Les républicains sont-ils de mauvais feuilletonistes ?

Les républicains sont-ils de mauvais feuilletonistes ?


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Remettant à l’honneur un genre littéraire qui avait fait le succès de la presse populaire au XIXème siècle, les Républicains délivrent depuis une semaine leur mauvais scénario de tempête politique, avec des rebondissements quotidiens : Renaud Muselier s'est vu désinvesti, puis finalement réinvesti sous conditions, tandis que certains élus LR ont claqué la porte... Mais les remous ont aussi touché le parti présidentiel, Sophie Cluzel, a annoncé "être toujours candidate de la majorité présidentielle", ce qui semble démentir les propos de Jean Castex qui apparait dans cette affaire comme le cocu de service. Rien ne dit que la crise à droite ne soit terminée car à examiner d’autres listes régionales (Aquitaine, Grand Est par exemple) on remarque que le président de Provence-Alpes-Côte d'Azur a fait des émules en matière d’accommodements. Dans les lignes qui suivent on vous résume huit jours de folie qui feront date dans la vie politique. Mais est-ce un vaudeville ou une tragédie classique ?

UNE PIECE EN CINQ ACTES

Acte 1 : Jean Castex annonce l'abandon de la liste LREM au profit de LR

La pièce commence avec une déclaration, Jeudi 29 avril, du président de la région Paca qui tend la main à la majorité présidentielle, estimant que «le bon sens voudrait» que celle-ci « lui apporte son soutien ».

Appel entendu ! Le dimanche le 2 mai, le Premier ministre, Jean Castex, annonce le retrait de la liste LREM en Paca, dès le premier tour des régionales, au profit de celle conduite par le LR Renaud Muselier. Le chef du gouvernement, lui-même issu de LR, insiste sur la portée de cet accord en parlant d’un « exemple de la recomposition politique. »

Concrètement, la secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, cheffe de file désignée par LREM dans la région PACA, ainsi que « des représentants de la majorité parlementaire vont intégrer le dispositif conduit par Renaud Muselier ». Le Premier ministre sous-entend que les deux listes pourraient fusionner avant même le premier tour. Du jamais vu même dans les tambouilles électoralistes les plus indigestes.

C’est évidemment du pain bénit pour le parti de Marine Le Pen qui se présente comme la principale opposante à la politique menée par Emmanuel Macron. Thierry Mariani, tête de liste du RN aux régionales en Paca, ne s’est ainsi pas privé de dénoncer ce rapprochement : « la liste de Renaud Muselier est « la liste d’En marche, avec des noms donnés directement par l’Elysée ».

Cela préfigure-t-il un autre rapprochement en vue de l’élection présidentielle ?

Acte 2 : LR retire son investiture à Renaud Muselier

La déclaration de Jean Castex, qui apparait comme une tentative d’OPA sur des listes LR, afin de sauver la mise du parti présidentiel en déroute dans les sondages, scandalise une partie des Républicains qui reprochent à Renaud Muselier de se compromettre avec le parti d’Emmanuel Macron.

Le président des Républicains, Christian Jacob, réagit a minima et annonce que « Renaud Muselier ne pourra pas bénéficier de l’investiture LR » ; il ajoute : « la peur de perdre des uns, ajoutée au cynisme des autres, n’a jamais fondé une ligne politique. Le premier tour doit être celui de la clarté et de la fidélité à ses convictions, à ses engagements et à ses alliés naturels ».

Au premier tour ? Cela veut-il dire qu’il n’exclut pas de facto des accords au second?

En Paca, LR se divise. Les maires de Nice (Alpes-Maritimes) et de Toulon (Var), Christian Estrosi et Hubert Falco, sont partisans d’une union LR-LREM dès le premier tour pour mieux barrer la route à la liste du Rassemblement National conduite par Thierry Mariani, lui-même transfuge de LR.

A l’inverse, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti dit « son immense tristesse face à ce coup de poignard dans le dos« .

Acte 3 : LR accorde à nouveau son soutien à Renaud Muselier, sous conditions

A l’occasion de la réunion du comité stratégique le mardi 4 mai, dans une ambiance extrêmement tendue, LR accorde « son soutien sous conditions à Renaud Muselier », la condition étant que « aucun parlementaire En marche et aucun membre du gouvernement » ne doivent figurer sur sa liste.

Exit donc de la liste LR la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel, contrairement à ce qu’avait annoncé Jean Castex. Tout est donc clair. Sauf que la position adoptée sous l’influence de Gérard Larcher et de Christian Jacob tient dans un double balancement qui porte en son sein d’autres lignes de fracture que sous-entendent deux déclarations : « Il ne peut y avoir aucun accord avec En marche », et « Les Républicains … restent les opposants déterminés au RN ». Qui croire ?

Coup de théâtre, comme dans la bonne pièce de boulevard : les LR ont de nouveau accordé leur soutien à la candidature de Renaud Muselier en Paca, malgré le retrait de la liste LREM en sa faveur. Mais cette position conciliante appelée par Christian Jacob de ses vœux n’apparait pas à tous comme la solution. Cette position, ne fait pas l’unanimité, Eric Ciotti rend public qu’il a voté contre ce soutien de LR à Renaud Muselier. « Je prends acte de la décision de ma famille politique, mais je considère que les conditions de la clarté et de la confiance ne sont pas réunies », écrit-il.

