Covid-19 : la Cnil favorable à la diffusion de listes de patients non-vaccinés

Covid-19 : la Cnil favorable à la diffusion de listes de patients non-vaccinés

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a validé le projet de décret du gouvernement en autorisant les médecins à disposer de la liste de leurs patients qui n'ont pas entamé de parcours vaccinal, afin de les informer sur l'intérêt de la vaccination. La Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) est autorisée à éditer et transmettre aux médecins traitants, qui en font la demande, la liste de leurs patients non vaccinés contre le Covid-19 à des fins de sensibilisation et pourra également contacter elle-même les personnes non vaccinées.

La Cnil a publié un avis qui valide l’envoi de leurs coordonnées aux médecins traitants. Cet avis était très attendu par le gouvernement. La campagne patine depuis un mois, avec une chute importante du nombre de primo-vaccinations: de plus de 400 000, elles sont passées à 150 000 par jour. D’après le dernier rapport du 5 juillet du Ministère de la Santé, 51,8 % des Français ont au moins reçu une dose de vaccin. Chaque jour, des milliers de doses et de créneaux de vaccination restent inutilisés.

1.Le gouvernement veut convaincre par décret !

Un projet de décret prévoit le lancement d’actions de sensibilisation par les médecins traitants et par la Cnam auprès de patients qui ne se seraient pas encore faits vacciner, afin de « sensibiliser les personnes concernées et leur apporter une aide dans la programmation des rendez-vous« . Mais pour cela, l’article 2 du projet de décret prévoit que la Cnam puisse envoyer à chaque médecin traitant la liste de ses patients vulnérables non vaccinés, et que le service médical de la Cnam puisse lui-même utiliser le fichier de données « Vaccin COVID » pour contacter des personnes non vaccinées.

2.Les généralistes, nouveaux agents de l’Etat

L’objectif est de profiter de la relation de confiance entre le médecin et son patient pour lever les interrogations ou les réticences à se faire vacciner. Comme l’avait rappelé le professeur Jean-François Delfraissy au micro de France Inter : “ce sont les populations les plus socialement défavorisées qui ont une résistance à se faire vacciner“. “Les patients ont une confiance forte dans leurs médecins généralistes : je pense que d’aller vers ce type de système d’information sera globalement bien vécu“, affirme Henri Partouche, membre du conseil sur la stratégie vaccinale.

3.La Cnil opposée par principe mais pas en pratique

Si la Cnil, toujours vigilante en matière de listes et de transferts massifs de données personnelles, se dit « en principe défavorable à une telle pratique« , elle considère que « la situation sanitaire exceptionnelle peut la justifier si les médecins en font la demande« . Dans son avis, elle déclare : “La législation qui protège le secret médical ne s’oppose pas […] à ce qu’un médecin accède au statut vaccinal de ses patients, dès lors qu’il s’agit de personnes qu’il prend en charge et que la connaissance de cette information est pertinente pour les soigner et les conseiller.“ Et d’ajouter qu’une telle opération est également ouverte à l’assurance-maladie, si cela permet de « les [les patients] informer et les sensibiliser à certaines démarches proposées par le système de santé ».

Si elle valide le principe, la Cnil met toutefois en garde “contre le risque de sollicitations excessives des personnes“ et fixe plusieurs conditions : « Des actions de sensibilisation à la vaccination mobilisant des moyens inédits peuvent légitimement être mises en œuvre, à condition d’être entourées de garanties fortes ».

4.Vie privée et liberté vaccinale protégées ?

« De telles actions de sensibilisation, surtout si elles devaient être répétées auprès des mêmes personnes, constituent une forme d’atteinte à la vie privée dans la mesure où il s’agit de l’utilisation d’une donnée personnelle sensible et confidentielle pour une sollicitation non demandée« , affirme tout de même la commission. Ainsi, la transmission n’aura rien d’automatique et de doit être réalisée « qu’à la demande du médecin traitant. »

La Cnil consacre la liberté vaccinale – en tout cas tant qu’aucune obligation n’est en vigueur – et rappelle que les sollicitations des médecins doivent “informer et sensibiliser les personnes, et non essayer de les convaincre lorsqu’elles indiqueront ne pas souhaiter se faire vacciner ». Aussi, la liste entière doit être supprimée par le médecin « dès la fin de l’action de sensibilisation ».

La crainte d’une utilisation détournée de ces données n’est pas à écarter, alors que le gouvernement prévoit d’imposer la vaccination aux soignants. Une crainte justifiée concernant la suppression notamment des listes dès la fin de campagne de sensibilisation quand on se rappelle que l’État a allongé à 20 ans la durée de conservation des données contenues dans la base pour les professionnels de santé “Contact-Covid“, alors qu’il avait promis de tout effacer.

Outre l’avis de la Cnil, le ministère de la Santé doit encore attendre « la publication du décret en Conseil d’Etat.“ Le ministère assure que les équipes sont déjà « en ordre de bataille » pour rapidement lancer le dispositif. On n’en doute pas !