Le catastrophique bilan d’Emmanuel Macron en politique étrangère

Au moment du bilan en avril 2022, Emmanuel Macron ne pourra présenter qu'une série d'échecs en politique étrangère. L'épisode du SMS"australien" est le dernier avatar d'une série de camouflets essuyés par un président de la république qui n'a pas compris que l'art de faire fructifier une puissance nationale ne s'apprend ni à Sciences Po ni en fréquentant assidûment les grands forums internationaux du mondialisme. Mais en connaissant l'histoire et la géographie de son pays et en sachant s'entourer d'individus expérimentés dans le domaine de la défense, de la diplomatie et de l'industrie.

Loin d'avoir honte du fiasco australien, Emmanuel Macron aggrave l'isolement de la France
Les médias australiens ont communiqué mardi 2 novembre le contenu d’un SMS envoyé par Emmanuel Macron au Premier ministre Scott Morrison en septembre, dans lequel le dirigeant français demandait : « Dois-je m’attendre à de bonnes ou de mauvaises nouvelles pour nos ambitions communes en matière de sous-marins ? ».C’était juste avant l’annonce de l’annulation du contrat français. Le président français n’avait pas daigné répondre à une demande de communication téléphonique urgente du chef du gouvernement australien; et envoyé ce texto prouvant qu’il se doutait de quoi il s’agissait mais n’osait pas regarder la réalité en face.
Scott Morrison a laissé fuiter le message reçu du Président français comme preuve que Macron savait que l’accord était douteux après que Macron eut accusé le dirigeant australien d’avoir menti lors d’un dîner à Paris en juin. Macron a déclaré que Morrison ne lui avait donné aucune indication que l’accord ne se ferait pas.
Quelles que soient les protestations de l’ambassadeur de France en Australie devant cette mauvaise manière australienne, cela ne change au rien au fait que le Président français a publiquement accusé le chef d’un gouvernement étranger de mensonge juste après avoir rencontré Joe Biden et s’être fait humilié par le Président américain – qui n’avait rien d’autres que de bonnes paroles pour apaiser le courroux du Président français après la perte du contrat de sous-marins. Réflexe humain, trop humain, Emmanuel Macron, humilié par Biden et ridiculisé par Boris Johnson – qui lui fait payer l’hostilité française bornée lors des négociations du Brexit – s’en prend au plus faible des trois membres de la nouvelle alliance Aukus, l’Australien.
Mais cela ne change rien au fait que la France a perdu un contrat qu’elle n’aurait pas dû perdre, par lenteur de mise en oeuvre et incapacité à comprendre comment fonctionne le monde de la troisième révolution industrielle. Et qu’Emmanuel Macron aura beau essayé de dissimuler les faits, il était au courant très en amont de la rupture du contrat et n’a pas trouvé la parade, comme le Courrier des Stratèges . l’a expliqué à ses lecteurs après la perte du contrat.
En fait, cette crise nous fait toucher du doigt une évidence: le piètre bilan d’Emmanuel Macron en politique étrangère.
Cinq ans d'abaissement de la France
On ne compte plus les gaffes, erreurs ou incidents diplomatiques causés par Emmanuel Macron depuis qu’il est président:
+ Lors de sa première entrevue avec Poutine fin mai 2017, il insulte un journaliste de RT devant le président russe. Quelques jours plus tard, le représentant de l’AFP se voit exclu d’une rencontre avec le président russe à Saint Pétersbourg. Quelques mois plus tard, lors d’une autre conférence de presse commune, en janvier 2018, le président turc prend exemple sur Emmanuel Macron et insulte un journaliste français.
+ Pour un président qui se targue de parler anglais, Emmanuel Macron a quelques lacunes. Ainsi quand il qualifie de « delicious », comme de la nourriture, la femme du Premier ministre australien en mai 2018. Mais le problème est plus profond. Emmanuel Macron veut régulièrement intervenir en anglais sur la scène internationale. Ainsi lorsqu’il défie Donald Trump par une déclaration « Make Our Planet Great Again » en avril 2018 ou, le même mois, lorsqu’il intervient devant le Congrès. A ces deux occasions, Emmanuel Macron se permet de critiquer le président américain sans être en face de lui. Pour autant, il n’y gagne aucun respect de la part des adversaires de Donald Trump: la perte du contrat australien sous l’impulsion d’une administration démocrate en est la preuve.
+ Après la terrible explosion de Beyrouth, le président se rend à deux reprises au Liban, en août et en septembre 2020 et prononce des formules définitives pour placer la classe politique libanaise devant ses responsabilités. Que reste-t-il quinze mois plus tard? Beaucoup de condescendance et une image de la France abimée parce que notre pays n’a pas aidé les Libanais à se sortir de la crise économique et politique dans laquelle ils sont plongés.
+ Avec l’Algérie, Emmanuel Macron est passé d’une indécente formule sur la colonisation comme crime contre l’humanité, durant sa campagne présidentielle de 2017 à un sérieux incident lorsqu’il se permit de critiquer la politique mémorielle algérienne.
