Nous publions notre 8è chapitre consacré au Great Reset. Nous abordons aujourd'hui les considérations de l'ouvrage de Schwab et Malleret consacrées au "micro-reset", c'est-à-dire à l'impact de la pandémie sur le "business". On y trouvera un condensé des considérations à la mode sur ce qui fera l'avenir de l'entreprise. Nous ne sommes pas sûrs qu'elles sont clairvoyantes, mais elles donnent une bonne orientation sur le ralliement des élites au capitalisme de connivence le mieux assumé.
Whether espoused openly or not, nobody would now deny that companies’ fundamental purpose can no longer simply be the unbridle pursuit of financial profit; it is now incumbent upon them to serve all their stakeholders, not only those who hold shares.
The Great Reset Tweet
Après la longue analyse « macro » que nous avons détaillée dans les chapitres précédents, le Great Reset s’attelle à comprendre quelles seront les tendances longues susceptibles de modifier le cours normal des entreprises et de la vie individuelle. Nous basculons ici dans l’analyse « micro » selon le jargon économique habituel. Le chapitre spécifiquement consacré à l’avenir des entreprises paraît de loin le moins convaincant et le plus creux du livre. C’est celui que nous analysons ici.
Ce chapitre s’organise autour de quatre mots-clés essentiels, qui correspondent aux quatre impacts majeurs que Schwab et Malleret imaginent que la pandémie peut avoir sur le fonctionnement des entreprises. On y retrouve un fourre-tout de banalités et de portes ouvertes enfoncées : digitalisation, circuit court, intervention de l’Etat et responsabilité sociale et environnementale, déclinés sous la bannière globale des accélérations que la pandémie permet. On retiendra de cet ensemble sans surprise que s’y dessine la disparition rapide de l’entreprise capitaliste tournée vers le profit, mais surtout libre de ne pas obéir à l’Etat, au profit d’une entreprise qui devient un simple élément parmi d’autres d’une grande technostructure administrée par l’Etat, où la notion de liberté n’existe plus.
Digitalisation et télétravail
Le chapitre consacré à la digitalisation accélérée des entreprises est probablement le moins novateur et le plus pauvre en contenu de l’ensemble du livre. Cette inconsistance est assez révélatrice, puisqu’elle nous rappelle que ni Schwab ni Malleret, qui animent le Forum de Davos, ne connaissent réellement la vie des entreprises. Ce sont des consultants, et non des opérationnels. Dès lors qu’il s’agit de décrire les processus à l’œuvre dans les entreprises elles-mêmes ils se trouvent donc un peu secs et se cantonnent à des généralités très succinctes.
Ce chapitre de leur livre peut se résumer ainsi : la pandémie fera du télétravail la règle par défaut et de la présence dans l’entreprise la dérogation, à l’inverse de ce qui existait avant la pandémie. Autrement dit, chaque fois qu’il sera possible de télétravailler, l’employeur privilégiera ce choix, favorisant ainsi la disparition progressive de l’entreprise conçue comme une entité fermée, structurée, où les humains se rassemblent quotidiennement pour partager un processus de production.
Bien entendu, ce phénomène sera accru par la multiplication des outils susceptibles de dématérialiser le travail chaque fois que c’est possible. Progressivement, donc, l’ensemble des métiers basculera dans un processus de « désincarnation ». Schwab et Malleret citent abondamment l’exemple de la téléconsultation médicale qui devrait supplanter, au besoin grâce à l’Internet des objets, la bonne vieille consultation en chair et en os.
On mesure ici la pauvreté de l’analyse et son manque d’imagination. Elle occulte complètement le poids de l’atelier dans la structuration de nos économies. En lisant le Great Reset, on comprend que l’univers quotidien de Schwab et Malleret se limite à des bureaux et à des salles de réunion, et méconnaît de façon spectaculaire le poids de l’industrie et de la technique dans la prospérité collective. L’angle mort de leur compréhension du monde se situe bien dans la place et la forme que le processus industriel revêtira demain. Et l’on imagine mal ici que les usines puissent passer massivement en télétravail.
