Le suicide d’un jeune harcelé scolairement à Poissy n’en finit pas de faire polémique. Ses parents avaient reçu, en mai 2023, un courrier menaçant du rectorat de Versailles, après qu’ils s’étaient plaint de l’inaction de l’établissement face au harcèlement dont leur fils était victime. Cette volonté institutionnelle de garantir l’impunité des fonctionnaires, y compris dans leurs manquements, est une constante de l’Éducation Nationale depuis plusieurs décennies. C’est plus largement une constante de la bureaucratie française. Macron a largement renforcé ce détournement des moyens de l’État par les bureaucrates eux-mêmes pour protéger leur inaction ou leur incompétence. Dans l’affaire de Poissy, le parcours de la rectrice Charline Avenel, camarade de promotion d’Emmanuel Macron, et grande bénéficiaire du népotisme en vigueur dans l’extrême centre au pouvoir, soulève de graves questions.
En quoi l’Éducation Nationale ressemble-t-elle à la police nationale ? Par son souci de protéger ses fonctionnaires, même les plus passifs, même les plus incompétents de la façon la plus autoritaire qui soit, au risque de commettre d’importants abus de pouvoir, bien entendu. L’affaire de Poissy le rappelle : un jeune se plaint d’être harcelé dans son établissement scolaire. La famille saisit l’établissement qui fait le dos rond. La famille dépose une main courante au commissariat de police, et hop… la rectrice de Versailles écrit à la famille pour la menacer après ces démarches de citoyen honnête qui ne se satisfait pas de l’inaction de l’administration.
Du grand classique… malheureusement, du grand classique, qu’on connaît trop souvent à propos des innombrables bavures policières qui émaillent l’actualité sous Macron et Darmanin. La mécanique est la même : l’administration a toujours raison.
Le profil gênant de Charline Avenel
Sauf que, dans le cas de l’affaire de Poissy, la gêne franchit une étape supplémentaire. La rectrice qui a ouvertement reproché à la famille de faire valoir ses droits de victime contre l’administration n’est autre que Charline Avenel, protégée d’Emmanuel Macron, camarade de sa promotion à l’ENA, et qui a bénéficié de privilèges insensés pour être nommée à la tête du plus grand rectorat de France à un âge record.
Sans expérience de l’Education Nationale, issue du ministère des Finances et passée dans des postes d’état-major de l’enseignement supérieur, Charline Avenel est devenue à 40 ans la rectrice la plus jeune de la plus grosse académie de France et, en même temps, la moins expérimentée. Sans sa proximité avec Emmanuel Macron, cet exploit n’aurait évidemment pas été possible.
On peut imaginer qu’Emmanuel Macron a cru pouvoir réformer de l’intérieur l’Education Nationale en parachutant, à un poste stratégique, une jeune ambitieuse qui ne connaissait de la « communauté éducative » que des postes « supérieurs ». Sauf que le bilan de cette tentative est un naufage complet : non seulement, l’éducation ne s’est guère améliorée depuis 5 ans en France, mais Charline Avenel a associé son nom à un exercice autoritaire et bureaucratique du pouvoir, très loin d’une réforme réussie de l’éducation.
Ainsi, dans l’affaire Paty, il a été reproché à son rectorat de n’avoir pas pris au sérieux la menace qui pesait sur l’enseignant. Quelques mois plus tard, elle ne semble avoir tiré aucune conséquence, aucune leçon, de cette tragédie.
Une bureaucratie d’extrême centre macroniste
Dans l’affaire Paty, comme dans l’affaire de Poissy, on retrouve les mêmes réflexes bureaucratiques.
D’une part, la mécanique à l’oeuvre est forcément verticale : le rectorat sait, le rectorat décide, le rectorat impose, le rectorat menace. L’idée qu’un enseignant soit réellement aux abois, qu’un jeune soit réellement harcelé, n’a pas cours si la hiérarchie intermédiaire affirme que tout cela est faux. On retrouve là encore les ingrédients des régimes illibéraux fondés sur la toute-puissance bureaucratique : un épais millefeuilles infranchissable de chefs, de sous-chefs, de sous-sous-chefs, contrôle la vie des gens et ne souffre aucune forme de contestation.
D’autre part, la machine de pouvoir finit par ne plus exister que pour se défendre, pour durer, contre vents et marées, et surtout contre tout changement qui pourrait remettre en cause le privilège de ses rentiers. Qu’un parent d’élève accuse un chef d’établissement de ne pas faire ses diligences pour protéger les élèves ? La haine ordinaire des bureaux se met en marche et tente de broyer le mauvais coucheur, quand bien même l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen reconnaît à chacun le droit de demander des comptes à l’administration.
La violence institutionnelle de l’extrême centre est là : avec fanatisme, il faut briser la démocratie, au nom de la démocratie bien entendu. Il faut passer sur les résistants et les opiniâtres, avec un rouleau compresseur haineux et sans pitié.
