Les camps de non-vaccinés : l’enjeu implicite de l’élection présidentielle ?

Par Avi Morris. – Dans notre contribution du 25 novembre 2021, nous faisions preuve d’une naïveté confondante en croyant que le président Macron saurait se présenter en garant des libertés face aux propos de Valérie Pécresse en faveur d’un confinement des non-vaccinés.

La transformation des règles en matière de passe sanitaire, l’approbation sans critique par le Conseil d’Etat de ces nouvelles règles et le discours du Premier ministre de stigmatisation des non-vaccinés prélude à l’introduction d’un passe vaccinal montrent que nous nous étions trompés. Comme cela avait été relevé dans les commentaires sous l’article (Vaccination, en marche vers la 4ème dose comme en Israël?), si le président Macron dit quelque chose, c’est qu’il s’apprête à faire le contraire. Comme quoi, de l’étranger, on perd le fil des subtilités de la politique française. Nous assistons avec tristesse à l’affaissement complet de la parole publique française. Comment ensuite les représentants politiques français peuvent-ils espérer être crus lorsqu’ils s’adressent aux dirigeants étrangers ?
La radicalisation de la rhétorique à l’encontre des non-vaccinés laisse présager du pire.
Les médias se sont déchaînés sur les non-vaccinés qui ont osé recourir à de faux passes sanitaires. Pourtant, rien de nouveau sous le soleil : face à une réglementation, qu’elle quelle soit, il y aura toujours des individus qui trouveront des solutions pour ne pas la respecter. Comme l’écrivait Emile Durkheim, « le crime est normal, parce qu’une société qui en serait exempte est tout à fait impossible ; telle est la première évidence paradoxale que fait surgir la réflexion sociologique ». Ce n’est pas parce que le trafic de drogues est interdit que cela dissuade les dealers ou les consommateurs.
Dans le cas de la politique de vaccination définie par le gouvernement, selon le ministre de l’intérieur, il y aurait 110 000 passes sanitaires falsifiés qui circuleraient. Partant du constat qu’il y aurait plus de 48 millions de personnes vaccinées et environ 6 millions de non-vaccinés, ce chiffre est ridicule. Il témoigne d’une vraie adhésion subie ou volontaire à la politique menée. Il serait donc plus logique de se féliciter d’un tel résultat plutôt que de désigner à la vindicte une infime minorité tant par rapport à l’intégralité de la population vaccinée que par rapport à celle des personnes non-vaccinées.
Un problème politique et une question juridique.
Le fait de s’en prendre avec une telle violence aux non-vaccinés, c’est-à-dire non seulement celles et ceux qui n’ont pris aucune dose mais également à partir du 15 janvier 2022, celles et ceux qui n’auront pas reçu leur troisième dose elle-même prélude à une quatrième dose dans 3 mois, pose un vrai problème politique et juridique.
Politique : c’est prendre le risque d’une guerre civile entre deux catégories de population. Les discussions sur l’organisation des repas des fêtes de fin d’année en sont l’expression la plus patente.
Juridique : comment assurer l’effectivité des règles ? Prenons le premier ministre au mot et actons la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal.
- Premier point, cela signifie, cela a été annoncé, qu’il y aura un renforcement de l’obligation vaccinale pour les soignants avec le risque d’une nouvelle vague de démission. Après, effectivement, le gouvernement a beau jeu à crier au risque d’effondrement de l’hôpital public.
- Deuxième point : plus la règle va devenir contraignante, plus nombreux seront les personnes qui préféreront recourir à un faux passe sanitaire. Cela fait partie des logiques sociales. Pour lutter contre cela, le gouvernement envisage de renforcer les contrôles d’identité par des personnes non-habilitées. Bref, progressivement, s’installera un Etat policier car tous les 3 mois, il faudra montrer patte blanche.
- Troisième point : le gouvernement va augmenter le montant des sanctions pénales. En l’état actuel, la répression peut déjà être très lourde. Petit problème technique : nous sommes donc en présence de sanctions qui ne peuvent être prononcées que par un tribunal. Il faut imaginer une situation qui pratiquement peut conduire à la saturation des tribunaux ! Là encore, comme pour les hôpitaux, pas sûr que la justice s’en relèvera. Sans compter les problèmes que rencontrera l’Etat pour recouvrer les amendes ou la difficulté d’emprisonner un nombre conséquent de personnes dans un contexte carcéral déjà surchargé.
Autrement dit, plus le gouvernement va s’engager dans la voie de l’obligation vaccinale, plus il va se heurter à des difficultés de mise en œuvre des règles. Bref, de la même manière que certains hôpitaux ont fait le choix de réintégrer les personnels non-vaccinés, le gouvernement n’aura pas d’autre solution que d’envisager une amnistie ou une dépénalisation des manquements.
Ou alors, il faudra envisager des solutions plus radicales : renoncer à la possibilité pour les non-vaccinés de disposer d’un procès, permettre le recouvrement automatique des amendes, renforcer le scoring social et finalement créer des camps pour les non-vaccinés.
En parallèle, il ne faut pas exclure l’explosion sporadiques de violences face au refus d’accès de services aux non-vaccinés.
Les candidats à l’élection présidentielle qui se prononcent en faveur de l’obligation vaccinale et du confinement des non-vaccinés posent donc la question du grand remplacement de l’Etat de droit, déjà singulièrement affaibli par les arrêts du Conseil d’Etat par un Etat policier.
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