Propagande virale: le camouflage et la tromperie comme arme, par Ulrike Reisner

Propagande virale: le camouflage et la tromperie comme arme, par Ulrike Reisner


Partager cet article

La politique d'information des plateformes de vérification des faits favorise une pensée stéréotypée, rapide et inconsciente. Rares sont les vérifications des faits qui stimulent une pensée laborieuse, logique, calculée et consciente. Car cela entraverait le véritable objectif : L'endoctrinement par la formation d'opinion et le discrédit des adversaires politiques.

Dans la première partie de cet article, j’ai expliqué, à l’aide de l’exemple des « mèmes », comment les unités d’information culturelle sont diffusées par la reproduction. Les plateformes de vérification des faits ont pour mission de créer des mèmes viraux qui doivent se propager rapidement et avec succès. Pour ce faire, ces plateformes se servent d’informations (prétendument) rationnelles pour rejeter les idées (prétendument) vides, illogiques ou simplement fausses.

La technostructure a créé à la vitesse de l’éclair un vaste réseau de telles plates-formes : L’ « International Fact Checking Network » (IFCN), qui est lui-même affilié au Poynter Institute , est l’un des acteurs les plus puissants du marché. Parmi les bailleurs de fonds, on trouve le Democracy Fund, la Lumina Foundation for Education, le National Endowment for Democracy (NED), l’Omidyar Network Fund ou les Open Society Foundations (OSF).

Dans l’ombre du public

Une autre initiative de ce type, d’envergure mondiale, est la « Trusted News Initiative » (TNI). La TNI existe depuis 2019 et a été créée par des producteurs d’informations et des entreprises de technologie afin de protéger les utilisateurs contre les fausses informations diffusées. Parmi ses membres figurent l’AFP, la BBC, CBC/Radio-Canada, l’Union européenne de radio-télévision, le Wall Street Journal, le New York Times, le Financial Times, le Washington Post, Reuters ou The Hindu, mais aussi Google, YouTube, Microsoft, Twitter, First Draft ou Facebook.

La TNI a été créée quelques semaines seulement après la publication d’un rapport de l’institut Reuters indiquant que la confiance dans les médias américains avait atteint un niveau historiquement bas de 29 % seulement – le chiffre le plus bas parmi les 46 pays concernés. Michael Meyen, professeur de sciences de la communication à Munich, s’est lancé sur les traces de la TNI pour un commentaire dans rubikon.news :

« Cette Trusted News Initiative, créée en 2019, passe largement sous le radar. Quelques courts articles sur le site de la BBC, qui semble être ici une sorte de Spiritus Rector, des messages presque identiques sur le site de l’European Broadcasting Union (EBU), qui regroupe également ARD, ZDF, SRG et ORF [1] , et une mention dans un essai consacré à la lutte contre les « fausses informations » en Espagne. (…) Ce n’est pas beaucoup. (…) On apprend dans tous ces textes que l’événement fondateur a été des élections, en Grande-Bretagne, à Taïwan et aux États-Unis, mot-clé Donald Trump, mais que l’on s’est ensuite rapidement focalisé sur Corona et finalement sur la vaccination. »

Selon Michael Meyen, les plateformes de vérification des faits sont la partie du jeu que nous pouvons tous voir – mais que nous ne devons apparemment pas décrypter.

La coopération doit être perturbée

Dans notre monde globalisé et numérisé, les empires de la technostructure et les groupes de médias travaillent à la diffusion monopolistique de leurs opinions. Ces communicateurs politiques veillent à ce que l’IA optimise la réplication, la modification et la sélection de l’information. Pour ce faire, ces nouveaux acteurs hégémoniques disposent d’énormes ressources techniques et financières.

Leurs messages unilatéraux et très réducteurs bénéficient de deux caractéristiques essentielles du cerveau humain, auxquelles toute forme de propagande doit son succès : la paresse de la pensée (pour économiser de l’énergie) et une préférence pour la simplification (l’homme pense en termes de chaînes de causalité).