Protectionnisme et circuit court
Autre banalité égrenée (mais dans un jargon techniciste prétentieux de logisticien) par le Great Reset : la mondialisation de la production devrait vaciller. On sait aujourd’hui que l’essentiel des produits que nous consommons est fabriqué par des usines chinoises. Cette organisation internationale du travail est à la source d’une abondante pollution, puisque le moindre pantalon acheté en Europe est envoyé par cargo ou par avion depuis Shangaï. On ne pouvait imaginer plus grande menace pour l’environnement que cette délocalisation à outrance des productions nécessaires à notre subsistance.
Cette imbrication des économies mondiales devient une faiblesse criante en cas de pandémie : l’ouverture des économies permet la circulation des marchandises, mais aussi des virus. Pour des raisons sanitaires, tout devrait donc concourir à favoriser le protectionnisme. La thématique de la souveraineté de la production (rendue incandescente par la pénurie de masques au début de l’épidémie en Europe) en a illustré la profondeur et la popularité. Cette poussée de protectionnisme dans l’opinion publique et dans les politiques à l’œuvre devrait métamorphoser la division internationale du travail.
Pour Schwab et Malleret, les entreprises sont donc condamnées à brève échéance à repenser leur modèle de production, et à favoriser des circuits courts. C’est la fin du « juste-à-temps » où l’on ne produit que sur commande, et où la marchandise est acheminée dans des délais records grâce à l’avion et à la suppression des tarifs douaniers. Il faut désormais « raccourcir les chaînes d’approvisionnement », c’est-à- dire relocaliser la production.
Ces notions sont bien connues. Elles fleurissent dans la presse mainstream où des journalistes paresseux se plaisent à les répéter tout au long de leurs colonnes. Si ces thématiques font désormais partie de la nacre répandue dans les conversations de salon à Paris, on peine cependant à en trouver la moindre traduction dans les faits. Aucun pays occidental n’a en effet recréé les conditions réglementaires et économiques nécessaires à une relocalisation industrielle sur son sol et, pour l’instant, ceux qui sont installés en Chine semblent bien décidés à y rester.
Même si un mouvement de relocalisation devait intervenir dans les années à venir, rien ne prouve qu’il prendrait l’ampleur d’une hémorragie. En tout cas, au-delà des lieux communs enfilés comme des perles dans des journaux subventionnés, aucun embryon de preuve ne permet d’étayer les affirmations de Schwab et Malleret.
Interventions de l’Etat
La troisième tendance que Schwab et Malleret prédisent pour la vie des entreprises nous semble d’ailleurs exclusive du mouvement de relocalisation annoncé dans la deuxième partie. Selon toute vraisemblance, en effet, l’Etat devrait multiplier ses interventions dans la vie des entreprises jusqu’à pratiquer une forme d’économie administrée.
Pour les fondateurs de Davos, c’en serait donc fini de la liberté d’entreprendre au sens où l’Union Européenne, par exemple, a voulu la promouvoir (sous une forme controversée) depuis l’édiction de l’Acte Unique de 1986. Progressivement le capitalisme de connivence serait gravé dans le marbre, celui où décisions publiques et arbitrages privés sont si intriqués que plus personne n’est capable de faire la différence entre décision prise par une entreprise et décision imposée par l’Etat.
Les Français ne seront guère surpris par cette forme de capitalisme, puisqu’elle est activement pratiquée depuis toujours dans leur pays, et que, à rebours des mécanismes à l’œuvre dans les autres pays industrialisés, la France a plutôt renforcé cette pratique durant les trente dernières années, à coups de noyaux durs et de prise de participation par l’Etat. Les mauvaises pratiques françaises devraient donc s’étendre au reste du monde, et progressivement favoriser la mainmise de la technostructure sur l’ensemble de l’économie mondiale.
En quoi ce modèle français est-il fondamentalement différent du modèle chinois ? Le temps passe, et les différences systémiques entre les deux univers s’estompent. Certes, la Chine pratique un monopartisme qui n’existe pas en France, et ce n’est pas une différence anodine. Pour le reste, c’est-à-dire sur un plan économique, la notion de liberté d’entreprendre en Chine et en France se confondent parfois un peu, et l’on peut légitimement se demander si Schwab et Malleret s’inspirent plus du modèle français ou du modèle chinois pour annoncer l’avènement d’une économie administrée où la décision publique entravera de plus en plus la liberté d’entreprendre.