+ en novembre 2017, intervenant devant des étudiants au Burkina-Faso, Emmanuel Macron provoque le départ du président du pays de l’amphithéâtre après qu’il eut répondu à une étudiante qui s’étonnait de l’installation de climatiseurs pour sa venue: « Vous me parlez comme si je suis le président du Burkina Faso. je ne veux pas m’occuper de l’énergie au Burkina Faso. C’est le travail du président [Kaboré]. Et loin de réparer sa gaffe, il l’aggrave en ajoutant: » Du coup, il [Roch Marc Kaboré] est parti réparer la climatisation ». Ce même jour, Emmanuel Macron donne à comprendre que la France n’est que la garante du CFA, elle ne le voit plus comme un instrument de puissance. Du coup, il met en branle un processus qui aboutit à une perte d’influence majeure de la France en Afrique puisque les pays utilisant cette monnaie ne sont plus tenus de déposer des réserves à la Banque de France.
Macron s’intéresse plus à l’Europe qu’à notre présence mondiale mais même en Europe il échoue
Australie, Afrique, Méditerranée… On ne compte plus les échecs du Président français à maintenir l’un des deux piliers de notre puissance, la maîtrise de l’outil marin et ultra-marin. Peut-être Emmanuel Macron verra-t-il, dans quelques semaines, la Nouvelle Calédonie choisir l’indépendance, faute d’avoir su piloter le processus des référendums successifs. On a aussi soupçonné le président français de vouloir abandonner les Iles Eparses. Ce Président qui se gargarise de la « startup nation » ne comprend pas bien les ressorts de la puissances au XXIè siècle, en particulier l’importance de notre domaine maritime et la nécessité d’investir moins d’énergie dans l’Union Européenne et plus dans notre présence tous azimuts. (C’est l’une des raisons majeures pour laquelle la Grande-Bretagne est allée au bout du Brexit: l’UE est énergivore et bureaucratique et le pays voulait pouvoir mettre en oeuvre une vision du Global Britain).
Pour autant, le Président français a-t-il obtenu ce qu’il voulait en Europe? En se fixant exclusivement sur la relation franco-allemande et en snobant les « petits pays », Emmanuel Macron a été bien incapable de faire accepter globalement sa vision d’une « souveraineté européenne ». Et ceci d’autant plus qu’il a porté l‘endettement du pays à 120% du PIB.
Comme nous l’avons montré hier dans ces colonnes, Emmanuel Macron a peu obtenu de l’Allemagne et toujours selon un calendrier calculé par l’Allemagne. En refusant de soutenir la candidature de son compatriote Michel Barnier pour la Commission Européenne et en préférant soutenir Margrethe Vestager, candidate danoise, Emmanuel Macron s’est retrouvé avec ce qu’il voulait éviter : une présidence de la Commission allemande. En refusant de chercher des alternatives au dialogue franco-allemand, Emmanuel Macron s’est ainsi privé de pouvoir constituer des majorités en fonction des projets français. Ce n’est que très récemment qu’il a commencé à changer de méthode, sur la question de l’énergie nucléaire. A six mois de la fin de son mandat. Le président français a déclaré que l’OTAN était en état de « mort cérébrale »; mais il n’a rien réussi pour créer une Europe de la Défense – même en s’avançant très imprudemment sur la possibilité d’un partage de l’arme nucléaire ou du siège français au Conseil de Sécurité. Il a voulu améliorer les relations de l’UE avec la Russie mais n’a rien obtenu.
Entre slogans et super-machins
Au fond, demandons-nous pourquoi Emmanuel Macron a si peu atteint en politique étrangère alors qu’une partie des experts internationaux étaient convaincus qu’il représentait un nouveau souffle pour la France?
+ Il est le premier président français qui a fait sa scolarité après la réforme Haby, celle qui a cassé une première fois l’enseignement de l’histoire au lycée. Or on ne mène pas la politique étrangère d’un pays comme la France sans une culture historique – et géographique.
+ Emmanuel Macron partage l’illusion très française que dans la mondialisation on abandonne sa souveraineté. Comme si les Américains, les Allemands, les Russes ou les Chinois, dans l’économie ouverte ne songeaient pas d’abord à l’intérêt de leur pays (y compris avec une vision de leur nation réduite aux élites dans le cas des nations occidentales)
+ Emmanuel Macron ne se sent pas Français. Il est difficile de défendre son peuple quand on en méprise une partie (les « gens qui ne sont rien », les « illettrées » etc…). Comment voulez-vous vous faire respecter quand vous dites du mal de vos compatriotes à l’étranger (le « Gaulois réfractaire au changement »)?
+ Emmanuel Macron n’est au fond intéressé que par les cénacles internationaux. En pleine crise du COVID-19, alors que la gestion de son gouvernement était l’une des moins bonnes parmi les pays développés, le président français était plus intéressé par la vaccination à l’échelle mondiale que par la santé des Français. Il est, beaucoup plus que Giscard en son temps, un président mondialiste, qui ne jure que par les organisations internationales et l’émergence d’une gouvernance supranationale. L’homme qui aime bien les slogans comme la « startup nation » rêve d’être un jour à la tête d’un « super-Machin » – pour adapter la formule du Général de Gaulle.
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