Le putsch militaire est devenu le sujet à la mode à la France depuis quelques jours et il suscite des réactions controversées. C'est l'occasion de se souvenir que la Vè République elle-même est issue d'un putsch, réalisé avec beaucoup d'élégance par le général De Gaulle le 1er juin 1958. Ce jour-là, sous la menace d'un coup d'État militaire en bonne et due forme, le dernier Président de la IVè République René Coty appelle De Gaulle à Matignon, comme Premier Ministre, avec mission de changer de régime. Et si nous vivions une situation identique, quels en seraient les avantages et les inconvénients ?
Depuis l’effondrement de l’Éducation Nationale, les Français ont oublié (ou n’ont pas appris) que le putsch n’est pas l’ennemi de la République, mais au contraire son protecteur récurrent (lire notre article dans la journée sur ce sujet). Ainsi, la Vè République n’est pas née autrement que… par un pustch militaire, mené en deux temps. Le 13 mai 1958, les généraux s’emparent du pouvoir à Alger, alors réclamée par le FLN (on ne rappellera jamais assez que 150.000 Algériens combattent alors dans les rangs de l’armée française contre les 50.000 indépendantistes locaux, ce qui souligne que, au sein de la population algérienne, l’indépendance n’était pas un souhait majoritaire). Sous la menace d’une opération parachutiste à Paris, le président René Coty est alors contraint d’appeler le général De Gaulle au pouvoir le 1er juin et de lui faire accorder les pleins pouvoirs. Et, à cette époque, qu’un général utilise officiellement son grade pour contester la légitimité du gouvernement n’appelle aucune procédure de radiation ni de sanction disciplinaire.
Le procédé utilisé pour passer de la IVè à la Vè République est alors tout sauf démocratique, n’en déplaise à ceux qui se réclament aujourd’hui du gaullisme tout en conspuant la tribune des militaires…
Les inconvénients d’un putsch aujourd’hui
Si, mutatis mutandis, une situation identique à celle du printemps 1958 devait se reproduire, le recours à un putsch ou à une transition militaire présenterait deux inconvénients majeurs.
Le premier est inhérent à tous les putschs : c’est la suspension provisoire de l’État de droit et le risque d’une dérive autoritaire. Dans les faits, les deux putschs menés au XXè siècle en France ne sont pas exempts de critiques sur ce point.
La dérive pétainiste de 1940 a beaucoup marqué les esprits (Pétain étant arrivé au pouvoir dans des circonstances constitutionnelles et institutionnelles en partie proches de ce qui se passera en 1958), à juste titre. Mais on peut aussi s’accorder sur le fait que la Constitution que de Gaulle soumet à referendum à l’automne 1958 n’est pas un modèle de démocratie ouverte, même si tous les adversaires des militaires aujourd’hui se satisfont parfaitement des dispositions autoritaires de cette Constitution (avec une séparation des pouvoirs tout à l’avantage de l’exécutif, qui peut agir sans être embarrassé ni par le Parlement ni par les juges).
Le second tient à la compatibilité d’une opération de ce type avec le droit de l’Union Européenne. Quand on voit comment la Commission Européenne chipote sur les décisions hongroises ou polonaises en matière de justice ou de banque centrale, le changement de République en France à l’occasion d’un coup plus ou moins assumé officiellement ne manquerait pas de soulever des difficultés inédites, bien plus grandes qu’un referendum de sortie de l’Union.
Il est assez savoureux de voir, au passage, comment des Mélenchon qui pestent régulièrement contre l’Europe (et prônent un changement de République) dénoncent avec virulence une tribune qui, pour le coup, si elle était suivie d’effet, rebattrait les cartes européennes en profondeur…
Les avantages d’un putsch aujourd’hui
Précisément sur ce point, l’avantage essentiel serait de modifier les rapports de force au sein de l’Union Européenne. Alors que, depuis l’élargissement de l’Europe aux pays de l’ancien bloc soviétique, l’Union Européenne est germanocentrée et construite sur un affaiblissement progressif de la France, une réaffirmation de nos ambitions nationales rééquilibrerait durablement la construction communautaire, au moins en rétablissant de la “subsidiarité” dans les politiques bruxelloises.
Surtout, il faudrait penser une Europe où la France tient son rôle fédérateur historique, en assumant son passé et son identité. On peut en effet imaginer qu’une transition un peu forcée vers une VIè République fondée sur un endiguement du délitement français provoquerait un nouveau rayonnement de notre pays. Ce rayonnement serait accru par la mise en pause brutale de tous les éléments séparatistes qui sapent notre souveraineté.
Mais l’avantage fondamental d’un putsch en mode juin 1958 serait celui de provoquer deux phénomènes : une inversion de l’expansion permanente de l’Etat et un renouvellement de nos élites.
