Désormais le Courrier des Stratèges publie à midi et à minuit un bilan de l’évolution de la Guerre d’Ukraine. Avec une double perspective, croisée: la guerre sur le terrain; et le conflit stratégique global que les Etats-Unis essaient d’organiser contre la Russie – en prenant le risque très clair d’une escalade
13h00: Sergueï Lavrov a tenu une conférence de presse en ligne.
“Il est clair pour tout le monde”, a-t-il déclaré, “que la troisième guerre mondiale ne peut être que nucléaire. Mais j’attire votre attention sur le fait que c’est dans la tête des hommes politiques occidentaux qu’une guerre nucléaire est toujours présente, et non dans celle des Russes». Il a souligné que Joe Biden avait expliqué que le choix avait été entre “les sanctions et la troisième guerre mondiale”. Et il a regretté que la France ne soit plus dans sa “tradition ancienne du rôle de médiateur»
14h00 : Une source diplomatique française nous transmet les éléments suivants sur la conversation entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine:
“Macron a demandé ce qu’il pouvait faire pour apaiser les tensions. Poutine lui a répondu “Il n’y a rien à faire”.
Macron a évoqué les difficultés de l’armée russe. Poutine a dit: “elles seront bientôt réglées”.
Macron a demandé à Poutine s’il pouvait aider à trouver un terrain d’entente. Poutine a répondu: “j’attendrai mes objectifs quoi qu’il arrive”.
Poutine a ensuite évoqué les propos de Bruno Le Maire sur la “guerre économique totale”. Le président français s’est excusé au nom du Ministre, parlant de termes mal choisis“.
14h30 : C’est notre jour de chance. Une autre source diplomatique nous indique avoir eu un compte-rendu biélorusse de l’entretien Macron-Poutine. Le contenu est en gros le même, avec trois précisions:
- la Russie exige la démilitarisation et le statut neutre de l’Ukraine. Plus aucune menace envers la Russie ne doit émaner de ce territoire.
- le président russe a fait savoir que les tentatives pour gagner du temps en faisant traîner les négociations “ne feraient que conduite à des exigences supplémentaires du gouvernement russe vis-à-vis de Kiev”.
- le président français ayant contesté le fait que la Russie combattît le nazisme en Ukraine, le président russe adonné un certain nombre d’informations à Emmanuel Macron.
16h00: le ministre des Affaires étrangères ukrainien demande la venue de casques bleus en Ukraine. Au même moment on apprend que la négociation entre Russes et ukrainiens débouche sur la mise en place de couloirs humanitaires. La partie ukrainienne avait proposé trois sujets: cessez-le feu; armistice; couloirs humanitaires pour les civils pris en otage dans les zones de combat. On peut deviner que la partie ukrainienne n’acceptant ni le désarmement ni la neutralisation du pays, les discussions devront reprendre dans quelques jours avec une situation militaire détériorée pour l’Ukraine.
16h00. Au moment où se termine les négociations, l’Elysée communique sur l’échange téléphonique entre les présidents français et russe. Et c’est désastreux! Au lieu d’amener les Ukrainiens à regarder la réalité en face – Vladimir Zelensky a provoqué les Russes en réclamant la renucléarisation de l’Ukraine – Emmanuel Macron fait communiquer que “le pire est à venir” et que le président russe a l’intention de “prendre le contrôle de tout le pays”.
C’est un compte-rendu inexact, si nous en croyons les sources diplomatiques citées plus haut. Et la communication de l’Elysée est d’autant plus scandaleuse que visiblement, Macron entend faire savoir qu’il tutoie Poutine !
Le compte-rendu du Figaro nous indique à la fois que c’est Vladimir Poutine qui a sollicité l’entretien mais aussi que notre président est non seulement mal-élevé mais également incapable de comprendre la gravité de la situation: “C’est Vladimir Poutine qui a pris l’initiative de cet échange, le troisième depuis le début de l’invasion le 24 février, afin d’«informer» Emmanuel Macron «de la situation et de ses intentions dans le cadre du dialogue franc» entre eux deux, a souligné la présidence. Aux accusations du premier sur les Ukrainiens, le Français «lui a répondu qu’il commettait une erreur grave sur le régime ukrainien», qui «n’est pas nazi ». «Tu te racontes des histoires, tu recherches des prétextes», lui a-t-il dit, a rapporté l’Élysée, en l’invitant «à ne pas se mentir».
