Claudine Gay, présidente de Harvard, a démissionné après plusieurs semaines de polémiques suite à ce que le Congrès des Etats-Unis avait jugé son manque de combativité contre “l’antisémitisme” sur le campus de la plus prestigieuse université du monde. En fait la présidente avait courageusement tâché de maintenir paix civile et liberté d’expression sur le campus. Madame Gay aura effectué le plus court mandat présidentiel de l’histoire de l’université. Jusque-là, ce professeur de sciences politiques, indéniablement dotée d’une capacité au leadership, avait incarné le rêve de la”diversité”et coché toutes les cases du “politiquement correct”. Mais la situation créée par le conflit de Gaza l’a mise en porte-à-faux. Tout d’un coup, la question de la “liberté universitaire” est arrivée au premier plan. Et, clairement, l’Etat profond a violé le droit de la meilleure université du monde à choisir son président et à défendre la liberté de parole sur le campus.
Ce sont les hasards de la vie. Lors d’une visite à Harvard en 2018, j’avais rencontré Claudine Gay. J’étais à l’époque vice-président de l’Université Paris-Sciences et Lettres; et mes hôtes de Harvard m’avaient organisé une rencontre avec celle qui était à l’époque Doyenne des sciences sociales de la Faculté des Arts et des Sciences;et sur le point de devenir doyenne de cette même faculté.
J’étais à la fin demon séjour. J’avais déjà passé deux jours très réjouissants à constater le traumatisme qu’avait produit l’élection de Donald Trump chez un certain nombre d’universitaires. Au fur et à mesure de la visite, je voyais une intelligence coupée du réel, véritable humus de l’idéologie woke. Aussi étais-je sceptique avant d’aller rencontrer Madame Gay.
Lorsque je fis sa connaissance, ce fut pour échanger, de mon point de vue,des amabilités entre responsables académiques. Mais indéniablement, je m’entretenais avec une femme à la forte personnalité. Claudine Gay, telle que je la vis ce jour-là, cochait toutes les cases du “politiquement correct”, avec sa spécialisation en “études afro-américaines”. Cela n’empêchait pas, par ailleurs, de discerner en elle la capacité au leadership – fréquente chez les universitaires du monde anglo-américain. Elle était là par ses mérites, au-delà de ce qu’elle devait au conformisme del’époque.
Tout devait m’éloigner de cette collègue universitaire mais je voyais bien que les qualités humaines perçaient sous la surface idéologique ou le conformisme disciplinaire des sciences politiques.
Eloge d’une présidente éphémère
Aussi je n’ai pas été étonné de voir, cinq ans plus tard, comment la Gazette de l’Université exprimait la fierté d’avoir sélectionné Claudine Gay à la fin 2022 – pour une prise de fonctions en juillet 2023. Une “laudatio” académique qui prend aujourd’hui des allures d’oraison funèbre. Je souligne bien entendu cequ’il ya d’attendu dans l’éloge; mais on voit bienque l’université avait choisi une personnalité hors du commun :
Claudine Gay, dirigeante de l’enseignement supérieur largement admirée et éminente spécialiste de la démocratie et de la participation politique, deviendra la 30e présidente de l’Université de Harvard le 1er juillet.
Depuis 2018, Mme Gay est la doyenne de la famille Edgerley de la Faculté des arts et des sciences (FAS) de Harvard, la faculté la plus importante et la plus diversifiée de l’université, couvrant les sciences biologiques et physiques, l’ingénierie, les sciences sociales, les sciences humaines et les arts. En tant que doyenne, elle a guidé les efforts visant à élargir l’accès et les possibilités offertes aux étudiants, à stimuler l’excellence et l’innovation dans l’enseignement et la recherche, à améliorer certains aspects de la culture universitaire et à donner une nouvelle importance et une nouvelle énergie à des domaines tels que la science et l’ingénierie quantiques, le changement climatique, l’ethnicité, l’indigénéité et les migrations, ainsi que les sciences humaines. Elle a dirigé avec succès la FAS pendant la pandémie de COVID, en accordant une priorité constante et efficace au double objectif de préserver la santé de la communauté et de maintenir la continuité et les progrès de l’enseignement. Malgré les effets perturbateurs de la crise, elle a également lancé et dirigé un processus de planification stratégique ambitieux, inclusif et mené par le corps enseignant, destiné à jeter un regard neuf sur les aspects fondamentaux des structures, des ressources et des opérations académiques de la FAS et à faire progresser l’excellence académique dans les années à venir.
