La République face au drame des Gazaouis : un silence indigne, une inaction coupable

Il fut un temps où la République était fière de son héritage politique; où la France rayonnait par ses intellectuels, qui interpelaient la conscience du monde.Mais notre classe politique est plongée dans le dérisoire. Elle fait sa petite popote,quand il faudrait tout arrêter et unir la nation. Il n’est pourtant pas interdit d’avoir des “rêveries politiques”, comme disait Richelieu. Alors j’ai fait parler un héritier du Général de Gaulle; un disciple de Jaurès;et puis j’ai imaginé que nous ayons encore un intellectuel

C’est un sentiment d”indignation,de révolte même qui m’habite ce soir. Les Gazaouis sont plongés dans une catastrophe humanitaire. Le Proche-Orient est au bord d’une guerre régionale. Un président américain sénile raconte devant des caméras qu’il est né en Israël en 1942 tout en assurant le cabinet de guerre israélien qu’il peut compter sur un soutien total des Etats-Unis.

Mais pendant ce temps la classe politique française continue son petit train-train, ses petits calculs à peine dérangés, le temps d’une fin de semaine, par le drame d’Arras.

Le touriste de la République continue ses balades aux frais du contribuable: à peine rentré d’Albanie à qui il a promis son entrée dans l’UE, il a eu Zelensky au téléphone , l’incitant à continuer la guerre – oui, vous entendez bien, continuer une guerre qui, nous vous le montrons depuis dix jours, est liée à la guerre du Proche-Orient. Demain Emmanuel Macron se rend à Arras, j’imagine pour témoigner de l’incapacité de la République à protéger ses professeurs. A la fin du mois, il ira inaugurer la très coûteuse Cité de la francophonie à Villers-Cotterêts. Un peu plus tard, il sera temps de s’envoler pour la COP 28 à Dubaï….. .Enfin, si le Proche-Orient le permet…

J’exagère, non? Tout va bien. Pourquoi hésiter? Madame Borne s’apprête à dégaîner son 49-3 avec la même routine qu’une enfant qui fait joujou avec un pistolet à eau. Darmanin, lui, fait les calculs de vote pour sa p’tite loi sur l’immigration...Et puis il y la NUPES: reste, restera pas?

Nos journalistes, eux, répètent consciencieusement les éléments de langage sur Gaza élaborés à Washington, à Londres, à Bruxelles, à Tel-Aviv. Et nos intellectuels… mais y en a-t-il encore?

On cherche un héritier du Général….

Ce qui se passe autour de Gaza est une tragédie qui ne peut laisser indifférent. Nous allons en reparler. Mais il y a aussi tout ce que révèle l’impréparation de notre président, de notre gouvernement,de nos politiques. Dans l’entretien qu’il a accordé à Eric Verhaeghe, Thierry Messan souligne qu’on parlait dès le printemps dernier, dans la presse libanaise, d’une attaque possible du Hamas contre Israël. Visiblement nos dirigeants et nos représentants ont manqué l’éléphant dans le couloir….

Alors,oui, j’aimerais entendre un chef de l’opposition se lever et dénoncer, à la tribune de l’Assemblée, la trahison des intérêts français qui a lieu sous nos yeux. Imaginons un héritier du Général de Gaulle qui commencerait ainsi:

Mesdames .Messieurs, je suis venu demander des explications au gouvernement. le Président, le Premier ministre, son gouvernement ont semblé, ces derniers jours totalement dépassés par les événements du Proche-Orient. De partout affluent des informations sur les signaux, les mouvements, les messages, qui permettaient d’anticiper une attaque des combattants palestiniens contre Israël. Or ici à Paris, on n’a rien vu venir. A peine la razzia du Hamas déclenchée, on a vu ce même gouvernement qui n’était préparé à rien se précipiter dans le suivisme le plus détestable: suivisme des Etats-Unis,suivisme de Benjamin Netanyahou, l’un des hommes les moins fiables qui soient, si l’on en croit un ancien président américain. Pourtant, une vieille tradition diplomatique, celle de notre présence en Orient, nous oblige à la retenue et au dialogue avec tous les Etats de la région. Eh bien! loin de toute prudence, rejetant toute sagesse politique,le gouvernement engage la France derrière l’un des belligérants. Au risque, de pousser ce même belligérant, à s’en prendre à l’Etat qui devrait être le plus cher à nos cœurs dans la région, le Liban!

Mesdames et messieurs les députés, je crie à la trahison. Je vois la France qui, jadis se glorifiait de ne pas choisir ses alliances sur des critères confessionnels, se précipiter désormais pour être à la remorque de mouvements politiques qui confondent les genres, en mêlant des considérations religieuses à la politique. Je vos nos gouvernants, d’un même élan, exprimer leur détestation de l’autre belligérant, en invoquant des critères religieux opposés:A Paris désormais,on pense pouvoir justifier de suivre le messianisme américain ou de soutenir la vision d’un “Grand Israël”. Et on le justifie par la nécessité de combattre “les Musulmans”.

Nous avions autrefois, nous avons encore avec le professeur Képel, une Ecole de grands analystes du Proche-Orient! Mais aujourd’hui notre gouvernement est incapable de voir que ce qui se passe est aussi le produit de rivalités entre puissances musulmanes, entre la Turquie d’une part, et l’Arabie Saoudite et l’Iran d’autre part.

Au nom de ce mélange des genres, on n’entend même plus quand un Netanyahou, trahissant tous les principes qui fondent Israël laisse ses ministres parler ouvertement d’expulsion ou de bombardement des Palestiniens de Gaza sans distinguer entre les civils et les combattants..

