Face au chaos de l’administration Biden, la Cour Suprême reprend la main – par Jean Goychman

Face au chaos de l’administration Biden, la Cour Suprême reprend la main – par Jean Goychman


Partager cet article

Le gouvernement américain est à la dérive. Joe Biden tient des propos de plus en plus incohérents à chaque apparition médiatique mais l'establishment démocrate est terrorisé à l'idée que la très incapable Kamala Harris devienne présidente alors que la Russie est en train de gagner (sujet tabou) la guerre en Ukraine, que l'inflation augmente et les prix de l'énergie crèvent le plafond . Les élections de mi-mandat se rapprochent et l'on anticipe une large victoire des Républicains. En attendant, la Cour Suprême occupe le vide laissé par une administration démocrate à bout de souffle. On a beaucoup parlé de l'annulation de Roe v. Wade et de la restitution consécutive de la législation sur l'avortement aux Etats; mais les juges de la Cour s'intéressent en ce moment à bien d'autres sujets. A commencer par les risques de fraude électorale - une réalité qui a délégitimé d'emblée Joe Biden aux yeux (de la moitié) du peuple américain. Un phénomène qui ne doit plus jamais se reproduire.

Le 30 juin dernier, la Cour Suprême des Etats-Unis a décidé de s’emparer d’un problème devenu récurrent lors des élections de cette décennie. Avant de poursuivre, il est utile de rappeler les grands principes qui ont guidé la mise en œuvre du fédéralisme américain. Celui s’est fait au niveau des Etats, après d’âpres discussions et une guerre civile. C’est dire si les représentants des différents Etats sont vigilants sur ce sujet et surveillent avec un soin jaloux toute initiative qui irait à leur encontre. D’un autre côté, la mission première de la Cour Suprême et de « dire le droit » lorsque un litige se produit dans l’interprétation de la Constitution américaine.

Un processus souvent long

La souveraineté de chacun des Etats s’exprime au travers de leurs institutions, qui sont les mêmes d’un état à l’autre. Deux chambres d’élus, le Sénat et la Chambre des Représentants, élaborent et adoptent les lois qui sont de la compétence de chaque état. Naturellement, il se pose des cas où la limite de cette compétence peut prêter à interprétation. La Constitution américaine datant de plus de deux siècles, et même si elle fut l’objet de certains amendements, elle ne peut répondre dans sa rédaction à toutes les questions, et en particulier celles soulevées par des événements factuels. La réponse apportée par la Haute Cour est souvent très décalée dans le temps, et il arrive même que cette réponse soit motivée par des circonstances particulières qui peuvent affaiblir l’éventuelle jurisprudence, rendant alors de nouveaux recours nécessaires. Afin de les éviter, il arrive que la Cour Suprême prenne des arrêts de portée générale sur un sujet donné.

Un cas récurrent

Les Républicains ont toujours soutenu que seul l’état, au travers de ses propres lois, pouvait définir les modalités d’un scrutin, fut-il présidentiel. Les Démocrates, de leur coté, disent que c’est englobé dans la doctrine de l’indépendance des états, mais que c’est à la limite de la théorie conservatrice et que cela peut entraîner une remise en question des droits de vote.

Jusqu’à présent, la Cour Suprême n’avait eu une réponse qu’au « cas par cas » mais elle vient de prendre une décision qui généralisera les principes retenus. Au cœur de cette nouvelle action se trouve l’Etat d’Arizona. Dès le 09 novembre 2020, une partisane de Trump, Gini Thomas, avait demandé aux législateurs de « résister aux pressions médiatique » qui annonçaient la victoire de Biden alors que de sérieux doutes subsistaient. Elle affirmait que seuls eux avaient le pouvoir de désigner les futurs électeurs de l’Etat, ce que contestaient les partisans de Biden. A l’époque, la Cour Suprême ne l’avait pas suivi.

Une antériorité restée ignorée

Au mois de mai 2020, les Démocrates (minoritaires au Sénat et chez les représentants), avaient tenté de modifier la loi électorale de l’Etat de Caroline du Sud de façon à « simplifier » le vote par correspondance. Les Républicains ayant rejeté l’amendement, les Démocrates ont saisi la justice fédérale et le juge fédéral leur a donné raison. Les Républicains sont allés devant la Cour Suprême qui a invalidé le jugement :

Le résumé de cet acte peut être traduit ainsi :

« Cette décision était en contradiction directe avec les lois adoptées par l’Assemblée générale de Caroline du Sud, et aurait compromis la capacité à vérifier que les votes par correspondance soient effectués par des électeurs de bonne foi et dûment inscrits ».

Le principe de la primauté de l’Etat sur le Fédéral réaffirmé.

