Ce que nous dit le ratio tués/blessés du côté des Ukrainiens sur les opérations militaires en cours

Ce que nous dit le ratio tués/blessés du côté des Ukrainiens sur les opérations militaires en cours


Partager cet article

On peut discuter sur les chiffres donnés par le Général Choïgou en ce qui concerne les pertes respectives des Russes et des Ukrainiens. Mais il y a un point frappant dans les chiffres sonnés: le ratio tués/blessés chez les Ukrainiens est atypique (supérieur à un). Même si l'on suppose que Choïgou minore les pertes russes et majore les pertes ukrainiennes, c'est un professionnel, il n'a aucune raison d'inventer un ratio atypique concernant l'armée ukrainienne. Du coup, il en révèle beaucoup sur les opérations militaires en cours.

Les généraux en guerre ne disent pas toujours la vérité sur les pertes que subissent leur armée et sur celles de l’adversaire. Il est courant de minorer ses propres pertes et de majorer celles de l’adversaires. Et ce matin le Général Choïgou a donné des chiffres étonnants pour les pertes des deux camps. 

Je me contenterai ici de faire remarquer que la BBC a donné, il y a quelques jours, un chiffre de pertes militaires  russes (environ 6000 morts) très proche de celui de Choïgou – en précisant qu’il s’agissait des pertes officiellement recensées par le commandement militaire russe.  Beaucoup d’observateurs ont ajouté, à juste titre que ce chiffre ne comprend ni les morts des armées républicaines du Donbass. ni celles des bataillons Wagner. 

En ce qui concerne les Ukrainiens, on remarquera que Choïgou donne un chiffre dix fois plus important: 60 000 tués. Même si l’on admettait que le nombre de tués du côté russe soit le double en incluant les troupes républicaines de Donetsk et de Lougansk, on arriverait encore à un ratio d’un pour cinq entre le nombre de tués des troupes alliées et celui des troupes kiéviennes. 

 

Un ratio ukrainien tués/blessés qui est atypique

En réalité, c’est un autre chiffre qui est plus étonnant. Le général Choïgou parle d’environ 50 000 blessés ukrainiens. Ce qui porte le chiffre des soldats mis hors de combat à 110 000. Ce chiffre va dans la même direction que des révélations faites depuis juin, faites entre autres celles d’un conseiller de Zelensky. 

Cependant, un chiffre devait attirer l’attention: le ratio tués/blessés est atypîque. Je ne crois pas que les historiens de la guerre ni les militaires de métier me contrediront si je dis qu’on trouve fréquemment un ration d’un tué pour trois blessés dans une guerre moderne. Or les chiffres donnés par Choïgou donne un ratio supérieur à un! Là encore, je ne crois pas me tromper en disant qu’un ratio de ce type est anormal dans une guerre contemporaine. 

Le Général Choïgou peut avoir intérêt à minorer les pertes russes et majorer les pertes ukrainiennes. Mais s’il avait totalement fabriqué les chiffres, il aurait proposé un ratio de toute façon inférieur à 1, voire à 0,5.  On peut ne pas aimer le Ministre de la Défense russe, mais personne ne lui contestera son professionnalisme. Il y a donc un constat: l’armée ukrainienne a plus de tués que de blessés. 

Comment l’expliquer? 

Dans les chroniques de la Guerre d’Ukraine que je propose plusieurs fois par semaine pour le Courrier des Stratèges, j’ai plusieurs fois attiré l’attention sur deux réalités: 

+ depuis le début du printemps, Kiev a envoyé vague après vague de recrues insuffisamment formées, qui ont été des cibles immobiles pour l’artillerie russe. On a affaire, en réalité, à un véritable carnage! 

++ l’armée ukrainienne prend peu soin de ses blessés. De nombreux blessés ukrainiens sont morts faute d’être récupérés et transportés dans des hôpitaux. 

 

Ce que nous révèlent les chiffres

Les conclusions que je tire de ces constats, sont les suivantes: 

– l’Etat ukrainien mène encore une guerre du XXè siècle, où l’on n’a aucun souci de protéger la vie des soldats. On a affaire à une sorte de répétition folle, un siècle après, de l’envoi au front des armées de 1914-1918. 

– Au contraire, la Russie, qui a tiré les leçons des grandes hécatombes communistes et des guerres mondiales, a un souci premier: limiter les pertes. La stratégie russe moderne est, de ce point de vue, complètement différente de celle de l’armée tsariste ou de l’armée soviétique. 

