Tous les médias bruissent de l'imminente attaque de la Russie en Ukraine. Mais la guerre d'Ukraine n'aura pas lieu. Non seulement cette annonce est un "marronnier"tous les hivers. Mais l'Occident semble incapable de décrypter la stratégie de Vladimir Poutine.
"Mourir pour l'Ukraine"?
C’est presque un marronnier – c’est-à-dire un sujet récurrent et banalisé dans les médias dans un creux d’actualité – depuis l’hiver 2016. Tous les ans à la même époque, on nous annonce une invasion imminente de l’Ukraine. Et, tous les ans, l’annonce ne se réalise pas. A cela plusieurs raisons:
+ Les Etats-Unis ont annoncé, d’ores et déjà qu’ils ne feraient pas la guerre mais auraient recours à des sanctions financières dures si la Russie envahissait l’Ukraine. Ils savent qu’ils ont plus de chances d’affaiblir la Russie dans un embargo économique et financier que dans un affrontement militaire.
+N’oublions jamais que le conflit potentiel dont nous parlons se déroulerait entre les deux géants nucléaires de la planète. Autant dire qu’aucun ne prendra ce risque. En particulier, les Américains savent très bien que les Russes sont en avance dans le domaine des armes hypersoniques.
+ Le gouvernement ukrainien est incapable de monter une opération de reconquête des territoires russophones qui échappent à son autorité – quels que soient le nombre de conseillers américains et les livraisons de matériel. Et comme les Occidentaux ne veulent pas livrer la guerre pour les Ukrainiens. En particulier la corruption qui gangrène le pays est peu propice au déploiement d’une stratégie articulée et détaillée. ..
+ En fait, le gouvernement ukrainien agite régulièrement la menace d’une guerre avec la Russie car il redoute l’impact de Nord Stream 2, le gazoduc en mer Baltique qui permet justement d’éviter l’Ukraine pour approvisionner l’Europe en gaz.
+ Et raison la plus importante de toutes: la Russie ne veut pas attaquer l’Ukraine. C’est un point que les Occidentaux ne voient pas car ils ne comprennent pas ce qui motive Poutine.
Approfondissons.
Dans la tête de Vladimir Poutine
Lloyd Austin, le Secrétaire à la Défense américain parlait récemment de l’URSS à propos de la Russie. Pourtant, n’en déplaise à l’administration Biden, dont l’incompétence est flagrante et contraste fortement avec les professionnalisme des équipes Trump, la Russie mène une politique étrangère à l’opposé de celle de l’ancienne Union Soviétique.
Vladimir Poutine n’est pas préoccupé de faire jeu égal avec les Etats-Unis ! Il lutte pour un équilibre mondial des puissances. C’est la raison pour laquelle il dispose – qualitativement parlant – de la meilleure armée du monde mais ne veut en aucun cas de diplomatie agressive. La seule préoccupation du Kremlin est, désormais, la défense des intérêts russes en déployant le minimum de moyens pour le maximum d’efficacité. C’est ainsi que Vladimir Poutine a:
+ bloqué le basculement de la Géorgie dans l’OTAN et le risque d’une utilisation du pays comme base d’attaque contre l’Iran, en 2008, lorsqu’il a défendu l’indépendance de l’Ossétie du Sud
+ bloqué un basculement possible de l’Ukraine dans l’OTAN lorsqu’il a occupé la Crimée et garanti la résistance de l’Ukraine russophone par un soutien militaire indirect en 2014, après le coup d’Etat pro-américain de “Maïdan” à Kiev.
+ amorcé un rapprochement avec la Chine lorsque la Russie a été soumise à des sanctions occidentales après la réannexion de la Crimée.
+ envoyé des troupes en Syrie pour combattre Daech et stabiliser le gouvernement syrien. Ce sont d’ailleurs les troupes russes qui ont causé la défaite militaire de Daech – et non pas les Américains.
En fait, Vladimir Poutine ne veut en aucun cas faire la guerre à l’Ukraine. Il connaît son histoire….soviétique, pour le coup ! Il a fallu quatre ans, entre 1945 et 1949, aux bataillons lourdement armés du NKVD pour vaincre les nationalistes ukrainiens. Poutine sait que l’Ukraine de l’Ouest, ukrainophone et grecque-catholique, avec une bonne dose de milices nationalistes incontrôlables, ne serait qu’une source d’ennuis pour la Russie. S’il le doit, pour préserver les intérêts russes, il annexera l’Ukraine russophone. mais il n’ira pas plus loin. Ce qui a sa préférence, il l’a dit dans un article à l’ été 2021, serait un partenariat étroit entre la Russie et une Ukraine respectant le désir d’au moins la moitié de sa population d’avoir de bonnes relations avec la Russie.
Non seulement il faut prendre les troupes russes à la frontière de l’Ukraine pour ce qu’elles sont: un moyen de pression sur les Occidentaux afin de les amener à la table des négociations – mission accomplie avec l’entretien Biden-Poutine du 7 décembre. Mais il faut comprendre l’impression que fait à un dirigeant russe la présence de l’OTAN dans les Pays-Baltes et aux portes de l’Ukraine; ou les manœuvres américaines en Mer Noire. Objectivement, la puissance menaçante, ce n’est pas la Russie; ce sont les Etats-Unis. Vladimir Poutine veut aussi être en position de préserver la mise en activité du gazoduc Nord Stream 2. Il négociera sa non ingérence en Ukraine contre le maintien du gazoduc. Et si les Occidentaux ne veulent rien entendre, il menacera de bloquer le gazoduc ukrainien.
