Apparemment, le récit est sans failles: Julian Reichelt, rédacteur en chef de la Bild Zeitung, le plus lu des "tabloïds" allemands, se voit reprocher d'avoir mélangé relations professionnelles et privées au sein de la rédaction du journal. Pour cette raison, le groupe Springer, qui possède la Bild-Zeitung aurait préféré se séparer du jeune et brillant rédacteur en chef. En réalité, on est frappé de constater que Julian Reichelt est l'un des rares journalistes de la presse mainstream qui ait osé critiquer la politique sanitaire du gouvernement Merkel. A-t-on saisi des prétextes pour l'écarter?
Axel Springer Verlag a relevé de ses fonctions le rédacteur en chef de “Bild”, Julian Reichelt, considéré il y a quelques mois encore comme la star du journalisme allemand. Selon le groupe, Reichelt n’a “pas clairement séparé les affaires privées et professionnelles, même après la conclusion de la procédure de conformité”.
Âgé de 41 ans, Reichelt avait été visé par une enquête interne en mars en étant notamment soupçonné d’avoir promu des femmes avec qui il entretenait des relations. Il avait été rétabli dans ses fonctions 15 jours plus tard, après s’être expliqué devant le Conseil d’administration. Apparemment, ce n’était qu’un sursis. Le groupe affirme avoir « appris que Julian Reichelt ne sépar[ait] toujours pas clairement les affaires privées et professionnelles et qu’il a[vait] dit des choses fausses à ce sujet devant le conseil d’administration ».
On est cependant surpris de voir la manière dont deux journaux incarnant l’establishment progressiste de leurs pays respectifs, le New York Times, d’un côté et Der Spiegel de l’autre; ont enquêté et publié à charge contre un confrère. C’est à cause de la parution de l’article du New York Times que le groupe Springer aurait décidé de se séparer aussi brutalement du collaborateur réintégré six mois plus tôt. Der Spiegel a publié après l’annonce du départ de Julian Reichelt, comme pour fermer et clouer le cercueil.
Le journal Le Point signale que le groupe Springer vient de racheter Politico aux Etats-Unis et ne pouvait pas se permettre une polémique. Mais les choses sont sans doute plus compliquées. Le président du Directoire de Springer aurait, selon le New York Times, déclaré, dans une discussion interne, qu’il fallait “faire très attention” car Reichelt avait “de nombreux ennemis”. Et cela s’expliquait par le fait qu’il était “le dernier journaliste à s’opposer à l’Etat autoritaire digne de la RDA” qui s’était mis en place à l’occasion de la crise sanitaire. Décodons: Julian Reichelt aurait-il été dans le viseur d’Angela Merkel (originaire de RDA)?
Julian Reichelt, à lui tout seul une opposition à Merkel
Effectivement, il suffit de faire une recherche sur internet avec les deux mots “Bild” et “Merkel” pour tomber sur plusieurs dizaines d’articles, d’éditoriaux ou de vidéos dans lesquels Reichelt a Angela Merkel en ligne de mire. On peut même dire que son compte twitter est devenu un “lieu d’influence” important de la politique allemande. Dans son dernier éditorial publié, Reichelt a été d’une dureté inouïe avec la Chancelière à propos du bilan de l’engagement en Afghanistan. Dès son arrivée à la tête du journal ,en 2018, il avait multiplié les articles ou les messages pour critiquer la politique d’accueil inconditionnel des migrants de l’automne 2015 et ses suites. Mais il semblerait, effectivement, que ce soit la critique du comportement de la Chancelière et de son engagement pour une politique sanitaire plus centralisée, plus enfermiste, qui ait le plus indisposé la Chancelière. Et d’une manière plus générale, Reichelt s’en est pris à tout l’établissement politico-médical, ciblant en particulier Christian Drosten, confecteur du test PCR du Covid-19 et sorte médecin-gourou aux côtés d’Angela Merkel tout au long de la crise. Rappelons-nous d’ailleurs la violence avec laquelle l’ambassade de Chine à Berlin avait attaqué Julian Reichelt, l’un des rares journalistes à dénoncer la très mauvaise gestion des débuts de la crise par la République populaire de Chine. La réponse de Julian Reichelt sous la forme d’une vidéo You Tube adressée à Xi Jingping, est un modèle d’intelleigence et de courage. Mais revenons à Madame Merkel. Son mari siège au conseil d’administration de la Fondation Friede Springer (la veuve d’Axel Springer, le fondateur du groupe). C’est un endroit d’où l’on peut faire passer des messages.
Alros, en s’attaquant au Professeur Drosten, en défiant Angela Merkel et en comparant la politique sanitaire qu’elle entendait mener, toujours implicitement, à une politique dictatoriale, Julian Reichelt a-t-il présumé de ses forces?
Dans tous les cas, les attaques portées contre lui semblent avoir servi de prétexte à un règlement de compte avec l’un des rares esprits indépendants du journalisme allemand contemporain.
Bonjour,
“On est cependant surpris de voir la manière dont deux journaux incarnant l’establishment progressiste de leurs pays respectifs, le New York Times, d’un côté et Der Spiegel de l’autre; ont enquêté et publié à charge contre un confrère.”
Les temps changent ! Voir cet étonnant article de Der Spiegel, sur la ‘Reconstruction d’une hystérie de masse’ (à propos de la grippe porcine de 2010) :
https://www.spiegel.de/international/world/reconstruction-of-a-mass-hysteria-the-swine-flu-panic-of-2009-a-682613.html
L’article de Der Spiegel est en anglais, mais son contenu est détaillé ici, en français (et publié sous licence CC, distribution et réimpresion autorisées) :
https://yvesmariestranger.com/le-piege-du-covid-zero-un-essai-de-julius-ruechel/#Le-paradoxe
Extraits de cet article Der Spiegel de…2010 :
« Les chercheurs de plus de 130 laboratoires dans 102 pays sont constamment à la recherche de nouveaux agents pathogènes de la grippe. Des carrières et des institutions entières, et beaucoup d’argent, dépendent des résultats de leurs travaux. « Parfois, vous avez l’impression que c’est toute une industrie qui attend presque qu’une pandémie se produise », explique l’expert de la grippe Tom Jefferson, d’une organisation internationale à but non lucratif de santé appelée Cochrane Collaboration. « Et tout ce qu’il a fallu, c’est qu’un de ces virus de la grippe mute pour lancer la machine. »
« Cela signifie-t-il qu’une évolution très modérée de la pandémie n’a même pas été envisagée dès le départ ? En tout cas, les efforts pour minimiser les risques n’étaient pas les bienvenus, et l’OMS a clairement indiqué qu’elle préférait fonder ses décisions sur le pire des cas. « Nous voulions surestimer plutôt que sous-estimer la situation », explique Fukuda [Keiji Fukuda était le directeur général adjoint pour la santé, la sécurité et l’environnement de l’OMS à l’époque]. »
« Les médias ont également contribué à attiser les craintes. SPIEGEL, par exemple, avait extensivement couvert la grippe aviaire. Et maintenant, il consacrait un article de couverture au nouveau « virus mondial », une histoire bourrée d’inquiétudes quant à la possibilité que l’agent pathogène de la grippe porcine puisse muter en un horrible virus. »
« L’industrie pharmaceutique était particulièrement habile à maintenir cette vision vivace. »
« Nous nous attendions à une véritable pandémie et nous pensions que cela devait arriver. Personne n’a suggéré de repenser notre approche. »
Instructif.
Cordialement,
Yves-Marie Stranger
You are a stranger ! ;-p)