Présentation de l’entretien (réalisé le 02 juin 2023) – Jean-Marie Seca est professeur à l’Université de Lorraine, au département de sociologie de Nancy et au Laboratoire lorrain de sciences sociales. Cet entretien d’une heure trente avec Michel Maffesoli, professeur émérite de sociologie à l’Université de Paris-Sorbonne et membre de l’Institut universitaire de France, s’est déroulé le 2 juin 2023. Le livre Le Temps des peurs est paru en janvier 2023, à Paris, aux éditions du Cerf.
Nous sommes entrés, en France et particulièrement, depuis fin 2018, moment du début de la répression radicale des Gilets jaunes, dans une nouvelle phase de gouvernement des colères et de la divergence. Ce management des rébellions est caractérisé par son caractère réactionnaire, au sens propre de ce mot, renvoyant à « retour en arrière » ou « régression vers un état politique antérieur ». Certes, on ne se baigne jamais dans la même eau et il est difficile de dire qu’on revit les conditions répressives des peuples du XIXe siècle ou du début du XXe. Même si elle était provocante, la moustache protohitlérienne (sigle du 49.3) posée sur la photo d’Emmanuel Macron, par le graffeur Lefko, n’a pas grand sens, étant donné que ce politicien est plutôt un représentant du mondialisme, d’un fédéralisme technocratique européen et de l’abandon de souveraineté. Le contexte et les phénomènes politiques contemporains sont donc tendanciellement différents des formes antérieures. Et contrairement aux slogans diffusés dans les mass-médias, on observe, dans une atmosphère brumeuse, une radicalisation de la caste médiatico-politique au pouvoir, ânonnant rituellement le recours aux valeurs démocratiques. Quelque chose a changé dans l’ambiance politique, depuis la mise en agenda des modes de contrôle des contestations, sous le prétexte terroriste lié aux attentats de 2015 et d’autres dangers (sanitaires, climatiques, etc.). De nombreux observateurs, dont Laurent Mucchielli[1], ont déjà alerté sur la normalisation des états d’urgence et de l’exception sécuritaire. Depuis lors, les groupes au pouvoir, majoritairement progressistes, de droite ou sociodémocrates, ont abusé l’enjeu sécuritaire pour contrôler de façon obsédante les masses et les citoyens « au nom du bien », en les fichant, en les suivant dans la rue (surveillances biométriques), y compris en leur mettant des procès-verbaux quand ils tapent sur de simples casseroles ou s’ils oublient leur passe sanitaire, en les prenant en filature chez leurs médecins ou sur Internet[2]. La répression et la politique de la peur sont devenues les deux instruments majeurs des pouvoirs gouvernementaux européens, depuis 2015. En France, le chemin vers la liberté, souligné par un symbolique soleil radieux derrière l’affiche électorale du Président élu François Mitterrand, en 1981, s’est transformé en autoroute de la dystopie. L’ouvrage, Le Temps des peurs, livre un diagnostic détaillé et distancié de de cette ère des anxiétés et du catastrophisme émergeant depuis 2015 environ et qui risque de se prolonger longuement.
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Merci au CdS pour cet entretien d’une richesse exceptionnelle, qu’il faut lire et relire, oui revenir sans cesse aux sources gréco-romaines, au moyen âge, puis à l’éclosion de la modernité qui semble s’étioler, merci de nous donner cette lampe torche pour aborder la post modernité. Bravo au professeur Maffesoli, puit de science, d’une culture immense mais humble et modeste. Un vrai régal.
“Depuis lors, les groupes au pouvoir, majoritairement progressistes, de droite ou sociodémocrates, ont abusé l’enjeu sécuritaire pour contrôler de façon obsédante les masses et les citoyens «
Dit simplement on appelle cela un état TO-TA-LI-TAI-RE ! Que de précautions de langage !… comment voulez vous que les choses évoluent si on ne les désigne pas par leur nom? Il y aurait il une peur? Une crainte de perdre quelques avantages pour l’auteur?
Michel Maffesoli a le mérite de se placer dans la perspective du temps long.
Il considère que l’époque multiséculaire de la “reductio ad unum” (ce qu’il appelle ” l’un de l’individu, l’un de l’Etat-nation, l’un du système représentatif “) est en train de s’achever. Comme il le dit justement, il n’est plus question d’un dépassement de la tension, mais de son maintien, ce qui fait ressurgir de manière consciente le tiers, sans lequel on peut effectivement dire que la dynamique de la vie est entravée. A mon sens, les fantasmes de fusion qui se manifestent dans le transgenrisme – prétendu dépassement de la tension entre masculin et féminin – constituent le stade terminal cette logique folle très ancienne. Ils révèlent aujourd’hui à beaucoup que cette voie est une impasse.
Sur le plan politique, cette fin de l’unipolarité fait réapparaître, face au pouvoir, la “puissance”, c’est-à-dire selon Maffesoli ce qui est instituant et propre au peuple. C’est là le principe même de contre-pouvoir qui tend à reprendre sa place légitime, occupée depuis longtemps par le simulacre de contre-pouvoir imaginé par l’oligarchie anglaise du XVIIIe siècle sous la forme du mandat prétendument représentatif, lequel rompait avec la notion anthropologique et romaine du mandat.
Concernant cette longue époque (de la reductio ad unum) dont parle Maffesoli, il me semble que, bien avant le temps de Descartes, on peut en trouver les premiers commencements au XIIe siècle, dans certains aspects de cette véritable mutation de l’Eglise et, partant, de l’Occident, que fut la Réforme grégorienne. A cet égard, Pierre Legendre a montré l’apparition, dans certains textes déterminants du XIIe comme le “Décret” du canoniste Gratien, d’une volonté de dépassement des contradictions dans l’un, ouvrant inconsciemment la voie vers un certain Management du monde, autrement dit vers un processus de contrôle croissant des forces vitales.
Oui il est judicieux de rappeler les travaux du canoniste Pierre Legendre, il faut voir la modernité qui nous détruit comme des idées chrétiennes devenues folles ( Chesterton) , autrement dit des hérésies mortifères.
Un dossier super important, qu’il me faudra dès jours pour lire, et des années pour comprendre.
on lâche rien. Merci à vous.
commentaire, lyrique ténor, quand tu as plus d’une sortie de taule, pour viol,inceste, homicide, sous ta houlette, et qu’il t’en arrive quatre autres dans la foulée, tu fais beaucoup moins le malin. C’est ça l’humanité les gars; Nous allons réussir, les Français. Pour notre cause. Victor Hugo avait raison.