie, de recourir de plus en plus souvent aux achats en ligne. Dans le monde du Great Reset, les livraisons de ces achats ne tarderont pas à être assurées par des véhicules autonomes ou des drones capables de porter des charges en des temps record.
Cette société se dessine déjà sous nos yeux et le Great Reset en constitue le poème épique. On retrouvera dans cette conviction une forme d’optimisme techniciste. Peu à peu, les technologies vont revisiter tous les compartiments de notre vie, et Schwab s’en émerveille comme un enfant devant un camion de pompier apporté par le père Noël. Cette floraison de dispositifs techniques le ravit et lui donne du baume au cœur. Pour un peu, on l’entendrait proclamer la survenue d’une nouvelle ère pour l’humanité, nourrie de science-fiction et de “dystopie” comme il le dit un peu plus loin dans son ouvrage.
Sur ce point, le Great Reset renoue avec une forme de progressisme assez proche de la pensée marxiste traditionnelle. Remplaçons des humains par des machines. Faisons confiance à la science et aux techniques pour améliorer le sort de l’homme. Nous ne sommes pas très éloignés de tous les travers qu’Edmund Husserl avait dénoncé en 1936 dans son ouvrage de référence consacré à la Crise des Sciences Européennes. D’une certaine façon, Schwab reprend l’histoire contemporaine là où Husserl l’a laissée. Et si l’on admet l’hypothèse que l’essai de Husserl dénonçait notamment la domination de la technique dans le système nazi, alors on savourera amèrement l’ironie de l’histoire. Schwab, qui a grandi dans l’Allemagne nazie, en retrouve ici les grands élans intellectuels et les transpose à la société du futur, en les débarrassant de la brutalité hitlérienne, mais en conservant leur marque de fabrique : la croyance inébranlable en la supériorité d’une société fondée sur le développement technologique permanent.
Il faut comprendre que, pour les penseurs du Great Reset, la “technicisation” de tout, de toute notre vie, de tous les champs de la société, constitue une garantie de progrès qu’il faut accélérer à tout prix. D’ailleurs, Schwab et Malleret se félicitent que les “régulateurs” aient compris, à l’occasion de la pandémie, qu’il fallait cesser de freiner le progrès mais au contraire en faciliter la venue. Ils notent par exemple que les autorités bancaires ont fini par relever le plafond des paiements sans contact à des niveaux contestés jusqu’ici. Pour Schwab et Malleret, il s’agit là de mouvements positifs. Ceux qui mettent en avant les risques d’un passage à une monnaie digitale où plus aucune transaction n’échappera non seulement au contrôle mais à la validation technique des banques centrales seront sans doute d’un avis différent.
Mais qu’importe, c’est le progrès technique, donc c’est bien.
Vers une société de la surveillance généralisée
Dans les représentations du progrès que nous dressent Schwab et Malleret, on trouve de façon assez étonnante, au cœur de leur dispositif et de leur vision, la généralisation de la surveillance citoyenne. Celle-ci se justifie au nom de la lutte contre la pandémie. Grâce à la technologie, on peut enfin réaliser un traçage et un traquage de l’ensemble de la population : connaître le moindre des mouvements de chacun, savoir où chacun s’est rendu et quelles personnes il a rencontrées.
Schwab et Malleret prennent soin de distinguer le “traçage” qui est la reconstitution a posteriori des mouvements de population, et singulièrement (insistons sur ce point car il est essentiel) des déplacements individuels. Avec le traquage (tracking en anglais), la technologie ne cherche plus à retracer les mouvements de personnes (pour identifier les personnes contacts, officiellement). Elle les trace en temps réel, c’est-à-dire qu’elle les suit sur un immense écran de science-fiction où les points qui se déplacent correspondent à autant de citoyens en goguette.
Pour les auteurs du Great Reset, cette société de science-fiction constitue un indiscutable progrès vers lequel il faut tendre. L’espèce d’optimisme béat qui accompagne cette affirmation laisse un peu perplexe, car Schwab et Malleret minimisent complètement le risque de dérive totalitaire à la chinoise qui découlerait de ce modèle. Il est inexact de prétendre qu’ils en nient l’existence. Mais ils abordent le sujet avec un tel détachement, comme si le droit à la vie privée et les libertés publiques étaient des enjeux anodins qui passent de toute façon après la béatitude technologique, que leur sincérité dans cette démarche interroge.
Dans la pratique, leur proposition consiste à développer l’application de traçage utilisée à Singapour, qui enregistre tous les mouvements des personnes mais en archivant l’historique sur le téléphone du porteur et non dans un espace centralisé contrôlé par les gouvernements. De cette façon, le traçage n’est dévoilé que lorsque la personne est malade et doit déclarer, dans le bien du groupe, les contacts qu’elle a engrangés et les lieux qu’elle a fréquentés. Ce système évite le stockage d’un big data violant les libertés individuelles dans un silo à la main du pouvoir politique.
