Les deux mâchoires du totalitarisme post-démocratique – par François Martin

Les deux mâchoires du totalitarisme post-démocratique – par François Martin


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Le traitement politico-médiatique de la crise du Covid, celui de la guerre ukrainienne, les injonctions qui justifient l'écologie radicale ou le wokisme, sont autant d'actions politiques qui poussent, sous couvert de démocratie, à la mise en place d'une nouvelle forme de société totalitaire post-moderne, qui complète et renforce le mondialisme, ce libéralisme dévoyé. Les principes en sont le détournement à la fois de la liberté et de la protection.

Les évolutions politiques (1), économiques, financières et technologiques (2) modernes ont créé deux monstres politiques qui se rejoignent et s’hybrident, deux « mâchoires » qui se referment  aujourd’hui sur les citoyens :

 

Le mondialisme, règne des forts sur les faibles

L’une est le mondialisme, d’origine anglo-saxonne. Il a détourné la liberté, en mettant les hommes au service de la liberté, et non la liberté au service des hommes. En faisant de la liberté un absolu dont les hommes doivent être les esclaves, il a gravé dans le marbre le principe de la domination des forts sur les faibles. Puisque dans un tel système, la prééminence des forts conduit au renforcement de leur pouvoir politique, il est ainsi institué une forme particulière de société oligarchique.

Mais le principe d’une domination de l’oligarchie n’est pas suffisant pour créer une organisation sociale complète. En effet, l’Homme se sent obligé de répondre, depuis la Genèse, à la question que Dieu pose à Caïn « Qu’as-tu fait de ton frère ? ». Ainsi, chaque être humain sent instinctivement, au plus profond de lui-même, que le principe de domination des forts est insatisfaisant, et que la justice sociale, le besoin de protection, à travers l’Etat qui en est le garant, sont nécessaires (3). Il faut donc, pour compléter le totalitarisme libéral, une deuxième « mâchoire », avec laquelle il puisse former une « sorte » de société, telle qu’elle assume, au moins en apparence, le besoin de protection.

 

L’Etat totalitaire

Celle-ci s’est formée à partir, cette fois, des idées françaises, exprimées par Jean-Jacques Rousseau dans le célèbrissime « Du contrat social » (4). On en trouve la traduction contemporaine à la fois dans la contre-culture américaine des années 60 (5) et dans le communisme étatique chinois. Ces courants de pensée ont eu pour but de détourner la protection, en mettant les hommes au service de la protection collective, et non la protection au service des hommes. En faisant de la protection un autre absolu, dont les hommes doivent, ici aussi, être les esclaves, et dont l’Etat doit être le garant, les promoteurs de cette « nouvelle société » ont ainsi gravé dans le marbre, de la même façon, le principe du droit de l’Etat à imposer l’obéissance radicale aux peuples, sous prétexte de protection. Ce principe constitue une forme moderne d’Etat totalitaire.

 

Oligarchie et lobbies

Ces deux dominations, celle de l’oligarchie et celle de l’Etat, se répondent et se complètent (6), parce que l’oligarchie nourrit l’Etat, en lui donnant ses cadres supérieurs et ses pratiques, et l’Etat, à son tour, protège la société oligarchique, en lui offrant une sorte de justification, tout en veillant à ses intérêts. La société oligarchique, essentiellement injuste, appelle à la nécessité d’un État, même si cet Etat dévoyé n’est qu’un alibi. Ce sera un « Etat-lobby », au service des oligarchies contre les peuples, et non pas un « Etat-nation », chargé, par l’application véritable de l’ordre et de la justice, de rééquilibrer le rapport forts/faibles, naturellement déséquilibré en faveur des forts, et de former l’unité sociale autour de la justice. L’Etat, par les paroles en faveur des faibles, mais les actes en faveur des forts, se donne ainsi une fausse légitimité sociale. Par ailleurs, l’Etat et l’oligarchie maintiennent un entre-soi, tel que l’Etat sera toujours dirigé par les mêmes, et que la consanguinité des élites favorise leur pérennité, leur discours auto-justificatif et leur enrichissement mutuel. Dans ce modèle, on reconnaîtra nombre de systèmes politiques « démocratiques » d’aujourd’hui. Ils paraissent démocratiques, en réalité, ils ne le sont pas.

 

L’aubaine du COVID

Dans les pays occidentaux, déjà fortement gangrenés par les oligarchies mondialistes issues du détournement de la liberté, la crise du Covid a offert, d’un seul coup, une nouvelle et exceptionnelle opportunité pour justifier une politique de protection poussée à l’extrême, jusqu’à en faire un principe intangible. Par le traficotage des statistiques, la dramatisation permanente, les Etats complices des oligarchies mondialistes (7) ont faussé la vérité et absolutisé la protection. Ils ont exacerbé la peur, et imposé confinement et contrôle social, selon le modèle chinois. Ils ont surtout, aux yeux d’une large partie de l’opinion, justifié la contrainte. La guerre d’Ukraine, là aussi par la peur entretenue, nous entraîne dans la même direction. Nul doute que, le moment venu, comme lors du Covid, le principe de protection collective justifiant la contrainte sera appliqué strictement, pour restreindre les modes de vie et les libertés, alors que les conséquences ne sont pas celles de la guerre, mais du laxisme monétaire antérieur et de l’effet boomerang des sanctions que nous avons prises. Par ailleurs, le « sauvetage de la planète » et le « wokisme » permettent, en contrepoint de l’action de l’Etat, d’imposer l’idée que les « choix » collectifs qu’ils prônent, prétendûment au nom de l’humanité toute entière, sont impératifs et contraignants, et même vitaux (8).