Fille d’immigrés haïtiens, Claudine Gay a obtenu sa licence en 1992 à Stanford, où elle s’est spécialisée en économie et a reçu le prix Anna Laura Myers pour la meilleure thèse de licence. En 1998, elle a obtenu son doctorat en administration publique à Harvard, où elle a remporté le prix Toppan de la meilleure thèse en sciences politiques. Spécialiste des sciences sociales quantitatives et du comportement politique, Mme Gay a été professeur adjoint, puis professeur associé permanent à Stanford avant d’être recrutée à Harvard en 2006 en tant que professeur de sciences politiques. Elle a également été nommée professeur d’études africaines et afro-américaines en 2007. Elle a été nommée professeur de gouvernement Wilbur A. Cowett en 2015, date à laquelle elle est également devenue doyenne des sciences sociales à la FAS.
“Claudine est une dirigeante remarquable, profondément dévouée au maintien et à l’amélioration de l’excellence académique de Harvard, à la défense de la valeur et des valeurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, à l’élargissement des opportunités et au renforcement de Harvard en tant que source d’idées et force pour le bien dans le monde”, a déclaré Penny Pritzker, senior fellow de la Harvard Corporation et présidente du comité de recherche présidentiel de Harvard. “En tant que doyenne de la faculté des arts et des sciences de la famille Edgerley depuis 2018, et auparavant en tant que doyenne des sciences sociales, Claudine a apporté à ses rôles un mélange rare d’incisivité et d’inclusivité, de gamme intellectuelle et de sens stratégique, d’ambition institutionnelle et d’humilité personnelle, de respect pour les idéaux durables et de talent pour catalyser le changement. Elle est profondément attachée à la liberté de recherche et d’expression, ainsi qu’à la diversité des voix et des points de vue qui constituent l’essence même d’une communauté universitaire.
“Comme le savent ses nombreux admirateurs, Claudine consulte beaucoup, elle écoute attentivement, elle réfléchit avec rigueur et imagination, elle invite à la collaboration et résiste à la complaisance, et elle agit avec conviction et détermination”, a poursuivi Mme Pritzker. “Tous les membres du comité de recherche sont enthousiastes à l’idée de la voir apporter ses hautes aspirations et sa vision interdisciplinaire de l’autre côté du Yard, de University Hall à Massachusetts Hall. Nous sommes convaincus que Claudine sera une présidente réfléchie, respectueuse des principes et inspirante pour l’ensemble de Harvard, qui s’attachera à aider chacune de nos écoles à prospérer et à favoriser les liens créatifs entre elles. Elle est déterminée à affirmer le pouvoir de l’apprentissage fondé sur la curiosité. Et elle est désireuse d’intégrer et d’élever les efforts de Harvard – à travers les arts et les sciences et à travers les professions – pour relever des défis complexes dans le monde entier.
“Malgré toutes ses réalisations professionnelles, les qualités personnelles de Claudine sont encore plus impressionnantes : sa qualité et sa clarté d’esprit, sa grande curiosité pour d’autres domaines que le sien, son intégrité et son impartialité, ainsi que sa volonté de créer des opportunités pour les autres. Elle sera une grande présidente de Harvard, en grande partie parce qu’elle est une bonne personne“, a déclaré Mme Pritzker.