Mais qui se ment à soi-même, sinon les dirigeants occidentaux, qui refusent de regarder la réalité en face et entretiennent le gouvernement ukrainien dans de dangereuses illusions? D’ailleurs, Emmanuel Macron pratique le “en même temps” quand il faudrait de la clarté. Puisque nos sources diplomatiques nous ont indiqué qu’il avait dû s’excuser pour les mots déplacés de Bruno Le Maire, comment comprendre ce que rapporte le même compte-rendu du Figaro: «Nous allons durcir les sanctions» contre la Russie, a par ailleurs réaffirmé la présidence, en estimant qu’il s’agissait «d’un outil très puissant comme on le voit dans l’effondrement du rouble»?
Evolution militaire
17h00: Les cartes ont toujours tendance à simplifier. Et elles ont en général 12 à 24h de retard sur la situation. Néanmoins, ceux qui réalisent les cartes du conflit font de plus en plus attention à la précision des indications. La carte ci-dessus, réalisée par Military Advisor, montre mieux que les cartes précédemment reproduites les “trous” qui subsistent dans le contrôle des territoires conquis par l’armée russe. La carte ci-dessus correspond à la situation du 2 mars, hier.
Si nous en croyons Actualités mondiales et françaises, les Américains et les Européens ont décidé “d’ajouter la guerre à la guerre” pour reprendre une célèbre formule de François Mitterrand:
– “Dans l’ouest de l’Ukraine, le poste frontière de Chop-Zakhon, en Transcarpatie ukrainienne, sur le triangle frontalier Hongrie-Pologne-Ukraine, sert à recevoir des armes lourdes depuis la nuit du 1er au 2 mars.
– Un centre de coordination pour le recrutement des mercenaires étrangers a été ouvert dans le complexe sportif ATEK à Kiev.
+ Des centres de recrutement fonctionnent dans les missions diplomatiques ukrainiennes à Varsovie, Londres, Madrid et Paris“.
- Front du Donbass: Marioupol et Severodonetsk sont encerclées par les troupes des républiques sécessionnistes et l’armée russe.
- Au nord-ouest de Kiev, les troupes russes sont pour l’instant bloquées par des combats à Bucha. Les Kiéviens ont assez de puissance de feu pour détruire des véhicules russes.
- Les Russes ont dispersé par un mélange de persuasion et de gaz lacrymogène les groupes de personnes qui tentaient de leur bloquer un accès complet à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya
- premières frappes aériennes russes près d’Odessa. Un aérodrome près de Korotich, région de Kharkov, a été la cible d’attaques aériennes Russes, qui ont liquidé tout ce qui pouvait encore être opérationnel : vieux systèmes DCA (Osa), avions d’entraînements L-39, infrastructure de l’aérodrome.
D’une manière générale, il semble que les Russes n’aient plus grand chose à craindre de l’aviation ukrainienne, largement détruite. En revanche, les canons antiaériens ukrainiens, facile à disperser et dissimuler, sont encore nombreux.
Au total, donc, les Russes continuent à procéder comme depuis le début de l’opération: avancée lente, méthodique, en prenant progressivement en étau les villes au fur et à mesure que les territoires sont contrôlés. Les Kiéviens essayant à tout prix de porter le combat vers les villes, les Russes ont pour l’instant essayer de limiter les attaques aériennes sur les villes – Kharkov semble une exception.
Le conflit stratégique mondial
17h00: Le Ministère des Affaires étrangères chinois juge que la première responsabilité de la guerre incombe aux Etats-Unis et à l’OTAN. Les Chinois citent en particulier George Kennan (1904-2005), sans doute le plus brillant cerveau diplomatique de l’histoire américaine, qui avait averti le gouvernement américain, dans les années 1990, que l’expansion de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie serait une erreur lourde de conséquences.
18h00 : la piraterie occidentale continue. Le yacht du PDG de Rosneft Igor Setchin a été arraisonné et empêché de quitter le port de La Ciotat ce jeudi 3 mars.
19h00: le président ukrainien Zelensky est impatient d’avoir 15 000 mercenaires étrangers pour combattre contre les Russes. Ces derniers ont déjà repéré 200 Croates. M. K. Bhadrakumar commente laconiquement: “L’intervention américaine a commencé – sans troupes au sol”.
20h00: C’est de notre point de vue l’information la plus importante de la journée. Sergueï Narichkine, chef du service de renseignement extérieur russe (SRV) affirme avoir les preuves que l’Ukraine avait commencé à travailler à l’acquisition d’armes nucléaires propres. Les Américains l’auraient su sans l’empêcher. On progresse de plus en plus clairement vers l’identification du vrai déclenchement de la guerre: les Russes ne pouvaient accepter la renucléarisation de l’Ukraine. Le discours provocateur de Vladimir Zelensky, le 19 février 2022, à Munich, menaçant de déchirer le Mémorandum de Budapest (document garanti par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie, par lequel l’Ukraine, comme la Biélorussie et le Kazakhstan, renonçait à tout armement nucléaire) est ce qui a définitivement mis le feu aux poudres. En tout cas, les Etats-Unis seraient pris la main dans le sac, si ces informations sont confirmées. On ne peut pas vouloir empêcher l’Iran d’accéder à la bombe atomique et fermer les yeux quand il s’agit de l’Ukraine.