 

Le Léviathan du XXIè siècle

Les deux « mâchoires » de ce totalitarisme moderne, celle du détournement de la liberté, et celle du détournement de la protection, aujourd’hui se rejoignent, les deux « monstres » s’hybrident, formant une seule entité redoutable. Cette évolution se produit sous nos yeux.

Ceci a été rendu possible par la généralisation du matérialisme, promue par les élites et les chefs, et acceptée trop souvent par les peuples. En effet, ce matérialisme a fait oublier la dignité intrinsèque de l’Homme, et sa supériorité sur la nature et sur tout le reste, et même sur les valeurs (9), comme la spiritualité chrétienne l’enseigne depuis 2000 ans. Car c’est bien sur ce principe (10) qu’a été fondée notre civilisation. Dès que l’homme n’a plus la conscience du fait qu’il est cet « être supérieur » créé par Dieu, il est alors facile d’entretenir dans son esprit la confusion, et de faire de lui un individu seul et apeuré, auto-rabaissé, esclave de la nature et de valeurs imposées par d’autres, alors que la nature et les valeurs doivent exister pour son service, pour lui permettre de grandir dans sa confiance en lui, sa sagesse et sa dignité.

La loi dite du « passe vaccinal », votée en Janvier 2022 pour supposément mieux protéger les français contre le risque sanitaire, s’inscrivait exactement dans ce schéma d’abaissement de l’Homme, par la réduction de sa liberté, et même, paradoxalement, de sa protection, parce que le but recherché par l’Etat n’était pas, en réalité, la protection, mais la domination. Au delà de la question purement sanitaire, l’objectif était, comme beaucoup l’ont compris, de rejoindre, sans le dire, le modèle d’Etat chinois, afin de compléter et de consolider la société oligarchique mondialiste déjà mise en place et en pleine croissance, du fait des nouvelles opportunités offertes par la modernité. Le crédit social, dont il est question, n’est que l’un des aspects d’une stratégie politique, un « système », beaucoup plus large et ambitieux.

Cette « crise sanitaire » a été à la fois un laboratoire et une porte d’entrée, assez extraordinaire, à dire vrai (et très bien exploitée !), pour mettre en place un tel « système », conforme tant aux admirateurs de Bill Gates et Soros qu’à ceux de Mao. Pour éviter cette dérive, il est nécessaire, en refusant le matérialisme aujourd’hui généralisé, de revenir à une forme d’Etat, un « Etat-nation » qui joue véritablement son rôle de justice, et aussi à une conception spiritualiste et chrétienne de l’Homme conforme à sa dignité, et à son besoin légitime à la fois de liberté et de protection, une vraie liberté et une vraie protection. Cette conception de l’Homme fait partie de notre culture et de notre civilisation occidentale. Elle en est même l’ADN.

Il faut remarquer que la présente guerre d’Ukraine constitue, par rapport à une telle dérive, une « pierre d’achoppement », dans la mesure où s’opposent, à travers ce conflit, une conception progressiste et mondialiste d’un côté (celle qui procède, via les pseudo- démocraties occidentales, d’une telle dérive totalitaire), et une conception conservatrice, plus traditionnelle et nationale de l’autre (défendue par la Russie) (11). Il n’est pas douteux que si les russes gagnent cette guerre, le totalitarisme mondialiste actuellement au pouvoir aux USA et répandu en Europe aura du plomb dans l’aile. Dans le cas contraire, si ce sont les occidentaux qui l’emportent, il n’aura plus de limites. L’enjeu de ce conflit est donc fort important, mais l’avenir, même proche, n’est pas encore écrit.

François Martin

(1) Surtout dans son aspect de propagande « militarisée » à travers des agences para-étatiques, telles que décrites, dans ses derniers articles, par Eric Verhaeghe.

(2)Et en particulier le numérique

(3)Si nous sommes issus de la nature, « notre » monde n’est pas celui de la nature, où le principe de la domination des forts est absolu. Nous avons besoin d’autre chose, nous sommes autres, un sujet spécifique et supérieur, et non un objet naturel parmi d’autres.

(4)Qui est en réalité une religion civile, et non pas un contrat social.

(5)Par la généralisation de l’injonction idéologique collective, qui ostracise les « non pratiquants ». « Peace and love » n’était pas l’expression d’une liberté revendiquée par certains, mais une obligation impérative, partie d’un nouveau « contrat social » supposé s’imposer à tous. A l’époque, cet impératif restait relativement masqué. Avec le « sauvetage de la planète » ou le wokisme, il ne l’est plus. On n’a plus le droit de ne pas être d’accord.

(6)Nous avons ainsi affaire, ce que beaucoup ne comprennent pas, à des systèmes à la fois libéraux et

(7)Outre le gigantesque hold-up économique que constitue l’imposition des vaccins !

(8)Et passibles, en cas de refus, de mort sociale. De mort physique même, dit explicitement Jean-Jacques Rousseau.

(9)Puisque rien ne devrait justifier que l’on tue les hommes du seul fait qu’ils désobéissent à ces valeurs

(10) Même si les hommes ne l’ont pas toujours respecté…


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