Pour comprendre Vladimir Poutine, il faut se rappeler le discours qu’il a prononcé en février 2007 à la Conférence sur la Sécurité de Munich (et que nous avons annexé à cet article en vidéo (ci-dessus); après sept ans passés à refaire les forces de la Russie, Poutine avait annoncé son intention de pousser la cause de l’équilibre mondial des puissances contre toute tentative d’hégémonie impériale. Le seul dirigeant occidental à l’avoir compris récemment est Donald Trump – dont la conception des relations internationales comme reposant sur un équilibre des puissances se serait parfaitement accommodé d’un rapprochement avec la Russie face au danger – réel – d’hégémonie chinoise. Mais, comme on sait, le complexe militaro-industriel américain a tout fait pour empêcher un rapprochement américano-russe. Et, aujourd’hui, Trump n’étant plus là, les dirigeants américains peuvent à nouveau se vautrer dans leurs préjugés antirusses, avec la puissante chambre d’écho d’une presse subventionnée partout en Occident.
Pour autant, vous pouvez en être certains, la Guerre d’Ukraine n’aura pas lieu .
Excellentissime papier qui décrit parfaitement la situation. Tout le reste lu dans les médias occidentaux n’est que manipulation et/ou propagande.
La presse subventionnée a perdu crédibilité et emprise sur l’opinion occidentale. Au point que les media comme RT ou Sputnik paraissent 100X plus fiables et intéressants. Tout le monde voit que joe bidon, Commander in Cheat, est incapable de mener une guerre quelle qu’elle soit. Saïgon 1975 était dramatique, l’évacuation afghane est carrément comique. Au passage, même Taiwan pourrait tomber sans combattre. Xi s’appuiera sur les nationalistes chinois de l’île. L’administration Democrade et le Pentagone ont de quoi effrayer même les plus enragés des Ukrainiens.
Article très intéressant, avec lequel je ne suis pas 100% d’accord néanmoins.
Ce que je crains en revanche, c’est que les américains utilisent encore une fois l’Ukraine comme bras armé contre les russes en la poussant à récupérer les républiques sécessionnistes du Donbass et la Crimée. Ce faisant, ils pousseront la Russie à annexer définitivement tout l’est de l’Ukraine russophone, ce qui n’empêchera pas les milices d’Ukraine de l’ouest ultra-nationalistes et néo-nazies d’engager un combat perdu d’avance pour affaiblir la Russie. Dans l’esprit des américains, je pense que c’est le scénario auquel ils pensent, couplé aux sanctions économiques.
En résumé, la guerre d’Ukraine n’aura pas lieu au sens traditionnel du terme, à coups de suppositoires par paquets de douze. En revanche, elle aura bien lieu, sous forme de guérilla à la yougoslave.
On sait comment celle-ci s’est terminée. En revanche, on ne sait pas comment celle-là se terminera.
Je suggère la lecture de l’article d’Alastair Crooke dans le Saker:
https://lesakerfrancophone.fr/perdre-militairement-et-strategiquement-pour-gagner-politiquement-mais-de-facon-ephemere
Sa vision est intéressante quant à l’utilité d’un conflit en Ukraine.
La phrase de conclusion qui tue… La guerre a bien lieu !
Wow, vous êtes vraiment des stratéges !
Oops (24 février 2022)
Cela dit c’est moins une guerre qu’une démilitarisation. Une “dénazification” selon les termes de Vladimir, ce chef d’Etat. L’agression atlantiste sur fonds de génocide à l’est devait être stoppée. Le 25 cela semble bouclé, les militaires ayant répondu massivement à l’appel de Vladimir à rentrer chez soi.
Une question serait celle du gazoduc ukrainien. Poutine va t’il le faire sauter et faire basculer l’Allemagne et donc l’Europe dans une crise aigue? Ou va t’il le préserver et tenter de préserver son rôle à L’Ukraine en l’arrosant de droits de passage, comme chaque année depuis la création de ce tuyau? Ce monsieur est clairvoyant et évitera l’irréparable; cela dit il semble en colère et infliger une cuisante leçon de rationalité à l’Allemagne aurait des avantages non négligeables, à commencer par remettre les pieds des occidentaux sur le sol.
Je souhaite que les soldats Russes épargnent la population, à l’inverse des américains à Sarayevo, Belgrade ou Bagdad. Ou en Normandie en 1944. Et qu’ils soient capables de déjouer les actes de sabotage et les faux drapeaux. Apparemment ils ont sécurisé Chernobyl à la première heure de l’intervention, une excellente nouvelle. Encore que la France n’était pas vraiment concernée: les nuages Chernobyliens ne s’arrêtent ils pas aux frontières de ka Suisse?
Merci, tellement merci d’avoir donné autant de convictions dans cet article ! C’est un plaisir de faire le tour des grands prévisionnistes, et leur longue liste d’arguments si convaincants, deux mois après le début du carnage poutinien. Et ouais, c’est difficile à admettre pour certains, mais le Pentagone était le seul à avoir raison, et en plus à persister dans ses mises en garde.
Bien sûr, le Pentagone étant l’organisateur en Chef de tout ce bordel, qui d’autre pouvait avoir raison ( Giflé 1° certainement, ce traître à la Nation ! )
A vrai dire, je trouve mon article excellent, à le relire, pour deux raisons:
+ il n’y a pas un mot à changer sur les motivations de Vladimir Poutine. Il s’est décidé très tard pour le conflit, à la mi-février, d’après ce qu’on peut comprendre.
+ il fallait être vraiment mauvais stratège pour prendre le risque d’une guerre que l’Ukraine et l’Occident ne peuvent que perdre.