The Harvard Gazette,15 décembre 2022
Claudine Gay passe en interrogatoire politique à la Chambre des Représentants
Madame Gay était à peine présidente depuis quelques semaines: la politique internationale s’invita à Harvard avec le conflit israélo-palestinien, qui fit monter des tensions entre étudiants..Honnêtement, les efforts de la nouvelle présidente pour garder la paix civile sur le campus ont été exemplaires.Mais il était apparemment insupportable aux oreilles de Washington que jusque sur le campus des meilleures universités américaines ont mît en doute le narratif de Tel-Aviv.
Le 5 décembre, Madame Gay était convoquée par la Commission de l’Education de la Chambre des Représentants. Lisons le récit que fait ABC News de la séance:
Les présidents de plusieurs grandes universités ont témoigné mardi devant la commission de l’éducation de la Chambre des représentants, dirigée par les républicains, pour répondre aux critiques selon lesquelles ils ne font pas assez pour lutter contre l’antisémitisme sur les campus, dont les cas se sont multipliés à mesure que la guerre entre Israël et le Hamas faisait rage.
Claudine Gay de l’université de Harvard, Liz Magill de l’université de Pennsylvanie et Sally Kornbluth du Massachusetts Institute of Technology ont témoigné devant la commission, dirigée par la députée Virginia Foxx (Caroline du Nord).
L’audition a donné aux républicains l’occasion d’exprimer leur frustration à l’égard des présidents d’université qui ne font pas assez pour condamner agressivement ceux qui, sur leur campus, encouragent l’antisémitisme, selon les membres de la commission. (…)
Plusieurs membres ont demandé des expulsions, des licenciements et des mesures disciplinaires sur les campus à la suite de manifestations pro-palestiniennes au cours desquelles des étudiants ont utilisé une rhétorique liée à l’antisémitisme, ainsi que d’incidents tels que des actes de vandalisme sur les bâtiments de l’Hillel et des courriels de menace adressés à des enseignants juifs. Mme Foxx a qualifié ces manifestations de “moralement répréhensibles” et a déclaré qu’elle “demanderait des comptes pour ce type de discours haineux et violent”.
Dans l’ensemble, les présidents d’université ont répondu en expliquant qu’il existait des procédures permettant de déterminer si les étudiants avaient enfreint les politiques de l’établissement et qu’ils s’étaient fermement engagés à respecter les différents points de vue des étudiants sur cette question complexe qu’est la liberté d’expression.
“Nous ne sanctionnons pas les individus pour leurs opinions politiques ou leur discours. Lorsque ce discours débouche sur une conduite qui viole nos politiques de comportement, les brimades, le harcèlement et l’intimidation, nous prenons des mesures”, a déclaré Mme. Gay.
Pour des raisons de protection de la vie privée, Mme. Gay n’a pas voulu donner de détails sur des cas particuliers. (…)
Elise Stefanik, ancienne étudiante de Harvard, a insisté auprès de Mme. Gay sur les expressions utilisées par les étudiants lors des manifestations sur les campus de Harvard, poussant M. Gay à prendre davantage de mesures pour punir les étudiants.
Mme. Gay n’a pas voulu répondre directement aux questions spécifiques de Mme Stefanik, à savoir si les offres d’admission seraient annulées ou si des mesures disciplinaires seraient prises à l’encontre des étudiants ou des candidats qui diraient “du fleuve à la mer” ou “intifada” – deux termes qui ont été identifiés comme une rhétorique antisémite par les groupes de défense des intérêts juifs.Mme. Gay a déclaré que des mesures avaient été prises à l’encontre d’étudiants qui avaient utilisé ces termes, mais il a également défendu la politique de Harvard en matière de liberté d’expression.
Mme Stefanik a demandé la démission de M. Gay au cours de leur échange. Elle a ensuite déclaré à Selina Wang, correspondante principale d’ABC News à la Maison Blanche, que les présidents des trois universités devraient démissionner, car il n’est pas convenable que ces dirigeants “abritent et encouragent l’antisémitisme”.
