Angela Merkel, la « Chancelière qui venait du froid », a tué la droite allemande

Angela Merkel, la « Chancelière qui venait du froid »,  a tué la droite allemande

Angela Merkel a tué la droite allemande. Tel est le bilan de seize ans au pouvoir d'une Chancelière sans convictions. Alors que l'année devait être un long fleuve tranquille jusqu'aux élections du 26 septembre 2021 pour les chrétiens-démocrates et leurs alliés bavarois, les chrétiens-sociaux, les sondages enregistrent une très rapide chute - résultat de la mauvaise gestion de la crise du COVID 19 par la Chancelière depuis l'automne, du "scandale des masques" mais aussi du lavage de cerveau que la "Chancelière venue du froid" a imposé à la droite allemande.

Angela Merkel a tué la droite allemande. Quand elle est devenue Chancelière en 2005, on avait considéré que le parti chrétien-démocrate, la CDU, alliée à la CSU chrétienne-sociale bavaroise, avec 35%,  était à un point bas. Effectivement, jusqu’en 1994, les chrétiens-démocrates avaient toujours obtenu plus de 40% des voix. Helmut Kohl, Chancelier de l’unification, avait décroché pour sa dernière tentative, en 1998, à 35% puis le parti était remonté à 38%. La mission de la première femme à occuper le poste était de recoller aux 40%. Or elle n’y a réussi qu’une fois, en 2013. En 2009 et 2017, la Chancelière n’a fait que 33%. Surtout, phénomène nouveau dans l’histoire de l’Allemagne, cette femme jugée longtemps indéboulonnable par les enquêtes d’opinion, a fait face, à chaque élection, à une abstention de 30%. Essentiellement du fait du décrochage de l’électorat populaire.

Cependant, depuis quelques semaines, il se passe quelque chose de beaucoup plus inquiétant.  La CDU est passée sous la barre des 30% et tend vers les 25, tandis que les Verts, eux, ont franchi la barre des 20%. Le tableau ci-dessus compare des sondages effectués dans la seconde quinzaine de mars. Ils sont convergents.

Requiem pour le libéral-conservatisme allemand

Quelles sont les raisons du décrochage de la CDU?

Il y a bien entendu le récent scandale des masques. Plusieurs députés de la CDU et de la CSU, mais aussi le ministre de la santé, Jens Spahn, se voient reprocher d’avoir touché, directement ou indirectement, des commissions sur des livraisons de masques quand le pays en manquait si cruellement au printemps 2020, dans les premiers mois de l’épidémie de COVID 19. Aussi grave soit cette affaire dans une culture politique connue pour la probité de ses hommes politiques, elle n’est qu’un déclencheur, pas une cause profonde.

La raison structurelle du déclin de la CDU-CSU se trouve dans la stratégie politique de Madame Merkel depuis qu’elle est au pouvoir. La Chancelière originaire de RDA et porteuse des valeurs de sa famille « chrétienne de gauche » a fait le choix d’emmener le parti chrétien-démocrate toujours plus loin de son centre de gravité libéral-conservateur:

  • en gouvernant pendant 12 des 16 années où elle a été au pouvoir avec les sociaux-démocrates.
  • en n’ayant pas le courage d’appeler les partenaires européens, à commencer par la France, à un respect des traités européens, à commencer par la remise en ordre de leurs finances publiques – sans quoi l’Allemagne sortirait de l’euro. Ce qui était le credo ordo-libéral classique.
  • en faisant le choix de sortir complètement de l’énergie nucléaire en 2011.
  • en ouvrant les frontières à 2 millions de « migrants » entre 2014 et 2016.

Ce faisant, la Chancelière a déplacé le centre de gravité de son parti vers le centre-gauche. Cela a eu deux conséquences:

  • le champ a été laissé libre, à droite, pour un nouveau parti conservateur, l’AfD, qui, d’une part, rassemble l’électorat chrétien-démocrate le plus à droite, désorienté; et d’autre part, est capable de mobiliser cet électorat populaire que les choix « bobo » d’Angela ne mobilisent plus. La Chancelière et le reste du système politique allemand peuvent bien crier à l’extrême-droite – et il est vrai que certaines personnalités de l’AfD sont insupportables par leur façon d’expliquer que le nazisme n’avait rien à voir avec l’histoire allemande – ou bien mettre le parti sous surveillance, cela ne changera rien au fait que la CDU et la CSU ont perdu 7% précieux à l’Ouest et environ 20% dans l’ancienne Allemagne de l’Est.
  • D’autre part, avec l’usure du pouvoir, le créneau « vert » de la Chancelière anti-nucléaire s’est usé. D’une manière générale, les électeurs préfèrent l’original et la copie. Angela merkel a poussé, en sous-main, à des alliances entre la CDU et les Verts. A Stuttgart, les écologistes du Bade-Wurttemberg ont prouvé qu’ils savaient s’entendre avec l’industrie allemande et étaient capables de gouverner raisonnablement. Du coup, l’opinion en vient à se demander s’il faut qu’un chrétien-démocrate soit le prochain chancelier.

Bien entendu, le moment n’est pas encore venu où les chrétiens-démocrates ont complètement perdu les élections. En particulier, les chances des Verts de passer devant la CDU restent faibles. Cependant, l’opinion s’habitue à la possibilité d’un gouvernement sans chrétiens-démocrates, dont les Verts seraient de fait le premier parti et fourniraient donc le Chancelier. Avec des Verts à 22-23%, un SPD se maintenant à 17% et un FDP à 10-12%, la majorité absolue en sièges est atteignable.

On en aura la confirmation le 26 septembre prochain. Mais Angela Merkel pourrait bien avoir été la fossoyeuse du libéral-conservatisme allemand.