Alors qu’il n’était plus revenu parmi ses pairs depuis 2011, Bachar al-Assad avait de nouveau rejoint en mai dernier la Ligue arabe. Une réhabilitation par la grande porte et par la volonté de Mohammed ben Salmane. En effet, c’est l’Arabie saoudite qui a été à l’initiative de cette réintégration, avec également le soutien des Émirats arabes unis. De fait, les autres pays de la Ligue arabe se sont exécutés. En réalité, le rapprochement de Riyad avec Téhéran sous l’égide de la Chine explique cette décision. Or, quelques mois plus tard, précisément le 15 novembre dernier l’on apprend qu’un tribunal de Paris a émis un mandat d’arrêt contre l’actuel président syrien. Décidément, la diplomatie française conduite par le président Macron devient totalement illisible et déconcertante.
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Le Figaro a rapporté que l’enquête avait débuté après le dépôt d’une plainte civile par le « Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression » (SCM), « l’Open Society Justice Initiative » (OSJI) et les « Archives syriennes ». « Cette décision représente un précédent juridique historique. Il s’agit d’une nouvelle victoire pour les victimes, leurs familles et les survivants, et d’un pas vers la justice et une paix durable en Syrie », a déclaré Mazen Darwish, fondateur et PDG de SCM. Selon lui, les accusations portées contre Assad seraient étayées par des témoignages de première main, ainsi que par « des centaines de documents comprenant des photographies et des vidéos ».
Pour mieux comprendre cette situation, nous avons interrogé avec Free Press, Dmitri Jouravlev, directeur de l’Institut des problèmes régionaux et professeur associé à l’Université financière du gouvernement russe.
« SP » : Que pensez-vous de ce mandat d’arrêt par la France
J’estime que Paris a pris une mesure purement propagandiste. C’est une démarche qui montre que, malgré tout, malgré la victoire d’Assad, malgré certaines commissions sur les privilèges, Paris ne considère plus Assad comme le président légitime de la Syrie. A mon avis, la France a agi ainsi au mauvais moment, de manière imprudente et insensée. Mais l’on peut expliquer l’initiative d’Emmanuel Macron par le fait qu’il doit présenter au moins quelque chose à la population, une sorte de victoire… Combattre Assad est une manière de détourner l’attention sur la situation française.
« SP » : Mais pourquoi la France ?
La Syrie est un ancien territoire sous mandat. Les Français le perçoivent encore comme leur « arrière-cour ». C’est en Syrie qu’ils résolvent leurs problèmes. Elle a toujours été considérée comme leur fief. Et bien que la Syrie se soit réorientée depuis longtemps, dans les années 1960, vers l’Union soviétique, les Français tentent de ne pas s’en apercevoir.
« SP » : Y a-t-il eu des précédents similaires dans l’histoire ?
N’avez-vous pas oublié la soi-disant Cour pénale internationale, qui a publié un document concernant l’arrestation de notre président Vladimir Poutine ? Oui, c’est au moins « international » dans le nom. Mais cela s’est également produit avec d’autres pays. Par exemple, les Américains ont condamné un responsable politique étranger, bien que par contumace, devant leurs tribunaux locaux. Un «tribunal de telle ou telle rue de New York » a ainsi pris la décision de punir le chef d’un État étranger. Cela s’est effectivement produit. Mais c’est encore plus amusant avec les Américains, car ils croient qu’ils ont le droit de juger n’importe qui, n’importe quel pays, comme ils le veulent et comme ils l’entendent. Les Français ont été jusqu’à présent plus civilisés. Mais comme vous le voyez, tout a une fin un jour.
« SP » : Que signifie cette décision pour Bachar al-Assad et pour la Syrie ?
Il est clair qu’Assad ne viendra pas en France et qu’il n’y sera pas arrêté. De même, il ne pourra pas être arrêté dans des pays tiers. Cependant, il existe un danger pour Assad d’apparaître dans des pays neutres, car cela constituera un scandale. Bien sûr, ses gardes ne permettront pas son arrestation, mais cela constitue néanmoins un inconvénient supplémentaire et, par conséquent, la capacité d’Assad à se déplacer dans le monde est réduite. Et pour les pays neutres qui n’ont pas de relation officielle avec la Syrie, amicale ou hostile, c’est aussi une sorte de ligne directrice : si vous voulez être ami avec la France, oubliez Assad. Et cela limite bien sûr un peu la marge de manœuvre du président syrien. Mais en réalité ce n’est pas grand-chose. Assad n’ira pas dans des pays qui le considèrent comme un ennemi. En Russie personne ne l’arrêtera sur la base d’un mandat français. Mais en Turquie, je ne sais pas ce qui se pourrait se passer le cas échéant.
Cette justice fonctionne mieux que celle chargée de juger les crimes liés au Covid…
J’ai toujours apprécié la touche d’humour du courrier des stratèges, cette décision de la justice française dont le monde entier s’en fou est jusque comique
Nous sommes grâce à Macron la risée du monde