On peut en effet admettre que l’incapacité de l’État à réduire ses dépenses tient d’abord à l’absence d’autorité politique capable de mettre la bureaucratie sous cloche. Le renouvellement profond de la classe politique qui accompagnerait une transition constitutionnelle, l’arrivée d’un exécutif légitimé par les circonstances, modifieraient probablement la donne. Ce fut le cas en 1958, avec le plan Rueff, qui a garanti à la France une prospérité sans égal pendant une quinzaine d’années.
Surtout, l’armée constitue en partie une contre-élite qui serait susceptible d’imposer les réformes systémiques réelles dont le pays à besoin pour se relever : dans le domaine scolaire, sanitaire, industriel, diplomatique, les choix opérés depuis plusieurs décennies par une caste prétendument mondialisée (ou qui se donne l’illusion de l’être) doivent être inversés. Seul un pouvoir fort a la capacité à opérer cette inversion rapidement. La caste au pouvoir ne s’y est pas trompée, qui tremble désormais dans ses braies.
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La question de fond est celle de la légitimité du gouvernement.
Les militaires ont le devoir d’obéir au pouvoir légitime, mais quand celui-ci se délégitime par les décisions qu’il prend, que faire ?
Les réflexions de de Gaulle en 1940 sont toujours actuelles. Contrairement à ce que beaucoup croient, son envol vers l’Angleterre n’a rien d’un coup de tête (1). On détecte ses racines dans les écrits gaulliens des années 30.
La seule vraie raison d’être de l’Etat, c’est la défense de la patrie, les autres raisons qu’on peut donner sont subalternes. Quand c’est la politique de l’Etat de détruire la patrie, par action et par omission, n’est-ce pas trahir que de continuer à obéir ? (2)
En 1958, la question est au fond la même.
La réponse à cette question ne peut d’abord être qu’individuelle. Après quoi, ceux qui ont apporté la même réponse ont le devoir de s’organiser.
Ceci dit, je suis très sceptique sur un gouvernement militaire. Je connais peu les militaires, mais le peu que je connais ne m’incite pas à une confiance débordante. Il est illusoire de croire que l’armée est différente de la société dans laquelle elle vit.
******************
(1) : les pétainistes l’accusent d’être un fuyard (alors qu’il ne risquait rien), ne comprenant pas que le choix de s’extraire, de prendre du champ, est essentielle à sa démarche, en fait l’originalité et l’intelligence.
(2) : le dilemme est différent de celui qui s’est posé aux militaires putschistes en Algérie, qui agissaient au nom de la parole donnée et pas au nom de l’intérêt supérieur de la France.
Rien à voir avec le sujet.
Eric, suis-je le seul à avoir des difficultés depuis 3 à 4 jours environ pour accéder à votre site et pour déposer des commentaires à vos articles ?
Il y a des étapes à franchir qui n’existaient pas auparavant.
Merci d’avance pour la réponse.
non c’est difficile et parfois cela passe après être pourtant passé par un message d’erreur ???
d’ailleurs encore une fois 2 mn à mouliner pour avoir “erreur 524” et pourtant c’est quand même passé
Mais, un coup d’état, n’en avons pas eu 3 au cours des 15 dernières années avec d’abord la négation d’un référendum démocratique sur l’Europe par Sarko puis l’élimination de Strauss-Kahn par les Américains afin que le France soit accessible à une hollandouille docile et enfin avec l’élection de Macron Youg leader…évidemment ? C’est d’ailleurs probablement le ressenti de cette sorte de non légitimité du pouvoir central en France depuis bientôt 15 ans qui ouvre la porte de nos esprits à un coup d’état à l’ancienne: tant qu’à être entubé autant l’être clairement à l’ancienne.
Bien vu et bien dit
Oui : bien raison de s’interroger sur l’impact fulgurant du texte des militaires… ce texte -que j’ai lu…- est d’abord l’expression par intérim —- tiens ça vous rappelle la qualification journalistique de grèves de la SNCF il y’a quelques années ?- des civils à qui on fait fermer leur gueule depuis trop longtemps. Pas un appel direct au putsch mais un appel à voter pour ceux qui porteront une politique de ressaisissement. Seule la voix de militaires pouvait faire assez peur à la caste pour être audible. La caste politico médiatique – qui ne dépasse toujours pas le périphérique parisien -montre à sa réaction qu’elle n’a toujours rien compris à ce qui se passe dans ce pays. Les messages d’un Melenchon qui prétend aider le peuple sont une honte….
Gilets jaunes + gilets kakis + autres gilets à venir: tremblez les pouvoirs. En route vers une 6eme république : oui cette fois ci. Mais avec qui au pouvoir et à la tête ? Voilà notre seul problème …. les mêmes déguisés et reconvertis après une épuration à la Erdogan, …comme les petainistes devenus tous résistants à la fin de la 2eme guerre mondiale -comme Mitterrand ?-…
Qui aujourd’hui a la capacité à porter ce changement. L’ENA n’a généré que de grands phraseurs et enfumeurs mais petits faiseurs! Alors un Bonaparte? Il n’a pas émergé à ce jour..( a ce propos Macron (dans un sursaut de courage tremblant) a bien failli ne pas être présent pour célébrer le bicentenaire d’un homme fort, exemple dont on aurait bien besoin.
