Briefing : la retraite à 65 ans faute de cotisants, mais des préservatifs gratuits au-dessous de 25 ans

Briefing : la retraite à 65 ans faute de cotisants, mais des préservatifs gratuits au-dessous de 25 ans


Partager cet article

Si vous faites partie de ces Français (comme c'est mon cas) qui ne rêvent pas de prendre leur retraite et qui ne construisent pas leur existence autour de cette attente, les jours qui commencent vous annoncent des heures difficiles, où vous vous divertirez seulement par le spectacle de l'hédonisme sans limite et sans grande cohérence de vos contemporains. La preuve  ? Macron a proposé le même jour de repousser l'âge de la retraite à 65 ans pour compenser la baisse des cotisants, et de donner gratuitement les préservatifs aux moins de 25 ans. Voilà une belle injonction paradoxale qui pousse la société tout entière vers une baisse de la natalité, alors que le coût du vieillissement ne cesse de s'élever.

L’obsession hédoniste de notre société n’a pas de limite et manque singulièrement de cohérence. Je voulais commencer ce briefing en « l’épinglant » avant de détailler les fastidieuses considérations sur la réforme des retraites. Tout le problème, redisons-le, vient du déséquilibre grandissant entre le nombre de cotisants et le nombre de bénéficiaires des retraites, qui oblige à diminuer artificiellement le dernier en augmentant artificiellement le premier par une mesure d’âge.

Au fond, notre système de retraites est mis à mal par la baisse de la démographie et par le vieillissement de la population.

Baisser la natalité, une obsession

De façon totalement incohérente au regard de ces enjeux majeurs, Macron vient d’annoncer une mesure anecdotique, mais qui en dit long sur l’éloge du plaisir et de la vie sans enfant dans notre société de consommation vieillissante. Les préservatifs seront désormais distribués gratuitement aux moins de 25 ans en pharmacie.

Cette mesure annoncée à la sortie d’un conseil national de la refondation consacré à la santé ne manque pas de piquant. La refondation du pays passe donc par la distribution gratuite de moyen de contraception, qualifiée de « petite révolution de la prévention » : les maladies sexuellement transmissibles augmenteraient chez les jeunes. Il est évidemment inaudible de plaider l’incohérence démographique de cette mesure.

La retraite à 65 ans ?

L’évolution progressive de la balance démographique oblige à une réforme quasiment permanente des retraites. De façon imminente, Macron devrait annoncer l’intention du gouvernement de repousser l’âge de départ à taux plein à 65 ans, par une disposition intégrée à un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif. L’intérêt de cette formule est de permettre un recours au 49-3 pour faire passer le texte.

Cette décision suit un dîner de la majorité qui s’est tenu à l’Elysée. Si vous voulez savoir par le menu ce qui s’est dit au dîner, lisez attentivement l’article de Public Sénat qui s’est plié de bonne grâce au jeu de la fuite instrumentalisée par le pouvoir. Tout y est, y compris la petite pique contre Edouard Philippe qui n’a pas pris position.

Lors du dîner, Edouard Philippe, discret depuis des semaines, s’est monté peu dissert. « Que ce soit 65 ou 64 ans, il a dit qu’il voulait que la réforme soit votée », rapporte un participant, qui glisse qu’il ne s’est pas vraiment « mouillé »…

Dans la pratique, on comprend surtout que le gouvernement commence la course avec une borne à 65 ans, pour mieux finir avec un lest lâché à 64 ans et une accélération de la réforme Touraine qui prévoyait un allongement progressif des durées de cotisation.

Les discussions avec les syndicats (qui ont annoncé deux journées de mobilisation en janvier) devraient améliorer le sort de ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou de ceux qui ont des emplois pénibles. Bref, la route est connue et tracée, et la mise en scène habituelle devrait se mettre en place comme dans le monde d’avant : manifestations, concertations, accords en sous-main pour laisser passer un dispositif qui inclura peut-être une augmentation des cotisations patronales de 1 point.

