Plusieurs médias ont signalé le rapport prospectif du Fonds Monétaire International sur l'économie française, très critique - en termes feutrés - de la politique du gouvernement français. Mais ils ont oublié de citer les recommandations faite par l'organisation basée à Washington. Parce que cela rendrait trop visite la feuille de route à venir du gouvernement? Nous citons des extraits du rapport original. On y verra un mélange typique de mesures acceptables et de douce folie idéologique façon "Great Reset".
Il vaut toujours mieux remonter au texte lui-même. Plusieurs médias ont insisté sur le fait que le FMI publie un rapport particulièrement sévère sur le “quoi qu’il en coûte”.
Effectivement, il suffit de lire ce passage:
“La loi de finances 2023 ne cible pas une réduction du déficit, reportant l’ajustement budgétaire à 2024. Les servicesdu FMI prévoient qu’avec la prolongation des mesures énergétiques, la suppression d’une taxe distorsive sur le chiffred’affaires (CVAE) et la disparition des recettes exceptionnelles constatées en 2022, la politique budgétaire restera modérément expansionniste en 2023, ce qui entraînera vraisemblablement un léger creusement du déficit. Au contraire, les services du FMI préconisent un léger resserrement budgétaire de ¼ de point de pourcentage du PIB par rapport à 2022 (juste au-dessus de ½ point de pourcentage du PIB par rapport aux prévisions actuelles du FMI). Cet ajustement pourrait être en grande partie atteint en ciblant mieux les soutiens en matière énergétique (comme indiqué ci-dessus) et en limitant leur ampleur aux économies réalisées par la baisse des subventions et des revenus exceptionnels des producteurs d’énergie renouvelable (dans le cadre de la CSPE). Si d’autres économies s’avèrent
nécessaires, elles pourraient être obtenues en reportant les réductions d’impôts sur la production jusqu’à ce que des
mesures compensatoires soient en place ou en prenant d’autres mesures. Si toutefois l’économie se détériore considérablement en deçà des prévisions actuelles, il conviendrait de laisser les stabilisateurs automatiques amortir la chute, mais tout soutien discrétionnaire devrait être bien ciblé et équilibré par des mesures compensatoires pour
garantir la crédibilité de la politique, la viabilité budgétaire et la cohérence avec la politique monétaire. Dans un scénario optimiste, il conviendrait d’épargner toutes les recettes supplémentaires et d’éliminer plus rapidement les
aides publiques pour accélérer la réduction du déficit“.
Façon courtoise de dire que le gouvernement français ne maîtrise pas les dépenses publiques du pays. Et ne les maîtrisera pas avant longtemps:
“D’autres mesures s’imposent pour reconstituer des réserves à moyen terme au moyen d’un rééquilibrage progressif mais soutenu des finances publiques. Les services du FMI prévoient que le déficit diminuera à moyen terme, mais restera supérieur à son niveau de stabilisation de la dette. En conséquence, le ratio d’endettement public restera sur une trajectoire à la hausse, creusant un différentiel d’endettement déjà important avec les pays européens comparables. Pour inverser cet écart et assurer la viabilité budgétaire à long terme, les services du FMI préconisent un ajustement soutenu pour ramener le déficit à 0,4 % du PIB d’ici à la fin de la décennie, conformément à l’objectif à moyen terme (OMT) de la France avant la crise. C’est un an plus tard que ce qui avait été recommandé par les services du FMI l’an dernier, car il faut tenir compte des mesures prises face au choc énergétique. La trajectoire d’ajustement sous-entend un effort cumulé d’environ 5 points de pourcentage du PIB sur 7 à 8 ans, moyennant un effort annuel moyen de 0,7 % du PIB.”
La curieuse feuille de route rédigée pour Emmanuel Macron
Puis vient une feuille de route. Elle commence de façon assez classique:
“Le rééquilibrage budgétaire devrait être axé sur la réduction de la croissance des dépenses courantes, en s’appuyant sur des réformes structurelles. Pour éviter d’alourdir une pression fiscale déjà élevée, les mesures devraient se concentrer sur la rationalisation des dépenses courantes tout en laissant une certaine marge de manœuvre pour accélérer les investissements écologiques et numériques. Dans un premier temps, la réduction des dépenses nécessaire pourrait être obtenue en épargnant la totalité du retrait des mesures de soutien budgétaire temporaires accordées dans le cadre de la COVID et du choc énergétique, ce qui pourrait représenter jusqu’à un tiers de l’ajustement requis. Pour le reste, les mesures devraient être surtout des réformes structurelles des dépenses au lieu de simples mesures d’austérité, pour en assurer la pérennité. Elles pourraient notamment consister en :
- Une réforme globale des retraites, qui devrait accroître le taux d’activité des travailleurs les plus âgés en relevant progressivement l’âge effectif de départ à la retraite tout en prenant en compte les situations particulières (carrières morcelées, pénibilité, etc.).