En effet est-ce la journée de la clarté ou la journée des dupes ? Peut-on croire Gérard Larcher qui estime que mardi a été « une journée de clarté » avec l’attribution par la commission des investitures de têtes de liste départementale aux centristes Macron compatibles, à savoir « Chantal Eymeoud dans les Hautes-Alpes, qui est Nouveau Centre, ou Sophie Joissains  qui mènera la liste » dans les Bouches-du-Rhône. Dans le Grand-Est la majorité LREM espère, en coulisses, toper avec le sortant Jean Rottner.

Qu’importe ! Pour Gérard Larcher les Républicains sont ainsi « en train de construire un espace », qui va conduire « à ce que nous ayons un candidat ou une candidate qui propose une alternative aux Français » à la prochaine élection présidentielle. Sous-entendu contre le RN. Interrogé sur la situation en Bourgogne-Franche Comté, où un rapprochement entre le LR Gilles Platret et Debout la France se profile, Gérard Larcher répond qu’on ne peut pas s’allier avec Debout la France tant que Debout la France n’a pas renoncé à la stratégie qui l’avait conduit en 2017 à soutenir Marine Le Pen ».

Acte 4 : Christian Estrosi et Hubert Falco quittent les Républicains

Deux figures locales des LR quittent le parti. D’abord, le maire de Toulon, Hubert Falco qui annonce, mercredi 5 mai, reprendre sa « liberté. Ensuite, Christian Estrosi dans une interview au Figaro publiée jeudi 6 mai, en dénonçant « la dérive d’une faction qui semble avoir pris en otage la direction du parti » pour faire capoter le projet d’alliance entre LREM et LR aux régionales. Le maire de Nice affirme n’avoir « jamais subi une telle violence dans [son] parti » que lors des discussions autour de cette affaire, où il assure avoir été qualifié de « malfaisant ».  Lyrique mais amnésique, il termine son propos pour tuer dans l’œuf les rumeurs d’ambition nationale : « Je n’ai rien négocié avec qui que ce soit, car je n’attends rien et Nice compte plus que tout à mes yeux ».

Ces palinodies créent un malaise profond dans le Parti Républicain et des demandes de clarification de se font entendre. Julien Aubert estime que si  la fusion devait se faire, « il ne faut pas être grand devin pour comprendre que les Républicains risquent d’exploser ». Et d’ajouter « Moi, je ne participerai pas à cette fusion, je maintiens que nous devons être un parti d’opposition à Emmanuel Macron, je me bats contre sa politique au Parlement, ce n’est pas pour aller siéger pour un fauteuil avec sa ministre ou certains de ses députés ».

Le front républicain régulièrement invoqué par certains comme une incantation débouche sur une véritable inversion des valeurs depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Une partie de la classe politique a fini par oublier que trahir ce n’est pas faire preuve de courage, que le courage c’est de défendre ses convictions et en être fier.

Le secrétaire général du parti Aurélien Pradié a également réagi à cette annonce : « En Occitanie nous montrerons l’exemple. Aucune alliance opportuniste. Aucune courte échelle, ni aux macronistes qui ont abîmé la France ni aux énergumènes RN. Le courage est là. Être clair et ouvrir un chemin. » Il rejette l’idée défendue par LREM et Marlène Schiappa d’un front républicain.

C’est alors que des élus LR réclament une liste, car le député des Alpes-Maritimes n’est pas le seul à fustiger l’initiative de Renaud Muselier. Le malaise est tel que plusieurs personnalités : Lisnard, Abad, Bellamy et Retailleau sont franchement pour et pensent que c’est faisable...“Nous sommes au pied du mur, dans la mesure du possible il faudrait faire une liste”, affirme l’eurodéputé François-Xavier Bellamy. “Le mauvais coup fait à la démocratie, c’est que cette manœuvre intervient à quelques jours du dépôt des listes” et “c’est évidemment très compliqué à faire mais si le défi peut être relevé, je crois qu’il le faut”, a-t-il ajouté.

Acte 5 : Sophie Cluzel annonce être "candidate de la majorité présidentielle"

Sophie Cluzel qui ne s’était pas exprimée de la semaine, prend la parole vendredi 7 mai. « Je suis candidate de la majorité présidentielle et la majorité présidentielle sera représentée au premier tour », affirme-t-elle sur France info. « Il y a une alliance qui n’a pas aujourd’hui les conditions d’être respectée. Donc je continue, je trace mon chemin, comme toujours. »

Renaud Muselier se retrouve coincé. S’il accueille des marcheurs sur sa liste et parmi eux Sophie Cluzel, il s’exposera à la perte de l’investiture LR, pourtant arrachée de haute lutte au prix d’un règlement de comptes.

S’il refuse cette alliance de circonstance, le président LR pourrait perdre le soutien du premier ministre et voir le parti présidentiel faire campagne face à lui, qui plus est sur un segment électoral très proche (comprenant notamment les retraités et catégories supérieures). Un vrai casse-tête.

