Beaubourg LGBT+, ou le stalinisme du fion, par Modeste Schwartz

Considérant certainement que l’exploration artistique des replis de la personnalité narcissique, en plein épisode insurrectionnel, n’est pas suffisamment ridicule, les curateurs de l’exposition « Over the rainbow » ont décidé que le progrès allait désormais consister à inventer le XIX^e siècle.

Un mythe à la vie dure – probablement pas dénué de tout fond de vérité – affirme que, dans Constantinople assiégée par les turcs Seldjoukides, les théologiens de l’Empire que nous appelons aujourd’hui « byzantin » étaient occupés à débattre du sexe des anges.

Qu’on adhère à la vision indigéniste/attalienne d’un « choc des civilisations » … autour des centres commerciaux de grande banlieue, ou qu’on préfère constater une permanence de la contestation typiquement française d’un pouvoir qui bascule dans l’autoritarisme – difficile, en tout état de cause, de résister à la tentation du parallèle avec ces derniers jours de Byzance, quand on entend le « conservateur Nicolas Liucci-Goutnikov », dont les mérites philosophico-esthétiques sont certainement d’une profondeur rare, « s’interroger sur la façon dont des artistes, quelle que soit leur sexualité, ont voulu montrer une image affirmative pour lutter contre les stéréotypes qui ont été longtemps le lot commun ».

Tout va très bien, Monsieur la Marquise !

Comme à l’accoutumée, ce parallèle risquerait néanmoins de ne pas rendre justice à cet Empire Chrétien (rebaptisé « d’Orient »… par nous, Occidentaux, qui en avons saccagé la capitale en 1204). Car, aussi intempestives qu’aient pu paraître les débats de ses théologiens dans le temps court d’une cité assiégée, peut-être que leur contenu, dans le temps long de la philosophie et de l’art, était tout à fait à la hauteur des temps.

Il n’est pas certain qu’on puisse en dire autant de la « philosophie » de cette exposition, telle que nous la résume Elle, chargée de l’après-vente :

« Les œuvres montrent comment les artistes ont pu transformer et faire évoluer la représentation des sexualités dites ‘minoritaires’. »

Si Elle dit vrai, cela signifie tout simplement que M. Liucci-Goutnikov, en exposant des objets « tout droit issus des collections du musée (…) Kandinsky » réinvente cet art à thèse – déjà malmené par les impressionnistes, mais dont la relégation au passé avait justement été l’œuvre… de Kandinsky et des élites artistiques russes des années 1920-30, avant le tour de vis ouvriériste, stalino-jdanovien, de l’après-guerre. Comme quoi : le raidissement autoritaire a plus d’un visage !