La gifle de Damien : la République à la recherche de la personne sacrée du Président

La gifle de Damien Tarel à Emmanuel Macron a donné lieu à un fonctionnement exemplaire de la justice : comparution immédiate du prévenu, puis condamnation à 18 mois de prison, dont 4 fermes, avec mandat de dépôt. Il ya bien longtemps qu’une gifle n’avait pas donné lieu à un traitement aussi sévère. Ce traitement n’est pas sans rappelé le procès de Damiens, de 1757, où Louis XV reçut un coup de poignard, et où le condamné fut condamé au supplice pour resacraliser la personne du roi. Nous venons sans doute d’assister à un procès dont la logique appartient plus à l’Ancien Régime, avec la volonté d’une justice « publique », qu’à l’époque contemporaine.

La comparution immédiate de Damien Tarel, hier, a permis de livrer quelques éléments d’explication sur l’auteur de la gifle qui a fait le tour du monde. Ce procès très attendu a débouché sur une condamnation à de la prison ferme, comme le souhaitait une large part du tribunal médiatique.
La gifle de Damien enfin expliquée
Les propos tenus par le prévenu durant son audience ont livré leur part de vérité.
Il s’est dirigé vers moi. Quand j’ai vu ce regard sympathique et menteur qui voulait faire de moi un potentiel électeur, ça a suscité du dégoût. Je pense que j’aurais eu du mal à rentrer chez moi la tête haute en ayant juste serré la main d’Emmanuel Macron.
On ne pouvait pas mieux exprimer la désacralisation de la personne présidentielle que nous évoquions dans nos colonnes. Tarel considère que le Président incarne la « déchéance » de la France et évoque le « sentiment d’injustice » que lui inspire le Président de la République.
Refus de la banalisation et resacralisation
Le réquisitoire du Parquet dans ce dossier explique largement le sens de la sentence.
La société française n’a pas intérêt à banaliser ce type de passages à l’acte violent.
Le fait que la presse étrangère relaie largement l’événement est évoqué comme une circonstance aggravante.
Le Parquet ne cache pas l’esprit dans lequel il appelle à la sanction : alors que, chaque jour, les tribunaux relaxent ou peinent à sanctionner des auteurs de violence, l’atteinte à la personne présidentielle justifie une réaction forte de la société tout entière. Nous sommes bien ici à la recherche d’une resacralisation du chef de l’Etat.
Faire un exemple faute de pouvoir moraliser la société ?
Damien Tarel a échappé aux horribles supplices auxquels Damiens fut condamné en 1757 (pour avoir blessé le roi avec une arme blanche) :
mené et conduit dans un tombereau, nu, en chemise, tenant une torche de cire ardente du poids de deux livres puis, dans le dit tombereau, à la place de Grève, et sur un échafaud qui y sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis le dit régicide, brûlée au feu de soufre, et sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix résine brûlante, de la cire et soufre fondus et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendres et ses cendres jetées au vent
Mais l’identité des noms fait sourire et pose la question du sens de la prison et de l’exposition médiatique du prévenu. De même que la sentence infligée à Damiens visait à faire un exemple public dans une société où la justice ne servait pas à « corriger » mais à châtier pour dissuader les autres criminels de commettre leurs crimes, on peut se demander si cette charge spectaculaire n’a pas dominé le procès de Damien Tarel.
D’une certaine façon, nous n’étions pas loin du procès d’un régicide.
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