– On pourrait s’étonner que l’Ukraine, qui a connu les guerres mondiales et le communisme et en a autant souffert que la Russie, n’en tire pas les mêmes conclusions. En réalité, les chiffres des pertes ukrainiennes nous révèlent que l’Ukraine n’est pas – contrairement à ce dont les opinions occidentales veulent se persuader – une communauté nationale solidaire, dont les chefs et la population agiraient solidairement. A Kiev, on se moque des pertes militaires pourvu que l’on puisse conserver les privilèges issus de trente ans d’affairisme et du coup d’Etat de Maïdan. 

– Que les USA se fichent d’une guerre entre Européens n’est pas surprenant. En revanche que les responsables des Etats-membres et des institutions de l’UE aient détourné Zelensky de chercher un accord avec la Russie, c’est non seulement impardonnable mais cela signe l’arrêt de mort de l’Union Européenne. L’UE a trahi sa mission. Elle encourage, depuis des mois, la mort quotidienne de centaines de soldats ukrainiens, qui se battent pour prolonger une guerre dont on avait vu, dès la fin mars, que l’armée ukrainienne ne pouvait pas la gagner. 

Prenons les chiffres donnés par Choïgou et corroborés par d’autres sources au sérieux. Ils nous disent l’immense souffrance du peuple ukrainien et l’indigne comportement de dirigeants européens qui envoient se faire tuer des dizaines de milliers d’Ukrainiens sans avoir un remords. Par comparaison, nos chefs en 1914, avaient des scrupules qui les honorent. 


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
220 ans après, la France pourrait-elle encore gagner une bataille d’Austerlitz ? par Veerle Daens

220 ans après, la France pourrait-elle encore gagner une bataille d’Austerlitz ? par Veerle Daens

Ce matin, en regardant la Dyle par la fenêtre de mon bureau, je cherchais le fameux "Soleil d’Austerlitz". Vous savez, cet astre mythique qui, le 2 décembre 1805, perça le brouillard pour éclairer le plus grand triomphe du Petit Caporal. Mais en regardant vers le sud, vers ce cher voisin français qui fut jadis notre suzerain, je n’ai vu qu’un épais nuage de formulaires Cerfa, de dette publique et de déprime collective. C’est un triste anniversaire, n’est-ce pas ? Il y a 220 ans, la France était


CDS

CDS

Musk prédit la liberté du travail... grâce à l'IA

Musk prédit la liberté du travail... grâce à l'IA

Elon Musk , l'homme le plus riche du monde, prédit un monde où le travail deviendrait facultatif grâce à l’IA, promettant revenu universel et abondance. Le marché de l’emploi est à la croisée des chemins : entre l’émancipation par l’innovation et l’asservissement par la rente. L’annonce d’Elon Musk selon laquelle, d’ici 10 à 20 ans, « le travail deviendra facultatif » et que « l’argent perdra de son importance » a fait l’effet d’un pavé dans la mare. Alors que l’IA générative redessine déjà les


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Faut-il sacrifier nos enfants pour sauver le régime corrompu de Zelinsky ? par Thibault de Varenne

Faut-il sacrifier nos enfants pour sauver le régime corrompu de Zelinsky ? par Thibault de Varenne

À Paris, dans une atmosphère de fin de règne, le Président Macron rappelle son soutien à Vladimir Zelensky, "président" ukrainien. Le chef d'état-major des armées, le général Fabien Mandon, prononce devant les maires de France des mots d'une gravité sépulcrale, nous enjoignant d'« accepter de perdre nos enfants ». À Kiev, presque simultanément, le château de cartes de la « vertu » ukrainienne s'effondre avec la chute d'Andriy Yermak, le véritable maître de l'Ukraine, emporté par un scandale de c


Rédaction

Rédaction

Correction sur les cryptos : attention aux Bitcoin Treasury Companies (BTC)!
Photo by Erling Løken Andersen / Unsplash

Correction sur les cryptos : attention aux Bitcoin Treasury Companies (BTC)!

C’est parce que notre portefeuille Barbell inclut 2,5% de cryptos, placées en bitcoin à 70% et détenues en direct, que nous devons sonner l’alerte contre les stratégies de hedging (couverture) qui refleurissent chaque fois que les actifs numériques piquent du nez, comme ce fut le cas en novembre. A l’heure où le Luxembourg annonce placer en bitcoin (principalement en ETF) 1% de son Fonds souverain intergénérationnel et la Banque centrale de Tchéquie ajouter des cryptos à son bilan, nous auri


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT