24 millions : c’est la modique somme que la Macronie compte allouer à la réforme de ces « entrées de ville » – dites aussi « zones commerciales » – qu’il est, dans les ministères concernés, rigoureusement interdit « pour ne pas stigmatiser » d’appeler par le nom que tout le monde leur donne depuis une mémorable une de Télérama en 2010 : la France Moche. Il se trouve en effet que cette dernière, plus ou moins identique à la France périphérique, est aussi… la patrie des Gilets Jaunes.
Compte tenu du penchant de la Gauche céleste pour la pensée magique, après des décennies consacrées à « faire reculer la violence dans les cités » en repeignant les tours, il était inévitable que, tôt ou tard, la tentation n’apparaisse de dompter les sans-dents en cosmétisant leur « milieu naturel » : ces parkings de Leclerc sur lesquels le Gilet Jaune, typiquement, tend à se réunir pour nidifier et devenir agressif.
Mais l’historique du phénomène – tel que le retrace l’intéressante mini-monographie que lui consacre Marianne – montre que la gêne entourant cette expression (la France moche) et la réalité à laquelle elle renvoie est loin de se limiter au complexe du transpalette élévateur qui hante les fragiles de la Macronie depuis que les Gilets Jaunes leur ont fait prendre conscience de l’énormité du potentiel de masculinité toxique qui entoure leurs bunkers de caste.
Dressons le bilan de ces 50 ans de Macronie…
Il se trouve en effet que cette France-là n’a pas attendu Macron et son penser printemps, ni les femmes blanches d’EELV, pour devenir moche. Et qu’elle a réussi à s’américaniser esthétiquement dans son jus, bien plus que l’Allemagne et l’Italie, et sans guère requérir l’aide du méchant colonisateur yankee : Bouygues, Leclerc, De Gaulle – voilà les noms des décideurs, pas vraiment « judéo-protestants », à qui nous devons le bel univers de cubes de taule et de piscines à la verticale où évoluent, pendant le plus clair de leurs journées, ceux qui ne sont rien.
Et là, c’est le drame, quand on comprend soudain que ces escarres de la société de consommation, que ce refoulé collectif ne hante pas uniquement la fausse conscience de la Macronie, mais aussi celle de tous ces souverainistes et autres poutinolâtres qui, ces derniers temps, nous inventent un De Gaulle des terroirs qui n’a hélas… jamais existé.
La macronie n’a rien de plus urgent à s’occuper ? Encore un sujet de diversion ? De nombreux français n’ont pas de quoi s’acheter à manger, suivra une crise du logement, normes climatiques obligent, avec une augmentation de sans abris et il faut tout colorier en rose ?
Diversion bien sûr, facile, les sujets ne manquent pas. Diversion indispensable pour que le réel continue à être invisible, relativisé et remplacé des narrations ubuesques.
A croire que, pour être ministre – ou président – il suffit d’être un bon acteur. La caste, ses cabinets conseil et ses médias, s’occupent du reste.