Briefing : Qatargate, le point complet sur ce que vous devez savoir

Briefing : Qatargate, le point complet sur ce que vous devez savoir


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Vous commencez les valises ce soir avant de rejoindre l'oncle Gontrand qui aime l'Europe et vote Macron, pour une semaine au chalet de Megève ? Vous devez regarder le match de dimanche avec votre belle-mère qui adore Nathalie Loiseau et vous propose toujours une petite dose de Pfizer entre la bûche et la tisane ? Pour bien préparer votre argumentaire sur le Qatargate et les méfaits toxiques de l'Union Européenne (vous savez, au moment perfide où vos invités vous glissent les petites piques pour vous rappeler que le complotisme est une erreur), le Courrier vous propose un dernier briefing 2022 qui vous permettra d'être incollable sur le sujet.

On le redit, d’abord, l’affaire est pour l’instant essentiellement tournée autour de la désormais ex-vice-présidente socialiste du Parlement européen Eva Kaili, de nationalité grecque, ancienne présentatrice du journal télévisé dans son pays. Vendredi dernier, l’intéressée a fait l’objet d’une perquisition et d’une interpellation, avec mise en détention provisoire, par la justice belge.

Une affaire belge, et non européenne

C’est la première anomalie du dossier : cette affaire de corruption au plus haut niveau par le Qatar n’est pas lancée par le Parquet européen, mais par le Parquet bruxellois. Nous l’avons souligné cette semaine, cette situation est non seulement anormale, mais soulève la question de la subordination de l’Union à la justice du pays qui en abrite les institutions. Imagine-t-on la justice américaine inquiéter des ambassadeurs à l’ONU ?

Toujours est-il que la justice belge, considérant que la procédure contre Eva Kaili était en flagrant délit, a ordonné sa mise sous écrou, comme quatre autres prévenus dans ce dossier. Eva Kaili est traitée à la belge : elle ne sera présentée au juge que le 22 décembre pour évoquer son maintien en détention provisoire, en raison d’un mouvement de grève dans la prison, qui a retardé sa comparution devant la Chambre du Conseil ce jeudi…

On peine à le croire… une grève dans une prison belge prive la vice-présidente du parlement européen d’une audience devant le juge des libertés. Pour ceux qui s’inquiètent du sort de cette prisonnière au visage d’ange, elle aurait été transférée de la lugubre prison de Saint-Gilles, à Bruxelles, vers la « prison-village » de Haren. C’est moins insupportable, pour la jeune maman d’une petite fille de 22 mois, qui charge désormais son compagnon en clamant son innocence.

Tout vient d’une « BIM » de l’espionnage belge

Si, si, ça existe ! il y a des services d’espionnage en Belgique, appelés « la Sûreté de l’Etat », et ce sont eux qui ont mené une opération spéciale appelée BIM. La presse belge en dit plus ce matin :

On parle d’écoutes téléphoniques, d’opérations d’infiltration. Selon les informations du Soir et du Knack, la Sûreté de l’État a coopéré dans cette enquête avec cinq autres services de renseignements européens. Lesquels ? Les noms n’ont pas été cités. « Une étape cruciale de l’enquête de renseignement a été une visite clandestine au domicile bruxellois de l’ancien député européen italien Pier Antonio Panzeri », écrit le Soir.

Lors de cette « visite », les agents de la Sûreté de l’État avaient observé « environ 700.000 euros en liquide ». Ce qui permettait de penser qu’il y avait « suffisamment de preuves d’infractions pénales présumées » à l’encontre de Panzeri. Après cette découverte, la Sûreté de l’État qui se refuse naturellement à tout commentaire s’est déchargée d’une partie du dossier qui a été déclassifiée et transférée au parquet fédéral.

Cette remise de témoin a été réalisée le 12 juillet de cette année. C’est à partir de ce moment que l’enquête judiciaire a pu débuter, avec les résultats que l’on connaît.

Pour ceux qui avaient un doute, certains députés ou anciens députés font donc l’objet d’enquêtes clandestines et sans contrôle de la justice. Leur domicile est discrètement violé pour vérifier ce qu’il héberge… La classe, la vie démocratique européenne !

En tout cas, cela fait plusieurs mois que les services de police sont au courant de ces versements qui relèvent de la corruption. Le lancement de l’affaire dix jours avant la finale de la Coupe du Monde est donc tout sauf anodin.

Quels sont les faits au fondement de l’enquête ?

Bref, tout part, on vient de le voir, d’une enquête menée par cinq services d’espionnage dès le printemps 2022 (nous mettons notre main à couper que, dans la liste des 5, on trouve aussi la CIA et le Mossad, très agacés par l’alliance du Qatar avec l’Iran et la Syrie). Ces services établissent la preuve matérielle que le Qatar verse de l’argent liquide à des députés européens, et à leur entourage, en échange de décisions ou de mesures favorables.

Dans le cas d’Eva Kaili, une rumeur persistante (démentie par l’intéressée, semble-t-il, qui clame son innocence) veut que l’on ait trouvé des sacs d’argent liquide à son domicile :

Eva Kaili n’a « aucun rapport avec l’argent retrouvé à son domicile (…), elle ne connaissait pas l’existence de cet argent », a-t-il assuré. Des sacs remplis de billets d’une valeur de 150.000 euros ont été découverts dans son appartement à Bruxelles, selon une source judiciaire belge.

Le juriste, qui a dit s’être entretenu à plusieurs reprises au téléphone avec sa cliente en détention, a souligné que « seul son compagnon », avec qui elle vivait, pouvait fournir « des réponses sur l’existence de cet argent ».