On aurait pu croire que ce jugement du 05 octobre 2020 allait pouvoir être exploité par les équipes de Trump après le vote du 03 novembre et les incertitudes qu’il soulevait, puisque cinq des six « Etats-bascule » étaient dans ce cas. Or, assez bizarrement il n’en fut rien et les équipes de Trump ne bougèrent pas

Le 07 janvier 2021, j’avais écrit :

Le juge Cavannaugh lui-même s’en est étonné. Pourquoi les équipes de Donald Trump, alors même qu’au moins cinq des six « états-clé » étaient strictement dans le même cas, n’avaient pas sauté sur cette opportunité en or massif ? Ils avaient pourtant là une décision inattaquable de la Cour suprême qui aurait pu leur permettre d’annuler toutes les élections de ces états. Il fallait simplement que leurs Assemblées générales respectives imitent la démarche de celle de Caroline du Sud. De majorité républicaines, celles-ci avaient toutes les raisons du monde de saisir la Cour suprême, d’autant plus que les attendus de cette dernière réaffirment un principe intangible qui est la primauté de la loi de l’Etat sur la loi fédérale.

Pourquoi la réponse de la Cour Suprême est d’une importance capitale ?

Dans le contexte actuel qui est celui d’une clarification des pouvoirs respectifs entre les états et les lois fédérales, la Cour Suprême ne peut que confirmer ce qu’elle énonce avec constance sur cette hiérarchie des pouvoirs. Il est très improbable que le futur arrêté fasse l’objet d’une rétro-activité qui remettrait en question les votes des états-bascule, ce dont on ne peut imaginer les conséquences, mais les Démocrates, qui se sentent particulièrement visés ont déjà réagi.

Hillary Clinton a pris les devants dans un tweet :

@HillaryClinton

The Supreme Court’s decision to hear a case next term that would give state legislatures huge power over elections is the biggest threat to our democracy since January 6.

La décision de la Cour Suprême d’examiner prochainement ce qui pourrait donner aux législatures des états une puissance énorme sur les élections est la plus grande menace sur notre démocratie de puis le 06 janvier.

L’avocat du parti démocrate Marc Elias a, de son coté, déclaré:

“The Supreme Court will hear a case next term that may validate the dangerous independent state legislature theory. Congress must enact comprehensive voting rights and anti-subversion legislation before it’s too late,” he wrote, adding “the future of our democracy is on the docket.”

La décision de la Cour Suprême d’examiner cette question prochainement peut valider la dangereuse théorie de la suprématie de la législature des états. Le Congrès doit promulguer des droits électoraux faciles à comprendre et une législation anti-subversive avant qu’il ne soit trop tard.C’est l’avenir de notre démocratie qui est en jeu.

L’émoi des Démocrates témoigne de leur fébrilité et ils n’hésitent pas à invoquer l’avenir de la démocratie américaine. On comprend toute l’importance ce cette décision qui risque de jeter un certain trouble sur les élections de 2020 et attiser encore une opinion pas franchement convaincue de leur résultat. De plus, cela supprimera une potentielle cause de fraude électorale.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

Elise Rochefort a évoqué pour nous les controverses officielles sur l'emploi du temps de Dick Cheney le 11 septembre 2001. Peter Dale Scott, diplomate canadien devenu professeur à l'Université Berkeley, en Californie, a prétendu documenter le contexte de cette affaire explosive. Et voici les thèses qu'il a défendues, accompagnées de leurs critiques, bien entendu... Peter Dale Scott (né en 1929) représente une figure intellectuelle singulière et complexe dans le paysage académique nord-améri


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Que faisait feu Dick Cheney le 11 septembre 2001 ? par Elise Rochefort

Que faisait feu Dick Cheney le 11 septembre 2001 ? par Elise Rochefort

Le 11 septembre 2001, le vice-Président de George W. Bush, Dick Cheney, décédé cette semaine, fait face seul ou presque au traumatisme du polyterrorisme qui frappe les USA. Mais qu'a-t-il fait au juste ? Près de vingt-cinq plus tard, voici le point des zones d'ombre et de controverse. L'analyse du rôle joué par le vice-président Richard "Dick" Cheney le 11 septembre 2001 est essentielle pour comprendre la réponse du gouvernement américain à la crise et l'évolution ultérieure de l'autorité e


Rédaction

Rédaction

Amis de la liberté : cessez d'être les idiots utiles du système, faites sécession !

Amis de la liberté : cessez d'être les idiots utiles du système, faites sécession !

La démocratie parlementaire se meurt dans le jeu des partis. Mais sommes-nous impuissants face à ce naufrage ? Et sommes-nous vraiment condamnés à attendre les prochaines élections ? Soyons lucides. La France n’est pas une démocratie libérale ; c’est un Moloch administratif, une machine à broyer l’individu sous le poids de la norme, de la taxe et de la morale collective. Depuis des décennies, les libertariens français s’épuisent dans un combat politique qui ressemble à une farce tragique. I


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Doctolib: le “macronisme sanitaire”condamné pour abus de position dominante

Doctolib: le “macronisme sanitaire”condamné pour abus de position dominante

Sanctionné pour abus de position dominante, Doctolib voit enfin sa toute-puissance mise à nu. Derrière la success story encensée par Macron pendant la crise sanitaire, se cachait une machine à enfermer les praticiens, les patients et la concurrence. L'Autorité de la concurrence vient d'infliger une amende salée à Doctolib, le géant de la prise de rendez-vous médical. Cette sanction pour abus de position dominante révèle des pratiques d'exclusivité et d'acquisitions prédatrices choquantes. Plus


Rédaction

Rédaction