Briefing : la constitutionnalisation du droit à l’IVG, une opération réussie d’astroturfing

Briefing : la constitutionnalisation du droit à l’IVG, une opération réussie d’astroturfing


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Si vous voulez comprendre comment fonctionne la "fabrique du consentement" dans le paysage politique français contemporain, et si vous avez aujourd'hui quelques minutes à perdre pour ce sujet secondaire qui consiste à démasquer les techniques d'influence utilisées pour faire avaler des couleuvres au kilomètre et avec le sourire, je vous recommande tout particulièrement d'observer les mécanismes bien rodés qui ont permis le vote, hier, en première lecture, à une écrasante majorité de la proposition de loi constitutionnalisant l'interruption volontaire de grossesse. Il s'agit d'une très belle opération d'astroturfing.

Alors qu’officiellement l’opinion publique n’a jamais été aussi fragmentée, voire archipellisée, au point que le texte sur l’interdiction de la corrida présenté par Aymeric Caron a dû être retiré des débats hier (la France Insoumise accusant la majorité LREM d’obstruction pour avoir déposé 500 amendements de concert avec le RN, ce qui ne manque pas d’air si l’on se souvient de la capacité de LFI à pratiquer cette méthode jusqu’à plus soif), le groupe de Jean-Luc Mélenchon est parvenu à rallier à lui 337 députés, sur un total de 577, dont 387 votants. Voilà une belle performance qui montre que, quand on s’y prend bien, il est possible, même dans une Chambre introuvable, de constituer des majorités solides.

Pour y parvenir, les lobbies favorables à l’IVG ont réalisé une belle opération d’astroturfing, c’est-à-dire d’influence de l’opinion fabriquée de toutes pièces, dont la réalisation constitue, pour les écoles d’intelligence économique, une sorte de cas d’école absolument parfait.

L’astroturfing commence par l’invention d’une menace et d’un ennemi imaginaires

On se souvient du trouble qu’a semé, en juin, le revirement de la Cour Suprême américaine sur la reconnaissance de l’avortement comme droit constitutionnel aux USA. Dans la pratique, nous l’avions souligné, la Cour Suprême américaine n’avait certainement pas remis en cause le droit à l’avortement outre-Atlantique, mais elle avait décidé qu’il relevait de la législation de chaque État. C’est, au fond, la situation qui existe en France et en Europe.

Il n’en fallait pas plus pour que les lobbies pro-avortement ne s’inquiètent de voir l’effet cliquet des droits sociétaux remis en cause. Preuve était faite que, même dans les Etats-Unis de Biden, des « avancées » légales jugées essentielles au « progrès humain » pouvaient revenir en arrière.

Ces lobbies se sont donc appuyés sur le cartel de la presse subventionnée pour forger de toutes pièces la peur d’un raz-de-marée conservateur qui pourrait, du jour au lendemain, remettre en cause le droit à l’avortement.

Si vous cherchez un bel exemple de ce type de forgerie, lisez l’article du Monde, parfait exemple de désinformation, consacré au sujet. Il s’agit d’une interview de Sylvie-Pierre Brossolette, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre hommes et femmes (si, si, ça existe, avec l’argent de vos impôts…), qui expose en quelques lignes l’exercice d’astroturfing auquel nous venons d’assister.

Cette présidente nous dit donc sans aucune afféterie :

Dans la période incertaine que nous traversons sur le plan politique, on ne sait pas quels peuvent être les nouveaux équilibres qui se dessinent à l’Assemblée nationale et au Conseil constitutionnel, garant de la constitutionnalité des lois. Une nouvelle majorité, marquée par un conservatisme certain et une vision rétrograde des droits des femmes, notamment du droit à l’avortement, pourrait arriver au pouvoir. En conséquence, des membres hostiles à cet acquis majeur pourraient être nommés au Conseil constitutionnel. Ceux qui disent qu’il n’y a pas de risque de régression sur ce sujet en France ont tort.

Si l’on traduit cette sortie extravagante, on obtient ici la manuel de la parfaite conduite d’une société par la caste :

1° la menace contre le droit à l’avortement n’existe pas encore

2° mais il faut quand même s’y préparer

3° une majorité dans l’opinion pourrait vouloir remettre en cause le droit à l’avortement

4° ce droit doit exister même si la majorité de la société s’y oppose

5° il faut donc l’inscrire dans la Constitution pour être sûr que ce droit subsistera malgré tout

On ne pouvait mieux exprimer la haine du suffrage universel qui anime la caste aujourd’hui : fabriquer une société fondée sur des principes que le suffrage universel ne peut remettre en cause. Et, pour y parvenir, il faut inventer une menace de toutes pièces, contre laquelle il faut se préparer.

On retrouve ici l’agenda de la peur qui est utilisée avec tant d’abus depuis 2020 pour nous faire rentrer au forceps et au pas de course dans le capitalisme de surveillance qui, lui, n’est pas une menace en l’air, mais une réalité concrète. La crainte d’une « majorité conservatrice opposée au droit à l’avortement » qui arriverait au pouvoir est ici agitée de toutes pièces pour justifier l’adoption de mesures de protection contre le suffrage universel et son issue.