Charline Avenel aurait pu réformer dans le sens de l’intérêt général. Elle a poussé le régime bureaucratique au-delà de ses limites, de sa rigidité, avec tout le fanatisme que l’hybris donne à ses jeunes loups qui se prennent pour des Rambo.
Face à l’extrême-centre, rétablir le droit des citoyens
Décidément, l’ère Macron aura été celle de la toute-puissance bureaucratique. Le passe sanitaire a probablement le mieux incarné ce pouvoir aveugle donné à toute une administration pour discriminer ceux qui n’obéissaient pas au doigt et à l’oeil aux injonctions du pouvoir. Comme toujours, ces abus d’autorité sont commis au nom de la protection de la société. Il faut entendre, chaque fois, au nom de la protection des bureaucrates qui tirent profit de cette situation.
Plus que jamais, nous devons affirmer nos droits face à l’Etat, face à l’administration, face aux bureaucrates de tous niveaux, qui veulent s’essuyer les pieds sur les contribuables comme sur des paillassons.
on ne résout par les problèmes avec ceux qui les ont créés…
la seule solution pour résoudre les problèmes bureaucratiques est la dissolution de la bureaucratie (ou sa vente à la découpe) et la responsabilisation pénale de ses dirigeants (comme les dirigeants d’entreprise)…
On pourrait aussi remettre les différents niveaux en situation de responsabilité (ce qui signifie aussi leur donner davantage de liberté).
Combien de profs qui sanctionnent désavoués par leur direction? Combien de chefs d’établissement à qui l’on dit « pas de vagues » en cas de problème?
Tout à fait d’accord. En fait c’est de plus en plus le centralisme démocratique de triste souvenir.
Face à ces problèmes de harcèlement, anciens il faut le dire, mais bien sûr boostés par les réseaux sociaux, un constat s’impose : il n’y a de solution à chercher que localement, dans le fonctionnement de la communauté scolaire, établissement collège ou lycée ou école primaire, ça commence là et dans le climat de l’établissement. Mais justement ce travail sur la communauté scolaire dans l’esprit de Freinet avec ses « conseils de coop » où les élèves chaque semaine discutent de la vie en classe, de manière très concrète avec leur maître ou leur maîtresse existe peu. On croit faire régner la discipline à coups de menaces et de bons sentiments, les fameux cours d’empathie. Abstraits et moralistes. La question du harcèlement est concrète : comment empêcher le groupe de faire groupe en se servant d’un bouc émissaire et en suivant un leader. Bouc émissaire qui peut être affligé d’une « anormalité » : handicap, comportement, attirances sexuelles, surpoids, maladresse, mais aussi d’un talent particulier, notamment scolaire : travailleur, très bon élève, curieux des choses de l’esprit etc. En fait souvent un peu marginal dans le groupe moutonnier qui suit les populaires.
Apprendre aux enfants victimes à réagir dès le premier signe, apprendre aux enseignants et aux personnels éducatifs des méthodes de travail avec les groupes qui empêchent les dérives, (méthodes qui sont aussi utiles dans l’enseignement en général), ces méthodes connues dans le travail social, notamment le vieux travail social avec les groupes ou le travail social communautaire serait certainement plus utiles que les gadgets inventés par les communicants.
Une des premières choses est effectivement d’apprendre aux élèves à lire et à écrire et à parler. C’est justement ce à quoi servent ces méthodes de pédagogie active.
Comment je me débarrasse de Voki qui se met sur le texte!!!
Il ne faut plus compter sur l’Etat et ses « services ». Si l’établissement ne réagit pas immédiatement et efficacement (cela arrive), il faut en sortir l’enfant.
La bureaucratie française est le cancer qui est entrain de tuer notre pays. Le coût de l’hôpital est alourdi par des administratifs pléthoriques au détriment des soignants surmenés qui sont au chevet des malades.
le drame de l’administration française est là, il commence avec: les grandes écoles, et l’ l’ENA qui forme l’élite de l’élite, une fois diplômé, le jeune énarque se voit confier des responsabilités alors même qu’il n’ aucune expérience, le même raisonnement vaut pour les autres grandes écoles.
L’Allemagne qui fascine tant nos élites, n’a pas de grandes écoles, l’expérience est indispensable pour grimper dans la hiérarchie.
D’autre part l’Allemagne est un état décentralisé, fédéral, où la démocratie existe au niveau local, régional et fédéral. Il n’y a pas d’état centralisateur qui supervise ou exerce le pouvoir comme en France avec les préfets, , les recteurs d’académie, …l’état centralisateur est tout puissant face aux instances élues. Bref décentralisons vraiment, supprimons les postes qui font double emploi préfet , président du conseil départemental…
On peut se poser la question de savoir en quoi les postes que vous qualifiez de « supérieurs » sont réellement supérieurs, et à quels autres postes ils le sont, compte tenu des agissements de cette pseudo « intelligentsia » de salon ou de grande école sans foi ni loi !
Euh… c’est une appellation officielle.