Nous avons, dans les chapitres précédents, fait allusion à l’inclination de Schwab et Malleret pour la Chine, et nous avons évoqué le soutien que la Chine apporte au Forum de Davos. In fine, on se demande dans quelle mesure les « prédictions » du Great Reset ne relèvent pas d’abord de la préparation d’artillerie pour rendre sympathique un modèle économique à rebours du modèle capitaliste.
Toujours est-il que, pour les auteurs du Great Reset, l’urgence sanitaire ferait sauter les verrous traditionnels que la liberté d’entreprendre oppose à l’intervention de l’Etat. L’administration deviendrait toute puissante…
Responsabilité sociale et activisme militant
Le quatrième paramètre que Schwab et Malleret identifient comme le plus impactant pour l’entreprise capitaliste traditionnelle est l’activisme militant déployé par les « stakeholders », c’est-à-dire les acteurs de l’entreprise, pour la prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale.
À l’appui de cette assertion, les auteurs citent l’action menée par des salariés de Google pour convaincre leur management de ne plus prêter le concours de l’intelligence artificielle développée par l’entreprise à des forages pétroliers. Il s’agirait là d’une amorce vers une tendance de fond, où les salariés, acteurs essentiels de l’entreprise, auraient donc la faculté de modifier les choix de celles-ci pour respecter des impératifs moraux. Sous cette étiquette, nous plaçons des choix environnementaux et sociaux, mais aussi politiques dont l’actualité commence à nous donner des exemples de plus en plus fréquents : appel au boycott contre des entreprises soupçonnées de favoriser le racisme, le sexisme ou l’homophobie, actions contre des entreprises qui menacent l’environnement, mise au pilori de pratiques discriminatoires, etc.
Tous ces éléments d’évolution sont interprétés par Schwab et Malleret comme une annonce globale, systémique : il ne serait plus possible, à l’avenir, de créer et de diriger une entreprise en se contentant de « piloter » les profits. L’intégration de la préoccupation sociale et environnementale, le partage du pouvoir effectif avec les salariés, est inévitable, au détriment du pouvoir des actionnaires.
Là encore, on ne sait trop faire la différence entre ce qui relève du constat et ce qui relève du vœu. Schwab et Malleret notent d’ailleurs qu’il existe un débat sur ce sujet, et citent la phrase du patron de Ryanair pour qui la crise relèguera la responsabilité sociale et environnementale aux oubliettes. Intuitivement, les vagues de licenciement qui s’annoncent lui donnent plutôt raison. On peut penser que la préoccupation sociale et environnementale est un sport de riche, et que face à la menace d’écroulement qui plane sur les économies occidentales, les leit-motiv écologiques ou sociaux risquent de passer au second plan.
Mais le Great Reset est fondé sur l’intuition contraire, et donne le sentiment de promouvoir de nouveaux marchés pour des clients à la recherche d’influence.
Une guerre idéologique contre la liberté d’entreprendre ?
On sent bien que le discours prémâché du Great Reset recèle ici un flou étrange, comme si le raisonnement du prospectiviste dissimulait mal l’entreprise du consultant qui cherche à vendre une soupe lucrative à des clients désorientés par le cataclysme du confinement et de la crise mondiale qui s’ensuit. On peine en réalité à trouver des éléments tangibles pour étayer les prédictions de Schwab et Malleret, et la description qu’il donne des évolutions futures du « business » relève plus de l’incantation et du discours idéologique.
On sait que Schwab prône de longue date une mise en avant des acteurs de l’entreprise (les stakeholders) au détriment des actionnaires (les shareholders). De ce point de vue, il s’inscrit parfaitement dans la logique sociale-démocrate du capitalisme allemand d’après-guerre, réticent à la financiarisation anglo-saxonne, et partisan d’un contrat social où la co-gestion avec les organisations syndicales est un principe fondamental. La filiation idéologique allemande est ici évidente.
