Passe sanitaire : l’Assemblée, à moitié déserte, rétablit le texte du gouvernement

Passe sanitaire : l’Assemblée, à moitié déserte, rétablit le texte du gouvernement


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Par Julien G. L’Assemblée nationale, à moitié vide, a voté, dans la nuit de mercredi 3 à jeudi 4 novembre, le projet de loi de vigilance sanitaire, rétablissant notamment la possibilité de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022. Une date que le Sénat avait ramenée au 28 février. Hormis l’échéance du passe, les députés sont également revenus sur la décision des sénateurs de supprimer la disposition permettant aux directeurs d’établissements scolaires de connaître le statut vaccinal des élèves. Ils ont aussi rejeté les mesures visant à « territorialiser » le recours au passe sanitaire. Les Républicains et la gauche ont d’ores et déjà prévu des recours auprès du Conseil constitutionnel.

25% des députés donnent un « blanc-seing » au gouvernement

Au terme d’une nouvelle séance qui rétablit le texte, profondément modifié la semaine dernière par la chambre haute, dans le sens souhaité par le gouvernement, la loi a été approuvée par 147 voix contre 125 et deux abstentions.

Pour rappel, l’assemblée nationale compte 577 députés, il y avait, donc, moins de 50% de parlementaires présents pour voter une loi aussi contraignante et liberticide.

Quelque 500 amendements, provenant en large partie des bancs de LR mais aussi de la gauche, hostiles au projet de loi du gouvernement, ont été examinés lors d’une séance marathon souvent houleuse entamée mercredi en début d’après-midi et qui s’est terminée vers 3 heures du matin.

Le pouvoir a « peur d’avoir un débat sur ce sujet quelques semaines avant l’élection présidentielle », a lancé le député LR Julien Dive.

La socialiste Lamia El Aaraje a accusé la majorité de « jouer avec la démocratie ».

Les oppositions de droite et de gauche au Palais-Bourbon, dénoncent un blanc-seing donné au gouvernement sur une période qui « enjambe » les élections présidentielles et législatives

De son côté, Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a assuré que cette date permettait d’avoir de la « lisibilité et de la visibilité » sur la progression du virus « qui continue de circuler » et les moyens de lutter contre.

Le gouvernement a aussi rappelé qu’un débat parlementaire sur le sujet était prévu le 15 février, sans parvenir à convaincre les oppositions qui réclament un examen en bonne et due forme de la politique gouvernementale avec vote

Plusieurs parlementaires ont tenté en vain d’obtenir une abrogation sans délai du passe sanitaire, comme l’élu LFI Michel Larive, qui l’a qualifié d’« aberration démocratique et sanitaire ». Le rapporteur Jean-Pierre Pont (LREM) a, au contraire, salué un dispositif « souple et adaptable, qui a fait ses preuves »

Le secret médical disparait

Rappelons, une nouvelle fois, que la Commission informatique et liberté (Cnil), s’était opposée à la possibilité pour les chefs d’établissement d’accéder au statut vaccinal des élèves, dans l’optique de renforcer les campagnes de vaccination. Elle mettait en avant « le risque d’accoutumance et de banalisation de dispositifs attentatoires à la vie privée » ainsi qu’un « glissement vers une société où de tels contrôles deviendraient la norme et non l’exception ».

Et bien peu importe, Les députés ont également rétabli la possibilité pour les chefs d’établissement scolaire d’avoir accès aux données virologiques, vaccinales et de contact concernant les élèves de leur établissement.

Une façon, indique le gouvernement, de faciliter la mise en œuvre de protocoles sanitaires mais aussi d’éviter les fermetures de classes.

« Ce n’est pas trahir le secret médical, c’est plutôt des informations partagées dans l’intérêt de l’enfant et de l’école », a expliqué le rapporteur Jean-Pierre Pont (La République en marche).

Pas de territorialisation du passe

L’Assemblée nationale a également supprimé les dispositions relatives à la territorialisation du passe.

C’est bien en fonction d’une « logique nationale« qu’il pourra être prolongé, si nécessaire, jusqu’à la fin du mois de juillet de l’année prochaine. Une telle décision pourra être prise en fonction de plusieurs indicateurs comme le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation.

Dans leur mouture du projet de loi, les sénateurs avaient instauré une territorialisation du passe, qui n’aurait pu s’appliquer que dans les départements où le taux de vaccination est inférieur à 80% et où le virus circule activement.

Des recours auprès du Conseil constitutionnel

Le « passe sanitaire » constitue une limitation importante des droits et libertés constitutionnels et, notamment, de la liberté d’aller et de venir et du droit d’expression collective des idées et des opinions.

On peut même affirmer qu’il n’y a guère de mesures adoptées par le législateur qui par leur généralité et leurs effets ont autant porté atteinte à la liberté d’aller et venir de l’ensemble des résidents français.

Pourtant, le Conseil constitutionnel déclaré entièrement conforme le dispositif du « passe sanitaire » lors de la promulgation de la loi du 5 août 2021.

Cependant, les Républicains et la gauche ont d’ores et déjà prévu des recours auprès du Conseil constitutionnel, concernant cette nouvelle loi.

Pour rappel, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de plusieurs manières : a priori (avant la promulgation d’une loi) ou a postériori (après l’entrée en vigueur d’une loi), par tout citoyen dans le cadre d’un litige via une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) ou directement par le Président de la République, les présidents des assemblées, le Premier ministre, 60 députés ou 60 sénateurs.

Après cette séance au Palais Bourbon, les sénateurs doivent à nouveau plancher sur le texte, aujourd‘hui.

L’Assemblée nationale aura, néanmoins, le dernier mot ce vendredi lors d’une lecture définitive.


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