Anticipons déjà le discours des médias occidentaux, qui vont crier à la supercherie, infox etc….Cependant nous tenons là le noeud de toute la crise.
21h: Olaf Scholz réclame un cessez-le-feu en Ukraine. Il refuse l’entrée Ukraine et Géorgie dans l’UE. Il demande à Gerhard Schröder de démissionner de ses mandats dans des conseils d’administration russes. Le Chancelier allemand assure aussi qu’il n’y a jamais eu de plans d’installations de missiles de l’OTAN en Ukraine. Selon le mécanisme identifié par Arnaud-Aaron Upinsky dans La tête coupée, quand un politique se livre à ce genre de dénégation ostentatoire, c’est que le contraire est établi. Tout se passe comme si, devant la détermination de Moscou à faire la vérité sur l’accès de l’Ukraine à des outils militaires potentiellement menaçants pour la Russie, le camp occidental se sentait démasqué.
22h00: le conseil d’administration de Loukoïl dit souhaiter un arrêt rapide du conflit et des négociations.
23h00: le ministre allemand de l’Economie Robert Habeck annonce un effet en retour des sanctions sur l’économie allemande.
Petite vétille matinale: le poste frontière de Chop-Zahony jouxte le tripoint Hongrie-Slovaquie-Ukraine (il n’y a pas de frontière commune entre la Hongrie et la Pologne). Mais oublions ce détail, cette affaire d’armes lourdes est accablante. Qui sont les bouchers qui organisent ce genre de trafic: militaires ou mafieux ?
C’est peut-être un détail, mais les tenues vestimentaires des représentants Ukrainiens est surprenante. Ce sont vraiment des diplomates ou militaires de haut rang ayant mandat pour négocier ?
Connaissant le moteur de “l’animosité” des usa envers la Russie il est clair et transparent que jamais au grand jamais ils ne céderont dans les faits, j’insiste, DANS LES FAITS, aux exigences de Poutine.
Faut pas se bercer d’illusions. D’ailleurs je ne peux pas admettre que Poutine ne le sache pas et là il ne se révèle pas à la hauteur de ce qui pourrait être son rôle. On n’est plus en 1945-70. La diplomatie n’est plus qu’un théâtre d’ombres. L’ombre des multinationales et de l’impérialisme son bras armé.
Les raisons de cette “animosité” sont structurelles, vitales pour la partie nord americaine. Il s’agit d’un mécanisme inhérent à la substance de cette même société par ailleurs en situation de bête désespérée.
Ceci dit je me demande pourquoi Poutine joue au naïf, lui qui jouit pour le moment d’un avantage stratégique. Ne pas s’en servir c’est trahir.
Le futur de la civilisation européenne et de son versant democratique, sont dans les mains de Poutine. Ne pas vouloir un mal relativement moindre aboutira à ce que infailliblement ce Mal prenne, a très court terme, la main de partout.
La Chine… fait cavalier seul. Visiblement la Chine n’a pas vocation à sauver la civilisation occidentale, ni aucune autre que la sienne.
Sans prophétie, par l’observation et la reflexion, comprenne qui voudra, le pari est celui-ci.
Pourriez-vous être plus clair ?
Ne pas céder dans les faits, semble vouloir dire qu’ils accepteront un traité de démilitarisation de l’Ukraine mais s’attacheront à le contourner ensuite…
L’avantage stratégique de Poutine est qu’il dispose de missiles hypersoniques. Il en a déjà parlé. où est la naïveté ? D’ailleurs il s’en sert en agitant la menace d’une guerre nucléaire…
Qu’entendez-vous par “ne pas vouloir un mal relativement moindre” ?
” ils accepteront un traité de démilitarisation de l’Ukraine mais s’attacheront à le contourner ensuite…”
” L’avantage stratégique de Poutine est quil dispose de missiles hypersoniques… il s’en sert en agitant…”
Un mal moindre est celui qui dans une perspective hédoniste a moins de conséquences negatives ou alors sauve des valeurs telles la dignité la liberté la civilisation, par definition des valeurs ultimes et trans générationnelles.
Faut il juste “Vivre et Penser comme des porcs” ?!
La transcarpatie, est le territoire slovaque, que Brejnev à réquisitionné après la fin de deuxième guerre mondiale pour union soviétique. Et les ukrainienne ont oublié de le rendre une fois séparé et libre. bizarre comme comportement, faire passer événements sous le silence et gardé un territoire qui leurs ne appartient pas, et jamais ne étai le leur…