La stratégie Koutouzov: Sergueï Choïgou ordonne au Général Sourovikine de se retirer des territoires tenus sur la rive droite du Dniepr

La stratégie Koutouzov: Sergueï Choïgou ordonne au Général Sourovikine de se retirer des territoires tenus sur la rive droite du Dniepr


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Le Ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a ordonné au commandant en chef des troupes russe, le général Sourovikine de se retirer de Kherson et des territoires tenus au nord du Dniepr. Contrairement à ce qu'affirment de nombreux commentateurs, ce n'est pas le résultat d'une offensive ukrainienne victorieuse. C'est un retrait préparé depuis plusieurs semaines par le nouveau commandant en chef, qui sait que tout l'effort militaire OTANo-ukrainien porterait sur cette excroissance de la ligne de front, alors que le Dniepr représente une ligne naturelle de défense, d'où lancer de nouvelles offensives quand l'ennemi se sera épuisé. Il ne faut jamais oublier la constance de la stratégie russe à travers les générations: la doctrine Koutouzov. Il faut toujours se méfier quand l'armée russe se retire de manière ordonnée d'un territoire que l'adversaire pense trop vite "avoir conquis". Autant, le départ d'Izioum puis de Liman, il y a quelques semaines, semblait décidé sous la pression, autant on peut invoquer les constantes de la stratégie russe dans le cas de Kherson, puisque le général Sourovikine avait annoncé dès son arrivée qu'une "décision difficile" serait prise concernant Kherson. On l'a vu se déployer: l'évacuation des civils a précédé le retrait des troupes.

⚠️#Ukraine – Front Sud : retrait🇷🇺 planifié de la rive Nord du Dniepr
Kherson et les communes adjacentes ne peuvent pas être approvisionnées correctement
L’option prise par l’état-major🇷🇺 est d’organiser la défense le long du Dniepr
+115 000 civils ont quitté la zone des combats pic.twitter.com/zicIiWQOuo

— Jacques Frère (@JacquesFrre2) November 9, 2022

Nous reviendrons en détail, dans notre prochain bulletin, sur ce que les médias occidentaux appellent déjà la « défaite de Kherson ». La carte et les commentaires de Jacques Frère, sur son compte twitter, permettent de comprendre ce qui est en jeu.

Les Russes sont en terrain plat et découvert, exposé à une offensive massive ukrainienne – si l’armée kiévienne en était encore capable. L’alternative pour eux est de faire sauter les ponts, voire le barrage hydroélectrique de Khakovka, comme nous en parlions hier.

Plutôt que de s’épuiser à défendre ce terrain exposé, le commandement russe préfère se retirer de l’autre côté du Dniepr, selon une ligne de défense naturelle.

En attendant, bien entendu, de pouvoir passer à l’offensive, puisque nous sommes en territoire russe, désormais!

Il s’agit d’éviter de créer une cible pour l’armée ukrainienne, qui a tendance à rassembler toutes ses forces de ce côté, pour obtenir -éventuellement une victoire spectaculaire. (On remarquera que la victoire en question attendue avant les mid-terms, n’est pas venue car les Russes ont repoussé toutes les tentatives d’offensives). Cet autre tweet de Jacques Frère fait bien comprendre les difficultés ukrainiennes:

⚠️#Ukraine – Front Sud
▶️L’assaut sur Snigirevka s’est soldé par un échec pour les forces🇺🇦 qui n’ont même pas réussi à atteindre le Nord du village
➡️Avec de lourdes pertes en blindés et en personnel, les assaillants ont regagné leurs positions de départ pic.twitter.com/vc65oIUHLR

— Jacques Frère (@JacquesFrre2) November 9, 2022

La stratégie Koutouzov

A quoi bon, du point de vue russe, dépenser des forces disproportionnées à défendre un territoire exposé quand on peut, à la Koutouzov, abandonnant temporairement Moscou à Napoléon, battre en retraite pour mieux revenir ensuite.

Cela fait plusieurs semaines que les Russes ont organisés l’évacuation des habitants de Kherson (80 000 personnes ont quitté leurs habitations). De la sorte il ne se reproduira pas ce qui s’est passé dans la région de Kiev ou dans la région de Kharkov: les exactions de l’armée ukrainienne contre les « Ukrainiens collaborateurs ». En même temps, à quoi servira, pour les Ukrainiens, une région privée de ses habitants? Sinon à s’exposer bien visiblement aux frappes russes. Ajoutons que les Russes, qui pensent à l’après, préfèrent ne pas avoir à détruire le territoire – par une inondation massive par exemple.

En fait, la stratégie russe est constante, depuis deux siècles. Mais j’observe que non seulement les experts occidentaux mais aussi de nombreux experts russes ou russophones, parlent de défaite terrible, d’humiliation pour la Russie etc….

Rappelons-nous que tout abandon apparent « de Moscou » à l’adversaire est gros d’un incendie dévastateur pour ce dernier. Et attendons de voir la suite des événements.


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