Nous n’avons jamais été, de toute l’histoire de l’humanité, en meilleure santé et mieux protégés. Pourtant, le XXIème siècle se caractérise par la multiplication des réactions irrationnelles. Le traumatisme mondial consécutif aux attentats du 11 septembre 2001 fait que nous sommes terrorisés à l’idée de prendre l’avion (qui reste pourtant le moyen de transport le plus sûr).
1.“Puisque l’amour et la peur peuvent difficilement coexister, si nous devons choisir, il est préférable d’être craint que d’être aimé“ – Nicolas Machiavel
Le journaliste et critique américain, Henry Louis Mencken (1880-1956) constate, dès le début du XXe siècle, cette tendance : “le but de la politique est de garder la population inquiète et donc en demande d’être mise en sécurité, en la menaçant d’une série ininterrompue de monstres, tous étant imaginaires”. La peur est une émotion causée par un danger anticipé. Notre code génétique nous prédispose à craindre les dangers réels ou imaginaires. Les politiciens, mieux que tout autre, comprennent cette caractéristique fondamentale de l’être humain. S’il est vrai que les démocraties modernes dépendent de l’opinion publique, il est aussi vrai que celle-ci est largement dictée par la peur.
2.La science et les politiques de la peur
En 2009, dans un essai intitulé “Risque – La science et les politiques de la peur“, Dan Gardner présente une série de découvertes et d’études sur le comportement humain. Il y révèle à quel point nos jugements sont profondément influencés par les politiciens, les hommes d’affaires, les journalistes et les médias. Il faut dire que la peur fait vendre. Gardner rappelle qu’il faut se méfier, prendre garde et ne pas se fier à des statistiques présentées sans perspective ni données comparatives. L’obsession du risque et de la sécurité des pays occidentaux fait commettre des erreurs de jugement monstrueuses.
3.Comment manipuler l’opinion en démocratie
En 1928, Edward Bernays publiait “Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie“, essai dans lequel l’auteur expose les grands principes de la manipulation mentale. A partir des acquis de la psychanalyse (il est le neveu de Sigmund Freund), il nous explique comment la propagande est née au cœur des démocraties modernes (notamment américaine). En effet, en démocratie (plus d’ailleurs que dans un régime totalitaire), les choix des masses étant déterminants, ceux qui parviendront à les influencer détiendront réellement le pouvoir.
Car, si la politique de la peur est une caractéristique des régimes dictatoriaux, celle-ci sous-entend dans une démocratie que les dirigeants instrumentalisent des peurs avérées ou non, plus ou moins amplifiées, pour atteindre leurs objectifs. “En adoptant des politiques à court terme qui encouragent les peurs et créent la division, certains gouvernements sapent l’Etat de droit et les droits humains, entretiennent le racisme et la xénophobie, divisent les populations, augmentent les inégalités et sèment les germes de nouvelles violences et de futurs conflits” soulignera en 2007, la secrétaire générale d’Amnesty International.
4.Le diable dans la démocratie
Dans un livre intitulé “Le diable dans la démocratie – Tentations totalitaires au cœur des sociétés libres“, le philosophe polonais, Ryszard Legutko cherche à comprendre les raisons de l’étonnante adaptabilité, après la chute du mur de Berlin, des ex-communistes à la démocratie libérale et aux affaires.
Ainsi, concentrée sur des “guerres perpétuelles”, l’opinion publique mondiale, méfiante et divisée, n’est plus tentée par la remise en cause du système politiquo-économique en place. Les politiciens, les syndicats et les nombreux groupes de pression qui bénéficient de monopoles, réussissent à faire croire à l’opinion publique que tous les problèmes peuvent être réglés par le gouvernement. En utilisant la peur comme outil de propagande, ils proposent des nouvelles lois et règlements pour y arriver.
5.Liberté contre Sécurité : un marché de dupes
Les hommes politiques ont toujours su que la peur est le meilleur moyen de convaincre les populations réticentes à accorder leur soutien inconditionnel au gouvernement. Que ce soit pour détourner l’attention de la population, pour justifier plus de taxes ou pour faire accepter une législation impopulaire, les dirigeants peuvent toujours compter sur un événement dramatique réel ou annoncé afin de restreindre les libertés individuelles au profit de la bureaucratie gouvernementale. Or depuis la série d’attentats terroristes et l’état d’urgence prononcé sous la présidence Hollande, avec la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19, les Français semblent accepter à peu près tout ce qui leur est imposé graduellement, incluant la perte de leur liberté.
Il est plus que jamais important de se rappeler les paroles attribuées à Benjamin Franklin : “Ceux qui troquent leur liberté en échange d’une sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité“.