Napoléon1er, Napoléon III, de Gaulle. ….L’histoire, la nôtre, ou celle de nos voisins à notre place, de gré ou de force tôt ou tard, se chargeront bien de le faire émerger!
Quand ? Quand la BCE et la finance arrêteront d’acheter le silence des masses en créant de la monnaie « quoi qu’il en coûte «, solution du moment inventée par le système pour perdurer dans une pseudo stabilité économique empoisonnée. Les arbres ne montent pas jusqu’à ciel. Mais ils mettent du temps à pousser et à perdre leurs feuilles.
Enfin un média qui fait fait référence au trop oublié 13 mai, avec les mêmes acteurs peu ou prou que pour le futur putch d’Alger.
Des acteurs dont on a dit que leur problème était qu’ils avaient franchi le Rubicon pour pécher à la ligne!
Eric, félicitations pour votre article ! Clair et limpide !
” La caste au pouvoir ne s’y est pas trompée, qui tremble désormais dans ses braies”.
Et que fait “la caste” ?
“Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels”. (Aldous Huxley, Le meilleur des mondes.)
Le SOUMIS Mélenchonminimo (oui tout le contraire de ce qu’il dit être), révolutionnaire rond de cuir de salon, ne sait plus où il habite ! Un professionnel de la politique complètement paumé !
Et certains essaient avec “le pouvoir” en place maintenant de monter “la banlieue” contre les patriotes alors que les patriotes luttent contre “le pouvoir” irresponsable et seulement contre “ce pouvoir” qui a créé la division dans le pays depuis 50 ans maintenant !
Nous sommes à un point de rupture. Et là digue est en train de céder ! Un moment historique !
A l’assaut ! C’est maintenant où jamais !
Il faut dégager MICRONCESCU et sa bande d’escrocs avant 2022 ! Après il sera trop tard !
Tous les patriotes doivent s’unir (militaires et civils) pour y parvenir !
La délivrance est en vue
J ai eu beaucoup de mal également à accéder à votre texte! Qui est excellent! Votre site est sûrement attaqué car il gêne!
Article très intéressant sur le fond comme dans sa forme !
Mais ne sommes nous pas déjà sous le coup d’un putsch au sein même de nos institutions ? Lorsque la Constitution et les principes généraux du droit sont autant piétinés qu’ils peuvent l’être depuis 2017, lorsque l’on réduit la personne humaine, et le citoyen, à des numéros et autres QR codes, quand on livre sciemment notre patrimoine aux GAFAM, quand on enchaîne un peuple pour des motifs absurdes, quand on substitue au débat et à l’analyse politique le projet de quelques uns avec autant de cynisme (je parle évidemment du Great Reset), quand les juridictions s’effacent devant la seule volonté du prince, avons-nous besoin de militaires et d’une Constitution plus autoritaire ? Pour que le lecteur puise y réfléchir, je lui propose de jeter son regard critique sur ces deux documents : https://esprit.presse.fr/tous-les-numeros/changer-d-etat/898?fbclid=IwAR0A35WFEgHgatkjkcK1L_WP-wNY695ifs01PAs8TmHxheeD_vCIQK7m1gU http://regards-citoyens.over-blog.com/2020/11/mieux-adapter-le-droit-aux-defis-poses-a-l-etat-de-droit-par-le-numerique-analyse-du-cas-particulier-de-la-france-par-patrice-cardot
enfin un peu d’air frais…..seulement voila:Qui pour lever l’étendard?
Quels sont les hommes gradés ou seulement compétents pour nous sortir de tous les cadenas qui nous enferment progressivement.
J’ai plisir a vous lire mais encore plus a vous voir répondre à cette question
Ahhhh c’est beau de rêver…
Mais il ne se passera rien ! Personne n’est assez courageux pour aller se friter avec l’Etat !
Le courage derrière le clavier… J’adore !
Les 2 gros inconvénients que je vois pour un putsch aujourd’hui sont les suivants : 1) nous n’avons pas de De Gaulle et 2) nous n’avons pas de Rueff.
Article tout aussi remarquable par sa pertinence que celui mis en lien sur De Gaulle et l’ordo-libéralisme, que j’avais loupé à l’époque.
Le “modèle” ressemble manintenant à une totomobile hors de souffle, beugnée de tous les côtés et au moteur tout prêt à rendre (et vendre) l’âme, ergo, seule une rupture totale, musclée autant qu’il le faut (mais toujours de transition) peut réussir à nous sortir de la mélasse dans laquelle les abrutis décérébrés nous ont plongée – qui plus est, c’est une rupture royale (normal, nous parlons de CDG après tout ! ;), puisque c’est une sortie par le haut – je signe des deux mains.
On n’arrive plus à lire les commentaires….!!! On ne sait plus où et comment naviguer !!!!! Fâcheux !!! Solutions svp?
Juste. Encore un bug informatique. Décidément, l’informatique n’est pas une science exacte…