Les plateformes de vérification des faits agissent comme des centres de production de la formation d’opinion la plus simple. Elles agissent au service de la technostructure qui s’assure la souveraineté dans son propre espace d’information. Celle-ci a des effets dévastateurs dans les différentes dimensions temporelles :

  1. a) dans le présent, en formant des opinions « ex cathedra » et en diffamant les dissidents
  2. b) dans l’avenir en endoctrinant et en stéréotypant l’opinion publique
  3. c) dans le passé en « écrasant » l’information et en « créant » sa propre vérité historique

La base de l’évolution et du développement de toute vie dans ce monde est la communication, la coordination et la coopération. Pour que la coopération soit efficace, il faut que les informations destinées à la communication aient leur équivalent dans la réalité. Tout autre élément aurait un effet dysfonctionnel et détruirait la coopération.

Il existe d’innombrables exemples dans la nature et l’évolution où la désinformation ou la simulation de faits inexacts sont utilisées comme arme ou pour obtenir un avantage concurrentiel (camouflage et tromperie). Les plateformes de vérification des faits et les réseaux de la technostructure qui les soutiennent n’ont manifestement pas pour objectif l’échange d’informations à des fins de coordination et de coopération. Il s’agit pour elles de camoufler et de tromper afin d’imposer leurs propres revendications de pouvoir hégémonique.

D’un point de vue évolutif, tout accroissement des connaissances conduit progressivement à de nouvelles valeurs susceptibles de constituer la base éthique et morale de l’action politique. Nous devons donc toujours aspirer à un accroissement inconditionnel et impartial des connaissances. Les principes humanitaires reconnus (droits de l’homme, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, etc.) peuvent constituer le correctif politique dans un tel processus.

[1] qui sont les institutions médiatiques publiques d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, Ndlr.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Braun-Pivet révèle enfin le grand secret de l'Assemblée Nationale, par Veerle Daens

Braun-Pivet révèle enfin le grand secret de l'Assemblée Nationale, par Veerle Daens

Il faut parfois rendre grâce à nos dirigeants. Non pas pour leur efficacité, faut pas pousser, mais pour ces rares moments de lucidité involontaire où, pris de panique, ils lâchent le morceau. Merci donc, infiniment, à Yaël Braun-Pivet. Les personnels de l’Assemblée nationale font preuve d’un dévouement et d’une neutralité exemplaires au service du mandat confié par les français aux députés. Je condamne fermement les propos tenus à leur encontre. Nourrir la défiance envers nos institutions et


CDS

CDS

Budget 2026 : la "bureaucratie verte" se mobilise pour défendre ses privilèges
Photo by Sébastien Ramage / Unsplash

Budget 2026 : la "bureaucratie verte" se mobilise pour défendre ses privilèges

Le 26 novembre, une quinzaine de syndicats issus des agences dites de « transition écologique et sociale » ont tenu une assemblée générale à la Bourse du travail. Objectif : dénoncer les coupes budgétaires prévues dans le projet de loi de finances 2026 et bâtir un front commun pour préserver leurs structures. Alors que les ménages affrontent des hausses de prix et l’État un déficit , la bureaucratie publique verte s’organise pour défendre son confort institutionnel, au nom d’un supposé intérêt g


Rédaction

Rédaction

Arcelor-Mittal, victime d’une France avachie, sclérosée et recroquevillée

Arcelor-Mittal, victime d’une France avachie, sclérosée et recroquevillée

Il est des rituels en politique française qui tiennent moins de la gestion de la Cité que de la danse de la pluie. Lorsque l’orage économique gronde, nos sorciers parlementaires, drapés dans leurs écharpes tricolores, s’imaginent qu’il suffit d’agiter le totem de l’État pour que le soleil de la prospérité revienne. La récente adoption par la commission des finances de l’Assemblée nationale, ce 19 novembre 2025, de la proposition de loi LFI visant à nationaliser les sites d’ArcelorMittal en Franc


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

D'accord avec Olivier Faure, la France est un paradis fiscal! par Veerle Daens

D'accord avec Olivier Faure, la France est un paradis fiscal! par Veerle Daens

Il faut savoir reconnaître le génie quand il nous éclabousse. Le 27 novembre 2025, Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti Socialiste, a eu une épiphanie au Sommet de l'économie. Avec le sérieux d'un pape annonçant un dogme, il a déclaré : « Les entreprises ne vivent pas dans un enfer fiscal en France ». Mieux encore, il a assuré que nous étions « dans la moyenne ».    Je dois faire mon mea culpa. J'ai passé des années à éplucher des rapports de l'OCDE, à pleurer sur des courbes de Laffe


CDS

CDS