Mais Schwab et Malleret prennent le temps de citer les autres systèmes existants en opposant les “solutionnistes” optimistes et les “solutionnistes” punitifs. Les premiers utilisent les données récoltées pour éclairer le public, les seconds pour les surveiller et les réprimer. Dans tous les cas, il ne viendrait pas à l’esprit que ce traçage, voire ce traquage de la population, justifié au nom de la pandémie, mais appelé à devenir définitif, ne soit un élément qui puisse être remis en cause au nom de la défense des libertés.
Et l’on notera effectivement que la justification première de cette surveillance généralisée de la population s’appuie sur la gestion de l’épidémie. Pour enrayer celle-ci, il faut surveiller les gens. Mais la faiblesse du raisonnement vient du caractère permanent de cette surveillance, bien au-delà de la pandémie. Une fois que nous serons entrés dans l’ère du traçage, voire du traquage, nous ne pourrons plus en sortir, même si aucune pandémie ne le justifie plus.
L’ère de la dystopie
Au fond, la société qui nous est proposée est celle de la dystopie, c’est-à-dire de la servitude plus ou moins volontaire des individus à une tyrannie qui les contrôle, les surveille, et les domine sans recourir à la violence. C’est sur cette question de l’avènement de la dystopie que Schwab et Malleret concluent ce chapitre crucial de leur ouvrage. Allons-nous oui ou non vers une dystopie ?
Sur ce point, le raisonnement du Great Reset est simple : coûte-que-coûte, nous devons basculer dans une société de la surveillance, mais nous devons éviter (postulat bien hypocrite) qu’elle ne remette brutalement en cause nos libertés. Mais Schwab et Malleret reconnaissent que rien ne garantit que le pire soit évité, à savoir que nos libertés disparaissent et que la dystopie triomphe. En lisant entre les lignes, on peut même deviner que le choix préférentiel des auteurs se porte en faveur d’un “solutionnisme optimiste” grâce auquel tout le monde améliorerait son comportement par peur d’être dévoilé, dénoncé, mis en accusation, au reste de la société. Autrement dit, les individus éviteraient de commettre le mal par peur que leurs congénères ne les jugent négativement. Un contrôle social régulerait les comportements individuels.
On voit dans quelle société de “cristal” cette logique de la surveillance devrait nous faire glisser, et quelle gestion psychiatrique se prépare : notre société opérera un contrôle permanent des individus par la honte, la culpabilité, la frustration du désir. Toute déviance sera exposée publiquement : le lieu où l’on aura fait la fête, les canailles avec qui l’on a bu un verre, seront susceptibles de nous être reprochés dans un univers où la peur de la maladie justifiera tous les contrôles. Et, bien entendu, ceux qui refuseront de porter un téléphone portable, ou de l’allumer pendant leurs déplacements, seront jugés subversifs et ramenés dans le droit chemin.
Ce que ne disent pas Schwab et Malleret, c’est l’envers de ce décor. La Chine en donne un premier exemple avec la surveillance des Ouïghours. Dans cette région sensible du territoire chinois, un logiciel prédictif recueille l’ensemble des données de surveillance et de télésurveillance de la population. Le logiciel identifie les personnes qui éteignent trop souvent leur téléphone, et met leur visage en concordance avec les images filmées dans les rues. Dans ce Big Data démentiel, le gouvernement chinois cherche à reconstituer la vie quotidienne des habitants. Tous ceux que le logiciel indique comme dangereux, même s’ils ne commettent rien d’illégal (comme éteindre régulièrement leur téléphone) sont arrêtés. On parle de 2.000 personnes privées de liberté à cause des algorithmes de ce logiciel.
Ce genre de dérive ne semble pas inquiéter outre mesure les concepteurs du Great Reset, et cette préparation collective au totalitarisme, cet éloge des méthodes et des moyens qui le rendent possible interroge. Comment des figures adulées par le capitalisme mondial peuvent-elles porter un projet aussi liberticide et aussi contraire à ce qui fait l’essence même de l’Occident ?
Il existe ici deux réponses possibles.
Soit Schwab et Malleret sont effectivement des seconds couteaux de la pensée contemporaine, des personnalités médiocres que l’esprit de cour a popularisées dans les élites mondiales. Mais en réalité ils ne comprennent pas ce qu’ils font et portent un projet de techniciens sans compréhension claire des enjeux philosophiques qui gouvernent l’avenir. Après tout, les élites qu’ils fréquentent ne sont pas non plus toutes marquées du sceau d’une intelligence démocratique supérieure, et certains patrons, certains hauts fonctionnaires, certains décideurs publics ne comprennent pas toujours de quoi l’avenir peut être fait.
Soit Schwab et Malleret sont sciemment convertis à l’idéologie totalitaire et considèrent que la privation de liberté est la condition indispensable pour maintenir vivant un capitalisme globalisé, un système de connivence où décideurs publics et privés unissent leurs forces pour garder le contrôle des sociétés et préserver leurs sources de profit dans un monde changeant. Là encore, il n’est pas exclu que beaucoup, parmi les élites qui fréquentent le Forum de Davos, tiennent la démocratie en piètre estime et, qu’au vu de la victoire de Donald Trump, du Brexit et du mouvement des Gilets Jaunes, ils ne soient enclins à dévoiler leur volonté de puissance sur les corps sociaux.