« Mais à l’arrivée, le grand perdant, c’est Castex. Non seulement il est cocu, et en plus il paie la chambre ! », s’est ainsi moqué le sénateur LR Pierre Charon.

Sa manœuvre pour tenter de déstabiliser les Républicains ayant lamentablement échouée, Jean Castex est critiqué dans son ancienne famille politique comme dans la nouvelle. Quand Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a assuré qu’il y aurait des membres de LREM sur la liste de Renaud Muselier, difficile de ne pas y voir pour Jean Castex une défection de son ancien clan. Car le Premier ministre a toujours revendiqué ses liens forts avec Nicolas Sarkozy. L’ex-maire de Prades concentre les critiques. Sur RTL, Christian Jacob, le président des Républicains, a fustigé les « manœuvres » de Jean Castex, se demandant s’il est « sérieux, en pleine crise sanitaire, d’avoir un premier ministre qui soit là, dans de petites magouilles politiques ? ».

Sophie Cluzel qui ne s’était pas exprimée de la semaine, prend la parole vendredi 7 mai. « Je suis candidate de la majorité présidentielle et la majorité présidentielle sera représentée au premier tour », affirme-t-elle sur France info. « Il y a une alliance qui n’a pas aujourd’hui les conditions d’être respectée. Donc je continue, je trace mon chemin, comme toujours. »

Renaud Muselier se retrouve coincé. S’il accueille des marcheurs sur sa liste et parmi eux Sophie Cluzel, il s’exposera à la perte de l’investiture LR, pourtant arrachée de haute lutte au prix d’un règlement de comptes.

S’il refuse cette alliance de circonstance, le président LR pourrait perdre le soutien du premier ministre et voir le parti présidentiel faire campagne face à lui, qui plus est sur un segment électoral très proche (comprenant notamment les retraités et catégories supérieures). Un vrai casse-tête.

« Mais à l’arrivée, le grand perdant, c’est Castex. Non seulement il est cocu, et en plus il paie la chambre ! », s’est ainsi moqué le sénateur LR Pierre Charon.

Sa manœuvre pour tenter de déstabiliser les Républicains ayant lamentablement échouée, Jean Castex est critiqué dans son ancienne famille politique comme dans la nouvelle. Quand Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a assuré qu’il y aurait des membres de LREM sur la liste de Renaud Muselier, difficile de ne pas y voir pour Jean Castex une défection de son ancien clan. Car le Premier ministre a toujours revendiqué ses liens forts avec Nicolas Sarkozy. L’ex-maire de Prades concentre les critiques. Sur RTL, Christian Jacob, le président des Républicains, a fustigé les « manœuvres » de Jean Castex, se demandant s’il est « sérieux, en pleine crise sanitaire, d’avoir un premier ministre qui soit là, dans de petites magouilles politiques ? ».

En conclusion c’est politique - zéro.

C’est en tout cas le nombre de personnes capables de prédire avec certitude à quoi ressemblera la ligne de départ des élections régionales en Paca. Le suspense sur les candidats en Paca ne sera définitivement levé que lundi 17 mai, date limite pour le dépôt des listes.

La presse main stream complice des leaders politiques a scénarisé des rivalités, des rapprochements et des mises en scène de quelque chose que les Français n’apprécient plus du tout. Toutes ces histoires de partis politiques, qui bien avant le premier tour de la présidentielle, préparent leur mauvaise soupe sur le petit feu élyséen dans la mauvaise marmite En Marche, n’intéressent plus nos compatriotes. C’est d’une certaine façon ce que dénoncent les tribunes des militaires publiées la même semaine, dont la dernière engrange plus de 1,5 millions de vues sur les réseaux sociaux.

On sait très bien qu’il y a pourtant un espace électoral et politique à saisir pour la droite française, entre ce qu’on pourrait appeler la majorité présidentielle et le Rassemblement national. On le voit d’ailleurs dans les enquêtes d’intentions de vote, mais pour l’instant il n’y a pas de candidat.

La droite est empêtrée dans une procédure pour inventer un système que le président du Sénat, Gérard Larcher, appelle un système de « départage » pour essayer de choisir entre les différents prétendants. Est-ce que la droite ne sortira de l’ambiguïté qu’à son désavantage ?

L’élection régionale a une dimension plus nationale que locale et on comprend d’une certaine manière que M. Mariani, tête de liste du Rassemblement national, se réjouisse en se disant qu’il y aura peut-être des électeurs de LR à récupérer. Il y a aujourd’hui à peu près un électeur LR sur deux qui n’envisage pas du tout de faire alliance avec la République en marche, mais combien sont-ils à envisager une alliance avec le RN ?

Jusqu’au bout, on peut espérer que la classe politique évite aux Français l’inacceptable. Ces élections régionales auraient pu éviter aux militants et aux électeurs d’être trahis dans leurs convictions. Hélas cela n’en prend pas le chemin et la fin de la pièce risque de se « finir mal » comme le prédisait Gérard Collomb.


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