- L’achèvement de la réforme de l’assurance-chômage . L’introduction d’un caractère contracyclique dans les allocations de chômage en faisant varier les conditions d’admissibilité et/ou de durée des prestations en fonction de la situation du marché du travail renforcerait les stabilisateurs automatiques et les incitations au travail, tout en générant des économies.
- La rationalisation des dépenses fiscales. Un certain nombre de dépenses fiscales pourraient être rationalisées (combustibles fossiles et logement, par exemple); et d’autres pourraient être repensées (recherche et développement, par exemple).
- D’autres réformes : notamment rationalisation des effectifs de la fonction publique, réduction des doublons entre les différents niveaux des administrations publiques, et simplification des régimes de minima sociaux.
Rien d’étonnant dans ce programme, ni non plus dans les recommandations qui suivent pour demander de prendre au sérieux la programmation budgétaire à moyen terme; de surveiller un secteur bancaire plus fragile qu’il n’en a l’air; de dépenser à meilleur escient dans l’éducation.
En revanche, les recommandations sombrent à la fin dans la folie “resetienne”:
“Le choc des prix de l’énergie donne des opportunités d’accélérer la transition écologique. Il conviendrait de profiter de la hausse des prix des combustibles fossiles pour promouvoir les économies d’énergie et accroître l’utilisation des énergies renouvelables, ce qui aurait un effet positif sur la réduction des émissions. Les investissements dans les énergies bas-carbone, en particulier les énergies renouvelables, devraient être accélérés dans les années à venir pour parvenir à moyen terme à un bouquet énergétique efficace et bas-carbone. Encourager de tels investissements permettra à la France non seulement de renforcer sa sécurité énergétique, mais aussi de stimuler sa croissance potentielle en compensant l’impact de l’épuisement du stock de capital en actifs fossiles. Dans ce contexte, les services du FMI soutiennent un projet de loi visant à rationaliser les procédures réglementaires et judiciaires pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Il conviendrait de tirer parti de toute baisse future des prix mondiaux de l’énergie pour augmenter les taxes sur le carbone sans relever à nouveau les prix de détail de l’énergie. L’augmentation de la tarification carbone devra aller de pair avec un soutien aux ménages vulnérables. Il convient également d’assurer un soutien financier en faveur des mesures d’économie d’énergie à forte intensité capitalistique (par exemple rénovation thermique, pompes à chaleur) ou des investissements dans les énergies renouvelables (par exemple panneaux solaires sur les toits). Dans ce contexte, les investissements du plan France 2030 sont bienvenus. Les instruments non tarifaires, notamment les dispositifs de taxation avec remise et les réglementations, peuvent renforcer les incitations à investir dans des énergies à faible émission de carbone, en particulier dans les secteurs des transports et de la construction qui sont moins réceptifs à la tarification des émissions”.
En réalité, on comprend à la fois que le macronisme consiste à suivre des recommandation standardisées produites par les grandes organisations inter- ou supranationales.. Et aussi à se faire dicter ce que l’on doit faire, de manière à disposer d’une légitimité que l’on est incapable d’établir par soi-même dans la politique intérieure. “C’est pas moi, citoyen, c’est le FMI qui a dit qu’il fallait le faire”. On comprend aussi que le bon sens qui a pu régner, à une certaine époque, dans les recommandations du FMI, a cédé la place à une pensée idéologique où l’écologie sert à la fois de mantra et de prétexte pour justifier que l’on n’ait atteint dans aucun domaine les objectifs recherchés.
Le ” bouquet énergétique efficace et bas-carbone ” du FMI ne semble pas comporter du nucléaire. Les annonces de Macron dans ce domaine seront-elles vraiment suivies d’effets?
On peut en douter.
Si on suit les conseils c’est des mesures d’austérités.
Qui en veut ?
On critique l’inflation et la vie chère, avec ces conseils ça serait pire.
Alors que le déficit il est des taux de 0 voir négatifs, donc franchement on s’en fiche.
Si le taux était élevé on comprendrait mais là on perd rien.
“Dans un premier temps, la réduction des dépenses nécessaire pourrait être obtenue en épargnant la totalité du retrait des mesures de soutien budgétaire temporaires accordées dans le cadre de la COVID et du choc énergétique,”
Il me semble qu’il a là une traduction erronée du verbe (to) spare, qui peut vouloir dire “se passer de ” selon le contexte, et non “épargner”.
Il y a d’autres points qui me semblent ambigus, et je serais curieux de savoir comment nos brillants dirigeants comprennent le texte original, qui ne peut être rédigé qu’en anglais. Rappelez-vous l’obscénité de Manu the Kid qualifiant la femme d’un premier ministre de “delicious” au lieu de “delightful”, ce qui est déjà inconvenant* s’agissant d’une personne
*inappropriate comme on dit aujourd’hui sous l’influence de l’anglo-américain.