Une troisième voie peut être un mélange des deux : le Great Reset est théorisé par des ingénieurs sans vision pour qui le primat de la technique dégonfle (enfin!) la baudruche de la décision démocratique et de l’Etat de droit.
Nous laissons chaque lecteur se forger sa propre opinion sur le sujet, mais il faut bien garder à l’esprit, dans tous les cas, que le Great Reset fait peser une menace directe sur la démocratie libérale et sur la liberté individuelle, au nom du progrès technique. L’obsession de la surveillance en est le maître mot, comme dans le pire de nos cauchemars.
Bonjour à tous,
Merci Monsieur Veraeghe pour cette saga synthétisée.
Il est malheureux que Messieurs Schwab et Malleret ne connaissent pas les lois de la physique. L’économie circulaire n’apportera jamais la même valeur économique que celle organisée autour d’un pétrole facile. Même leurs armées de robots sont une illusion thermodynamique. L’avenir qu’ils nous promettent a besoin d’une quantité énorme de pétrole, quantité dont nous ne disposons plus. Je parie que nous sommes plus près de la chute de Rome que de l’avenement du transhumanisme même pour quelques happy few.
Belle soirée à tous
la réalité physique rendra la généralisation impossible , mais dans des enclaves transhumanistes polarisant l’espèce humaine à un point jamais égalé et continuant la course prométhéenne , c’est tout à fait fesable
A savoir , où nous serons situé dans le monde d’aprés , dans une des enclaves scientistes ou dans le chaos extérieur qui au besoin peut servir de réservoir à matériel biologique miniers , etc
Le monde d’aprés c’est des enclaves “espagnols ” qui génocident les “indigènes” dans des mines d’argent ….
Merci Eric pour l’ensemble de ces articles sur un sujet fondamental qui n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre, et d’ouvrir des débats interminables pendant que se poursuivra l’avancée du monstre !
S’agissant des dégâts occasionnés à la démocratie et à notre Etat de droit, je me permets de vous inviter à découvrir l’ouvrage que j’ai réalisé à ce sujet au cours de l’année 2020 qui sera disponible en librairie dans les prochains jours
DE L’ADAPTATION DE L’ETAT DE DROIT AUX DÉFIS DU NUMÉRIQUE
Analyse du cas particulier de la France
(Cardot Patrice)
Préface de Gérard Longuet (ancien ministre, Sénateur, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques)
Entremises Editions – Collection Carte blanche
ISBN 978-2-37168-276-4
“People who do not accept the end of privacy will have to be taught to rethink” Kl. Schwab (je cite de mèmoire)
Le Great Reset est un effondrement contrôlé : notre niveau de vie global est artificiel et basé sur la dette. La croissance diminuant inéluctablement en Occident depuis 50 ans, la supercherie n’est plus tenable car jamais la croissance ne remboursera la dette, contrairement à ce qu’affirme Bruno Lemaire par exemple ! Nos “élites” nous préparent à la vie d’après : celui de l’appauvrissement de 99,9% de la population occidentale. L’appauvrissement généralisé (sauf quelques uns) entrainera des émeutes, d’où la nécessité de mettre en place ce monde de la surveillance généralisée rapidement…
J’ai sursauté le jour où j’ai entendu pour la première fois Macron nous parler du ” jour d’après “.
Venant de lui, c’est tout sauf anodin.
Mais il est possible aussi que, réponse du berger à la bergère, le « net-activisme » petites manif rapides, flashmob etc et/ou le retrait dans des ZAD non politisées rende pour part inefficace ce reset.
J’y vois une 4eme hypothèse, la Chine communiste a pris la main sur l’économie mondiale avec sa route de la soie, ses young leaders sous influence en France,le président,le ministre de la santé (France-Chine fondation )placés au sommet de l’état le président qui s’est octroyé les pleins pouvoirs et qui décide en commission secret défense de la liberté de chacun.Sans omettre l’ ingérence de la Chine aux états unis dans l’élection présidentielle avec le logiciel Dominion ( la France possède son petit frère SCYTL) pour placer son candidat Biden . Les lois liberticides sont calquées sur celles de la Chine,les restrictions du droit à la propriété ,la loi bioéthique et l’autorisation d’infanticide à terme pour « détresse psychologique »,le traçage,la liberté de circuler ,la destruction de l’économie en supprimant toute entreprise indépendante,les attaques contre la culture …Davos et son great reset ,une opportunité pour la Chine qui lui mâche le travail pendant qu’elle infiltre ses petits soldats partout dans le monde militaire et industriel (Canada entre autre).
Ce qui se passe aux Etats-Unis est de première importance.
Les liens de Biden et fils avec les chinois ont été mis au grand jour, ce qui devrait être considéré par le peuple américain comme une trahison.
La corruption du système jusqu’au plus haut niveau de la Cour Suprême est en train d’être démontrée, ce qui la disqualifiera.
Si j’ai bien compris le droit constitutionnel américain, dans cette situation il n’y a pas 36 solutions.
La même que celle utilisée lors de l’élection de JFK.