Angela Merkel prise la main dans le pot de confiture par les juges constitutionnels allemands

Angela Merkel prise la main dans le pot de confiture par les juges constitutionnels allemands


Partager cet article

Angela Merkel s'est fait prendre comme une gamine, la main dans le pot de confiture, par les juges du Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe. Vendredi dernier, la Chancelière a voulu faire accélérer la procédure de ratification du plan de relance européen par la Chambre des Länder. Afin de pouvoir faire signer par le président de la République l'adhésion de l'Allemagne au plan avant Pâques et mettre le Tribunal Constitutionnel Fédéral de Karlsruhe devant le fait accompli. Les juges ont particulièrement peu apprécié et confirmé vendredi 26 mars après-midi qu'ils examineraient bien la plainte déposée par plus de 2000 citoyens, qui jugent le droit donné à l'UE de s'endetter contraire aux traités européens. Décidément, Madame Merkel a perdu sa bonne étoile.

Coup de tonnerre vendredi 26 mars après-midi, dont la presse française s’est peu fait l’écho: le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe, Cour suprême de la République Fédérale d’Allemagne, a demandé au président de la République, M. Steinmeier, de surseoir à la signature de l’adhésion de l’Allemagne au plan de relance européen, après que le Bundestag (parlement fédéral) et le Bundesrat (Chambre des Länder) l’avaient voté.  En fait, le lundi 22 mars, une requête avait été déposée devant le Tribunal de Karlsruhe, signée par plus de 2000 citoyens de la République Fédérale, jugeant incompatible avec les traités européens l’autorisation donnée à la Commission Européenne de contracter des dettes au nom de l’Union Européenne : « Nous n’attaquons pas les dépenses, mais leur financement en violation du traité par le biais d’une sorte d’euro-obligations dont l’Allemagne serait solidairement responsable« , ont expliqué les plaignants, qui ajoutent qu’il n’y a rien de mal à ce que chaque État membre fournisse à l’UE les fonds nécessaires sur sa propre ligne de contribution au budget de l’UE. « Ce serait la voie normale prévue par le traité. Au lieu de cela, la Commission abuse de l’urgence Corona pour finalement endetter l’UE« .

Jusque-là, rien de très étonnant: les plans successifs de quantitative easing de la BCE ont fait eux-aussi l’objet de requêtes devant le Tribunal de Karlsruhe par le passé ou plus récemment.

Angela Merkel a voulu court-circuiter le Tribunal de Karlsruhe

Cependant, ce qui a plus surpris les observateurs, c’est la rédaction de l’arrêt du Tribunal:

« Il est ordonné que le Président de la République Fédérale sursoie à la ratification de l’acte sur la décision du Conseil [Européen] du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne  (…) jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale.

Motifs :

L’exposé des motifs sera soumis ultérieurement. » (C’est nous qui soulignons)

Que s’est-il passé? Le grand journal économique allemand, le Handelsblatt, s’est offusqué du « manque de motifs », jugeant le Tribunal Constitutionnel soudain peu sérieux. En fait, le Tribunal de Karlsruhe a dû dégainer très vite, vendredi. En effet, le gouvernement allemand avait, sans prévenir, avancé le vote du texte par le Bundesrat, la Chambre des Länder, initialement prévu en mai. Il aurait été plus difficile pour le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe de rendre un avis négatif sur les modalités du plan de relance une fois la ratification allemande acquise. C’est bien ce sur quoi Madame Merkel et son gouvernement ont essayé de jouer. D’où la réaction extrêmement rapide de la Cour constitutionnelle, qui n’avait que quelques heures pour réagir et a renvoyé la rédaction des motifs à plus tard.

L’état de droit, c’est quelque chose à quoi Madame Merkel,  qui a grandi en RDA, dans une famille favorable au régime, a toujours eu du mal à s’habituer, elle qui affectionne les décisions brusques, qui mettent les acteurs publics devant le fait accompli.

En l’occurrence, les juges de Karlsruhe ont réagi très vite, trop vite pour une Chancelière en fin de règne et qui, décidément ces temps-ci, porte la poisse à ses alliés politiques, comme nous nous en faisons régulièrement l’écho dans le Courrier des Stratèges.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
PLFSS 2026 : l'art de la pyrotechnie parlementaire, par Vincent Clairmont

PLFSS 2026 : l'art de la pyrotechnie parlementaire, par Vincent Clairmont

L'adoption, samedi 8 novembre 2025, de la première partie du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026 n'aura trompé personne au sein de l'Hémicycle. Le score étriqué de 176 voix pour contre 161 ne signe en rien une adhésion au projet du gouvernement, ni même une improbable lune de miel sur l'autel des finances sociales. Ce vote, fruit d'un calcul politique aussi cynique que nécessaire, est avant tout une manœuvre. Une partie de l'opposition, notamment le Parti


Rédaction

Rédaction

Pourquoi votre stratégie Barbell est incomplète sans la bonne banque privée digitale

Pourquoi votre stratégie Barbell est incomplète sans la bonne banque privée digitale

L’année 2026 semble promise, comme les précédentes, à une volatilité extrême et à des chocs imprévisibles. Les modèles d'investissement classiques, qui misent sur la « diversification moyenne » et l’optimisation du risque au milieu du spectre, sont non seulement fragiles, mais destinés à être pulvérisés à l’occasion du prochain « cygne noir » que l'Histoire ne manquera pas de nous servir. Face à ce chaos qui se déploie sous nos yeux, nous vous avons présenté dimanche 2 novembre la seule philoso


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

Elise Rochefort a évoqué pour nous les controverses officielles sur l'emploi du temps de Dick Cheney le 11 septembre 2001. Peter Dale Scott, diplomate canadien devenu professeur à l'Université Berkeley, en Californie, a prétendu documenter le contexte de cette affaire explosive. Et voici les thèses qu'il a défendues, accompagnées de leurs critiques, bien entendu... Peter Dale Scott (né en 1929) représente une figure intellectuelle singulière et complexe dans le paysage académique nord-améri


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Que faisait feu Dick Cheney le 11 septembre 2001 ? par Elise Rochefort

Que faisait feu Dick Cheney le 11 septembre 2001 ? par Elise Rochefort

Le 11 septembre 2001, le vice-Président de George W. Bush, Dick Cheney, décédé cette semaine, fait face seul ou presque au traumatisme du polyterrorisme qui frappe les USA. Mais qu'a-t-il fait au juste ? Près de vingt-cinq plus tard, voici le point des zones d'ombre et de controverse. L'analyse du rôle joué par le vice-président Richard "Dick" Cheney le 11 septembre 2001 est essentielle pour comprendre la réponse du gouvernement américain à la crise et l'évolution ultérieure de l'autorité e


Rédaction

Rédaction