Peut-elle avoir valeur de prédiction ? Peut-on généraliser cette analyse et penser qu’elle dominera le capitalisme de demain ? Rien ne permet de l’affirmer, mais Schwab le soutient et semble vouloir entraîner avec lui une kyrielle d’entreprises bien-pensantes qui veulent favoriser l’émergence d’un capitalisme de connivence, où l’Etat dicte sa loi et impose des normes sociales et environnementales au détriment de la logique de profit.
On verra, dans la suite du livre, comme nous l’avons déjà vu avant, quel modèle ce capitalisme de connivence moralisateur porte. Dans la pratique, il consiste à supprimer toute forme de contre-pouvoir provenant des entreprises. Celles-ci devront subordonner leurs projets et leurs activités à un ordre moral et politique fondé sur des valeurs venues d’en haut.
Il est marquant de voir comment le Forum de Davos se fait ici l’auxiliaire d’une mise en coupe réglée de la démocratie, telle qu’elle est garantie par la propriété privée, et comme il prend à son compte des objectifs marxisants. Ce que Marx avait rêvé (une organisation sociale où tous les acteurs sans résistance possible obéissent à la verticalité de l’Etat, avec des semblants de soviets manipulés par des activités intolérants), Schwab le prône. Avec le modèle chinois en ligne de mire.
” …….se fait ici l’auxiliaire d’une mise en coupe réglée de la démocratie”
On ne peut pas mettre en coupe réglée ce qui n’a jamais existé, même pas à Athènes il y a longtemps
On aura beau dire, on aura beau faire «Dès que nous disons le mot «démocratie» pour nommer notre mode de gouvernement qu’il soit américain, allemand ou français, nous mentons. La démocratie ne peut jamais être qu’une idée régulatrice, une belle idée dont nous baptisons promptement des pratiques très diverses. Nous en sommes loin, mais encore faut-il le savoir et le dire»(A.E)
«Nous sommes victimes d’un abus de mots. Notre système (les «démocraties» occidentales) ne peut s’appeler «démocratique» et le qualifier ainsi est grave, car ceci empêche la réalisation de la vraie démocratie tout en lui volant son nom.» (S-C.K)
« La démocratie, c’est le nom volé d’une idée violée» (J-P.M).
Vivement la sophocratie
je suis tout a fait d’accord avec l’analyse figurant dans cet article : Davos complice de Marx pour imposer le contrôle de l’Etat sur les libertés… .!!
Du souci à se faire pour tout ceux qui ont/auront envie d’entreprendre, spoliés par des bureaucraties tentaculaires qui arrivent à faire croire qu’elles représentent l’intérêt général. Alors qu’ au contraire les authentiques entrepreneurs et visionnaires créatifs porteurs d’innovations et de progrès sont les seuls bienfaiteurs de l’humanité , pour peu que l’Autorité publique arrive à établir une régulation équitable dans laquelle elle est capable de s’effacer en créant des conditions favorables, au lieu de se servir. Combien de générations de politiciens encore à venir avant comprendre cela – de gré ou de force- ?-
la ponction publique, ce sont les vrais sangsues de nos économies : elle n’apporte rien mais fait crever tout le monde : le chomeur, lui peut travailler mais le ponctionnaire n’apporte rien mais nous coute 3 500 milliards d’€ c’est ce que l’on appelle la protection mais elle coûte bien plus cher qu’une protection personnelle !!!
Sans compter leur nullité : le coronavirus c’est pour la plupart, la goutte au nez : pour ceux qui écoutent les hopitaux c’est plus dangereux : c’est la perte du système immunitaire et donc une maladie qui peut être grave !!!
Schwab est un senior blanc hétéro. Il a compris qu’il était en voie d’extinction et a voulu prendre les devants. D’où l’allumage de contre feux.
Avant de toucher abusivement aux libertés ils feraient bien de se demander s’ils sont assez nombreux pour faire le poids en cas de réaction violente devant leurs abus et de ne pas oublier que même les FdO ont des familles .