Et voilà le retour de Bayrou

À quelque chose, malheur est bon ! Ce retour de la sempiternelle réforme des retraites (qui réparera, 40 ans plus tard, l’absurde baisse de l’âge de départ à 60 ans décidé par Mitterrand) permet à François Bayrou de se croire indispensable et de revenir sur le devant de la scène. Il a même eu droit à un article dans Le Point qui prétend que Bayrou veut « éclairer l’opinion ». On s’en amusera. Il fut un temps, en démocratie, où l’on considérait qu’expliquer les projets de loi était un exercice normal dans les institutions. Désormais, c’est un luxe rebaptisé « éclairer l’opinion ».

Cette sémantique en dit long sur le durcissement de l’exercice du pouvoir par la caste. Ne pas décider seule dans son coin lui semble un sujet d’interrogation, et cette posture explique très largement la défiance du pays réel vis-à-vis de ses dirigeants.

133 millions d’argent public pour les syndicats

Enfin, si vous avez une minute à perdre, vous pouvez feuilleter le rapport annuel de l’Association de Gestion du Fonds Paritaire National (AGFPN) qui explique comment les partenaires sociaux se sont répartis les 133 millions issus de la contribution patronale obligatoire et des subventions de l’Etat pour donner des coups de pouce financiers aux syndicats, qu’ils soient patronaux ou salariaux.

Ce genre de lecture est toujours instructif, car il décrit les méthodes utilisées pour faire entrer tout le monde dans la « combine » du système. Sur le fond, nous ne sommes pas près d’obtenir une réforme utile par « l’intérieur » de la machine elle-même.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Êtes-vous un riche normal ? par Vincent Clairmont

Êtes-vous un riche normal ? par Vincent Clairmont

En France, parler de patrimoine, c’est souvent évoquer les "riches" et les "pauvres", comme si la réalité se résumait à une opposition binaire. Pourtant, les chiffres de l’INSEE pour 2024 révèlent une palette bien plus nuancée, où l’âge, la profession et le hasard des héritages dessinent une mosaïque complexe. Alors, êtes-vous un "riche normal" ? Spoiler : la réponse dépend surtout de votre âge, de votre profession, et de votre capacité à échapper aux pièges de l’endettement et de la fiscalité.


Rédaction

Rédaction

Le scandale du compte courant : reprenez votre argent en main et recevez nos 3 plans d'action immédiats !
Photo by Marek Studzinski / Unsplash

Le scandale du compte courant : reprenez votre argent en main et recevez nos 3 plans d'action immédiats !

Nous ne vous le dirons jamais assez : si votre épargne est encore soumise aux diktats d’un système financier à l’évidence éreinté, vous êtes en danger. L'heure n'est plus aux placements « mesurés », ni aux conseils « consensuels » que vous lisez partout ailleurs (SCPI de banque, assurance-vie en fonds euros, immobilier locatif labellisé par l’Etat de type « Pinel », etc.). Nous pensons que l’inflation n’est pas transitoire, que la stagflation n'est plus une menace, mais une réalité qui va s’abat


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT

Fin de l'Internet neutre, libre et universel, par Thibault de Varenne

Fin de l'Internet neutre, libre et universel, par Thibault de Varenne

Au milieu des années 1990, une vision utopique dominait le discours technologique et sociétal : celle d'un cyberespace sans frontières, agnostique quant aux juridictions nationales, et universellement accessible. Cette vision, immortalisée par la "Déclaration d'indépendance du cyberespace" de John Perry Barlow en 1996, postulait que l'Internet serait une force inarrêtable de démocratisation, une "civilisation de l'esprit" où l'information circulerait librement, contournant les censures étatiques


Rédaction

Rédaction

Audit numérique des touristes : Trump est-il ou non déjà entré dans la dérive totalitaire? par Thibault de Varenne

Audit numérique des touristes : Trump est-il ou non déjà entré dans la dérive totalitaire? par Thibault de Varenne

Il fut un temps où traverser l'Atlantique exigeait un passeport, un billet d'avion et, peut-être, une dose de patience à la douane de JFK. Ce temps est révolu. En cette fin d'année 2025, l'Amérique de Donald Trump ne demande plus seulement de voir vos papiers ; elle exige de voir votre âme numérique. La transformation du rapport de force entre l'État américain et le visiteur étranger vient de franchir un Rubicon que beaucoup croyaient infranchissable dans une démocratie libérale. Mais sommes-nou


Rédaction

Rédaction