Mais ce n’était pas la même Rectrice au moment du meurtre de ce pauvre Samuel PATY ?? Si oui c’est un comble vu les manquements de l’Administration.
https://www.clionautes.org/samuel-paty-assassine-les-non-dits-du-rapport-de-linspection-generale.html
Merci pour ce lien qui contient le discours de 2,5min de Charline Avenel dans le plus pur style Macron ENA, parlé pour ne rien dire d’autre que l’accompagnement et le soutien exemplaire de son administration à la victime en difficulté. Cette caste complètement saoule d’arrogance et de suffisance pourrit l’administration en prétendant indéfiniment qu’elle fait et fera toujours tout ce qu’il faudra.
Le « supposé » harcèlement a commencé en octobre 2022. Les parents ont écrit leur plainte en avril 2023. La réponse « lunaire » et menaçante de la rectrice, deux semaines après. Etienne Champion est nommé Recteur de l’académie de Versailles en conseil des ministres le 13 juillet 2023, par décret du Président de la République. Le mal est fait.
Bravo pour la pertinence de l’article.
Quand je lis ce genre d’articles je repense à un intervenant sur les forums avec qui je suis longtemps resté en désaccord et qui écrivait souvent: rien ne se réglera en douceur.
J’ai fini par lui donner raison.
Ce qui ne m’empêche pas d’appeler à la réflexion, au débat et à une justice qui fonctionne.
Ces gouvernements ne font rien au profit du peuple, au contraire ils le piétinent et le pressent comme un citron, le privent de liberté et de tout pouvoir. Il faut virer ces politiques qui versent dans la haute trahison en laissant la France, colonie américaine, se faire détruire par ceux qui ne sont pas nos alliés.
Mais il ne faut pas que cela tourne à la guerre civile.
Il faut donc des forces de propositions, il faut débattre.
Je suis de ceux qui disent que le Frexit est une nécessité mais que cela ne suffit pas.
Il faut un projet, une vision d’avenir.
À mon sens le monde multipolaire qui nous tend les bras est un très beau projet et nous devrions d’ores et déjà en débattre. Il me semble que nous devrions aussi inventer un nouvel État avec un « système » qui ne serait ni communiste, ni royaliste, ni capitaliste, etc.
Gageure ?
Nous avons connu le siècle des Lumières, c’est à nous de nous réinventer et de possiblement créer une nouvelle façon de faire fonctionner un État et de le relier au reste du monde.
Je partage votre commentaire très raisonnable, sauf sur un point je pense que le siècle des lumières qui a engendré notre révolution est la matrice de tous les totalitarismes du XX e siècle, nous aboutissons à une république malade du fascisme gris décrit par le professeur Husson.
C’est à mon sens parce qu’entre autre la séparation des pouvoirs de Montesquieu n’est plus respectée que nous n’avons plus ni démocratie ni république.
Dans les système boureaucratiques, les êtres humains deviennent des variables d’ajustement.
De nombreux chefs d’établissement refusent que des campagnes de prévention sur les violences faites au enfants soient organisées dans leurs locaux. « Ca n’existe pas ici », « Vous nous faites une mauvaise publicité », « vous osez mettre en doute le dévouement des équipes pédagogiques » et ça se termine par « vous êtes fasciste, antisémite, complitiste, etc. ».
La mort du professeur Samuel Paty a donné lieu à une répugnante chasse à la bonne subvention organisée par un ministre avec ses copains qui votent bien.
Totalement d’accord avec vous !
L »éducation nationale ne protège absolument pas ses fonctionnaires, je suis enseignant, je peux vous le dire. Bien au contraire, elle les méprise, elle les écrase, elle les laisse se démerder tout seuls (tout en les accablant si ils ont l’idée saugrenue de se défendre) face à des hordes d’enfants (et de parents) sauvages. Par contre oui, l’éducation nationale protège tous ces petits bureaucrates dans les bureaux qui ne servent à rien, sont incompétents et gagnent plus que les profs. Si c’est de ces fonctionnaires là dont vous parlez, alors oui, vous avez raison, elle les protège. Petite anecdote: j’ai envoyé un mail à mon correspondant de gestion au rectorat sur IPROF, le 03 septembre 2022. Je n’ai eu la réponse qu’aujourd’hui: 1 an après. Ces gens sont des incompétents. Dans le privé ils se feraient virer dans la minute pour ça.
J’ai été surveillant dans les années 1990 dans un collège d’une petite ville du sud-ouest. Il y avait des affaires familiales sordides et l’administration laissait faire.
Un jour un élève a tabassé et envoyé un camarade à l’hôpital avec une fracture. Sa mère s’occupait de de la Peep, son fils n’a eu aucune sanction au contraire d’autres qui avaient fait bien moins grave mais qui n’étaient pas du sérail.
Quant au principal, il était trop occupé à convoquer sa maîtresse dans son bureau.
Ah le beau parcours professionnel ! mais ses nuits seront elles émaillées de cauchemars de Samuel Paty décapité et Nicolas suicidé ?