L’invention d’une majorité favorable à l’avortement

Ne reculant devant aucun paradoxe ni aucune contradiction, les membres du lobby pro-avortement utilisent un autre argument caractéristique des opérations d’astroturfing pour convaincre l’opinion de leur bon droit et de la nécessité absolue d’adopter un dispositif qui empêchera tout retour en arrière sur leurs « conquêtes » : la preuve sociale. On se souvient que la « social proof » est l’arme favorite préconisée par les services chargés des campagnes d’influence.

Dans la pratique, la preuve sociale consiste à influencer les esprits en utilisant des experts reconnus pour dire le bien et le vrai ou, à défaut, pour expliquer que « tout le monde pense ça », sauf les complotistes et les fascistes, bien entendu.

Reprenons l’interview de Sylvie-Pierre Brossolette dans le quotidien de Xavier Niel pour voir comment elle s’y prend pour propager ses idées :

Qu’une telle majorité ait été atteinte à l’Assemblée nationale reflète le consensus que suscite cette mesure au sein de l’opinion.

Avant de nous expliquer qu’une majorité conservatrice hostile à l’avortement est à nos portes, la présidente du Haut Conseil à l’égalité nous affirme donc qu’il existe un consensus dans l’opinion sur la constitutionnalisation du droit à l’avortement.

Bref, pour réussir son opération d’astroturfing, la caste mondialisée explique tantôt que tout le monde est pour la constitutionnalisation de l’IVG, tantôt qu’une majorité conservatrice est imminente et pourrait contester le droit à l’IVG. Ce genre d’incohérence fait partie de la doctrine habituelle, d’autant plus facile à propager qu’elle repose sur la complicité du cartel de la presse subventionnée : les « journalistes de confiance » que la caste entretient pour défendre ses intérêts prennent bien garde à ne jamais pointer les contradictions de l’argumentaire forgé pour manipuler l’opinion.

Le bannissement comme arme suprême

Bien entendu, pour compléter cette forgerie, il ne suffit pas d’inventer un ennemi, ni d’inventer une majorité pour lutter contre lui, il faut diaboliser toute forme d’opposition, en la transformant en dissidence.

C’est évidemment ce à quoi les lobbies pro-avortement se sont employés, en dénonçant par avance l’action néfaste des lobbies anti-avortement. Cette diabolisation a parfaitement fonctionné, puisque Marine Le Pen, pour sortir du dilemme, a prononcé un amendement constitutionnalisant l’avortement jusqu’à 14 semaines. La peur d’être rejetée dans la dissidence et dans les amalgames avec « le pire », a fait son oeuvre.

Là encore, Sylvie-Pierre Brossolette n’a pas dit autre chose dans son interview au Monde :

Nos responsables politiques, en particulier de droite, seront intéressés de savoir que parmi les 11 % de personnes hostiles (8 % ne se prononcent pas), seuls 16 % des gens de droite y sont opposés et 15 % des personnes déclarant avoir des convictions religieuses. Quand il y a une telle unanimité, on en profite.

Allez, 13 à la douzaine cette semaine ! Vous n’allez quand même pas faire partie des 11% d’extrémistes qui sont contre…

Bien entendu, personne n’a consulté les résultats effectifs du sondage, qui est d’ailleurs à peu près introuvable sur Internet. L’essentiel n’est pas là : l’enjeu est de présenter toute opposition à la mesure comme une manifestation de haine ou de fanatisme qui expose au bannissement immédiat.

La peur du suffrage universel

Malgré cette opération forgée de toutes pièces pour faire adopter une mesure sans véritable débat et pour dissuader toute opposition de s’exprimer, la caste n’en mène pas large. J’en veux pour preuve les discussions interminables qui commencent sur la nécessité que le gouvernement aurait à déposer un projet de loi constitutionnelle.

L’enjeu du débat est de savoir si oui ou non il faut passer par un referendum pour faire adopter la mesure. Une proposition de loi, pour devenir effective, doit en effet être votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat, puis doit être soumise au peuple à l’occasion d’un referendum. Dans l’hypothèse où la mesure est prévue par un projet de loi gouvernemental et non par une proposition parlementaire, l’étape du referendum n’est pas obligatoire.

Pour les partisans de l’avortement (qui proposent par ailleurs l’inscription de ce droit dans la Charte européenne…), l’étape du referendum est tout sauf gagnée. Officiellement, ils ont peur que les « lobbies pro-vie » ne retournent l’opinion. Dans la pratique, il s’agit bien évidemment de modifier le plus possible l’état juridique sans consulter les électeurs.

Et c’est bien le coeur de cette opération d’astroturfing menée avec maestria : modifier la Constitution sans débat non contrôlable. C’est-à-dire gouverner dans l’entre-soi de la caste, sans aller aux urnes.


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