Le père de la responsable politique a pour sa part été surpris avec une valise contenant 750.000 € en liquide. Enfin, 600.000 € ont été saisis au domicile de Pier-Antonio Panzeri, un ancien eurodéputé socialiste italien désormais à la tête d’une ONG à Bruxelles.

Pier-Antonio Panzeri est un ancien député qui a créé une ONG appelée Fight Impunity. Cette ONG est soupçonnée d’avoir servi de relais aux intérêts qataris auprès de l’Union Européenne.

Dans la pratique, cette enquête qui cible le Qatar pour des raisons géopolitiques que nous avons effleurées (le Qatar penche du mauvais côté de la balance au Moyen-Orient, et les USA entendent bien ramener leurs alliés dans le droit chemin par des sanctions exemplaires contre tous ceux qui l’ont quitté) est une bombe à retardement, puisque Kaili et Panzeri ne sont probablement les seuls, en Europe, à profiter des bienfaits du Qatar, de son argent, de ses cadeaux somptueux.

Qui sont les personnalités incriminées à ce stade ?

Pour l’instant, cinq personnes sont dans les filets de la justice belge, et deux autres sont inquiétées :

  • Eva Kaili, en détention provisoire, ancienne vice-présidente du parlement européen
  • Francesco Giorgi, le compagnon d’Eva Kaili, et père de leur fille de 22 mois. On sait très peu de choses sur cet homme à cause de qui (nous allons y venir) l’enquête est désormais élargie au Maroc. Il est toujours en détention provisoire.
  • Marc Tarabella, eurodéputé socialiste belge. L’intéressé n’est pas en détention, mais il est suspecté d’avoir bénéficié de pots-de-vin. Il est suspendu provisoirement par le groupe socialiste au parlement.
  • Nicolo Figa-Talamanca, lobbyiste dont on sait peu de choses à de stade. Il est directeur général de l’ONG No Peace Without Justice, dédiée aux droits de l’Homme au Moyen-Orient. Il est libéré, mais sous bracelet électronique.
  • Pier-Antonio Panzeri, ancience eurodéputé, et fondateur de l’ONG Fight Impunity. C’est chez lui que les services secrets ont vu d’importantes sommes d’argent en liquide, ce qui a lancé l’enquête
  • Luca Visentini, ancien secrétaire général de la Confédération Européenne des Syndicats (dont Laurent Berger, le patron de la CFDT, est actuellement président…), et actuel secrétaire général de la Confédération Internationale des Syndicats, qui clame son innocence
  • Maria Arena, eurodéputée socialiste belge, proche de Tarabella, a vu son bureau perquisitionné par la police belge, pour d’éventuels liens avec Panzeri

On notera que, parallèlement, Maria Spyraki, euro-députée grecque du parti Nouvelle Démocratie (centre droit), est visée par une enquête de l’OLAF. A ce titre, le Parquet européen demande la levée de son immunité parlementaire. Cette demande n’est pas, à ce stade, expressément liée à l’affaire qatarie, mais elle vise aussi Eva Kaili…

Qui sont les prochains sur la liste ?

Pour l’instant, le volet « public » de l’enquête n’en est qu’à ses débuts, et celle-ci promet un beau feuilletonnage à venir. Francesco Giorgi, le concubin d’Eva Kaili et père de son enfant, semble avoir décidé de passer à table. Son jeune papa a déclaré vouloir revoir sa fille rapidement… terrible levier d’aveux !

Or, il se trouve que le play-boy milanais, dont on sait très peu de choses, mais qualifié de « plus beau du Parlement européen », est considéré comme l’homme de main de Panzeri, l’ancien eurodéputé devenu fondateur d’ONG (dont la mère et la fille, qui vivent en Italie, sont aussi en détention). C’est Giorgi qui saurait tout ou presque des dessous de cette affaire.

Grâce aux aveux de Giorgi, l’enquête devrait rapidement suivre plusieurs axes.

Il y a d’abord l’axe qatari. Toutes les résolutions, toutes les décisions européennes concernant le Qatar sont désormais passées au peigne fin. L’accord aérien donnant un libre accès au ciel européen à Qatar Airways ne devrait pas manquer d’être passé au crible. Le commissaire grec Margaritis Schinas, très complaisant vis-à-vis du Qatar, devrait également passer sur le gril.

Sur cet axe, la complaisance de la sous-commission des Droits de l’Homme du Parlement européen vis-à-vis du Qatar devrait éveiller l’attention. Elle implique au premier chef Maria Arena, eurodéputée belge, présidente de cette sous-commission et proche de Panzeri. L’assistante parlementaire de Maria Arena est aussi… ancienne salariée de l’ONG bien-nommée de Panzeri Fight on Impunity. Cette circonstance a valu le placement du bureau de l’eurodéputée sous scellé.

Il y a ensuite l’axe marocain. Panzeri, avec un sens consommé des affaires, semble aussi avoir fait affaire avec les Marocains, désireux, semble-t-il, de protéger leurs positions au Sahara Occidental face aux ardeurs du parlement européen. Là encore, l’enquête devrait apporter quelques surprises.

Il y a enfin les simples effets de contamination. Au sein du groupe socialiste au Parlement européen, l’influence du Qatar risque d’éclabousser quelques personnalités qui aiment jouer les chevaliers blancs.

Pour la gauche, cette affaire est une vraie bombe à retardement ! Le nom de Bernard Cazeneuve apparaît dans l’ONG Fight on Impunity. Les syndicats ne devraient pas être en reste, avec l’implication possible de Luca Visentini dans le dossier.

Bref, les choux gras ne font que commencer. Pour l’Union Européenne, le ver est dans le fruit, car l’opinion publique devrait se délecter du spectacle donné par ces socialistes bien-pensants achetés pour nier les morts en cascade d’ouvriers immigrés sur les chantiers qataris.


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