Comme si toute notre histoire de relations avec l’Orient ne nous avait appris à en connaître les subtilités,les enchevêtrements, les complexités. Comme si nous pouvions nous permettre, par désinvolture, ce que le grand Cardinal de Richelieu a toujours redouté: le mélange des genres, la politique menée au nom de la religion, source de querelles sanglantes et inexpiables….. ,

Discours imaginaire 1, L’héritier du Général

…et un disciple de Jaurès

Après ce discours, rigoureux d’un héritier du Général de Gaulle, j’imagine que monte à la tribune un homme de gauche en qui vive la passion du grand Jaurès quand il dénonçait l’inaction française face au massacre d’Arméniens par le Sultan. Notre orateur connaît par coeur le discours du 3 novembre 1896, et il l’adapte aux circonstances:

Je ne veux prononcer ici aucune parole chauvine ; depuis que la Révolution française a contribué précisément à émanciper d’autres peuples, la France ne peut plus — et c’est son honneur, parce que c’est son œuvre — prendre seule l’initiative des grands progrès et de l’idée de justice ; mais ce qu’elle avait le droit de réclamer de ses gouvernants, c’est qu’il fût impossible, dans un pays [Israël] envers lequel elle était engagée, d’infliger, quelle que soit la brutalité de (‘attaque subie, des représailles qui vont bien au-delà de la loi du talion;  ; c’est qu’il fût impossible que des bombardements de civils innocents, désarmés fussent entrepris, et que partout dans le monde on puisse, par des documents certains, savoir quelle a été la politique des Etats-Unis, quelle a été la politique de la Russie ou de la Chine, mais que personne ne puisse savoir quelle a été la politique de la France.

Quoi ! Le silence complet, silence dans la presse, dont une partie, je le sais, directement ou indirectement, a été payée pour se taire, silence dans nos grands journaux, dont les principaux commanditaires ont trop d’intérêts transatlantiques pour oser prendre des distances, mais surtout silence du gouvernement de la France ! Quoi, devant tout ce sang versé, devant ces abominations et ces sauvageries, devant cette violation de la parole de la France et du droit humain, pas un cri n’est sorti de vos bouches, pas une parole n’est sortie de vos consciences, et vous avez assisté, muets et, par conséquent, complices, à un déplacement de population annoncé avec le plus grand cynisme et mise en oeuvre avec la plus grande cruauté par un chef politique aux abois contre qui, voici quelques semaines encore, se déroulaient des manifestations gigantesques parce qu’il voulait attenter aux libertés constitutionnelles …

D’après Jean Jaurès,

On cherche aussi un intellectuel….

Malheureusement, rien de tel n’est venu. Pas un conservateur ne s’est levé pour demander que soient envisagés les seuls intérêts de la France, au moment où l’embrasement du Proche-Orient peut déclencher des attentats terroristes jusqu’en Europe. Pas un libéral ou un socialiste pour invoquer l’universalisme français, la lutte ancienne de notre pays pour l’égale dignité de tous les hommes et pour l’émancipation des peuples.

La République semble désormais dépourvue à la fois de lucidité stratégique et de conscience morale. Elle n’a plus de voix d’intellectuel pour porter un message qui bouscule les intérêts établis.

Pourtant est-il si difficile d’imaginer lire sur un blog ou dans un vieux média établi, l’appel d’un héritier de Péguy ou de Benda?

Nous refusons qu’on nous fasse prisonniers par des formules toutes faites. Nous sommes Français. Nous n’aimons pas qu’on joue avec les mots. Nous n’aimons pas que l’on confisque les mots pour leur faire dire autre chose.Israël, ce n’est pas Netanyahou. Et la Palestine ce n’est pas le Hamas.

Quoi, les médias nous racontaient il y a quelques mois que Benjamin Netanyahou ne méritait pas de rester Premier ministre tant il tordait le bras à la justice , mais il nous faudrait à présent le suivre aveuglément, comme alliés, dans une guerre qui ne nous concerne pas directement et où la seule efficacité que pourrait avoir notre gouvernement serait un rôle de médiation? De qui vous moquez-vous?

Et puis, vous ne cessez de dénoncer le Hamas mais vous ne regardez jamais les Palestiniens! Un gouvernement, un commandement militaire vous annoncent froidement qu’ils vont bombarder des zones densément peuplées; qu’ils vont déplacer un million de personnes; et vous ne vous révoltez pas?

Etes-vous donc tant fascinés par les racailles en col blanc que vous en oubliez vos frères israéliens entraînés par leur funeste Premier ministre dans une guerre qu’ils n’ont pas choisie? Etes-vous donc tant fascinés par la violence que vous souhaitiez imprudemment alimenter en France une partie des haines et des passions qui se déchaînent sur ce qui reste pour la France vieux pays de culture chrétienne, la “Terre Sainte”?

Vous voulez vraiment le malheur des Français au point de ne pas voir que nos forces de l’ordre sont souvent dépassées dans la lutte contre le terrorisme? Alors vous encouragez encore plus d’attaques terroristes sur notre sol?

Ou bien êtes-vous au fond de vous mêmes satisfaits de la confiscation de la démocratie qui détruit un peu plus chaque jour notre vie politique et sociale?.Car c’est ce qui se joue dans la guerre permanente que les Etats-Unis font mener aux gouvernements qu’ils ont vassalisés, à Paris ou à Tel-Aviv, à Kiev ou à Varsovie: au bout de la “guerre permanente”, il y a la fin de la République!

Et cela nous ne l’accepterons pas.

Discours imaginaire 2 – Lintellectuel