“J’ai posé une question très précise : le fait d’appeler au génocide des juifs constitue-t-il une violation des politiques de harcèlement et d’intimidation de leur établissement ? Aucun président d’université n’a pu répondre par l’affirmative”, a déclaré Mme Stefanik.
abcnews.go.com;6.12.2023
Comment Washington a violé la liberté de la corporation universitaire
Au lendemain de l’audition, la plus haute instance de Harvard s’est solidarisée avec la Présidente:
Le plus haut conseil d’administration de l’université de Harvard a déclaré que la présidente Claudine Gay resterait en poste, rejetant les appels à la destitution après que son témoignage au Congrès sur l’antisémitisme a suscité l’indignation des législateurs, des anciens étudiants et des donateurs.
“Nos délibérations approfondies nous confortent dans l’idée que la présidente Gay est la personne la mieux placée pour aider notre communauté à guérir et pour s’attaquer aux très graves problèmes de société auxquels nous sommes confrontés”, a déclaré mardi le conseil d’administration, connu sous le nom de “Harvard Corporation”.
www.npr.org, 12.12.2023
Mais c’était sans compter avec la raison d’Etat washingtonienne. La politique avait décidé que Madame Gay devait partir, dût-on pour cela piétiner les libertés académiques! La présidente de Harvard a eu beau préciser ses propos et répéter qu’elle condamnait tout antisémitisme – aucune raison de lui faire un procès sur ce point – ce qui ne lui était pas pardonné, c’était de ne pas avoir assimilé des critiques d’Israël à de l’antisémitisme.
Un bras de fer était engagé entre l’université et Washington:
Malgré les excuses de Mme Gay, les critiques concernant sa direction ont continué à se multiplier dans les jours qui ont suivi l’audition au Congrès. Vendredi, plus de 70 membres du Congrès ont demandé son départ, ainsi que celui de M. Magill (UPenn) et de M. Kornbluth (MIT). Ces préoccupations ont été relayées par certains professeurs, étudiants et anciens élèves de Harvard, dont l’investisseur milliardaire Bill Ackman, qui a envoyé (…) une lettre cinglante aux conseils de son alma mater, accusant M. Gay d’avoir porté atteinte à la réputation de l’université.
Emhoff déclare que trois présidents d’université ont fait preuve d’un “manque de clarté morale” en matière d’antisémitisme.
“Sachant ce que nous savons maintenant, est-ce que Harvard envisagerait de nommer Claudine Gay à ce poste ? La réponse est définitivement non”, écrit-il, ajoutant que la décision de licencier Claudine Gay “ne pourrait pas être plus simple”.Une lutte inégale
Malgré les réactions négatives, Claudine Gay a également reçu un large soutien de la part des étudiants et des enseignants. Lundi, plus de 700 membres du corps enseignant avaient signé une lettre adressée à l’organe directeur de Harvard, l’exhortant à maintenir M. Gay à son poste de président. La lettre mettait en garde contre les pressions politiques exercées en faveur de la révocation de M. Gay, qui sont “en contradiction avec l’engagement de Harvard en faveur de la liberté académique”.
www.nrp.org, 12.12.2023
Selon Alison Frank Johnson, professeur d’histoire à Harvard et coauteur de la lettre, “le travail essentiel de défense d’une culture de libre examen dans notre communauté diversifiée ne peut se faire si nous laissons sa forme être dictée par des forces extérieures”.
Les adversaires des libertés universitaires ont alors eu recours à l’arme favorite, ces vingt dernières années, pour disqualifier un travail académique: accuser un chercheur de plagiat!
Alors que les remarques de Mme Gay devant le Congrès l’ont placée sous l’œil attentif du public, des rapports ont également fait état de plagiat potentiel dans ses publications sur les sciences politiques, son domaine d’études, y compris dans sa thèse à Harvard. Ces allégations, qui ont attiré l’attention dimanche et lundi, concernent les années qui ont précédé la prise de fonction de Mme Gay à la tête de Harvard.
Tout en réitérant son soutien à Mme Gay, le conseil d’administration s’est également prononcé sur les allégations de plagiat. Bien qu’il ait trouvé “quelques cas de citations inadéquates”, le conseil a déclaré que les actions de Mme Gay n’étaient pas contraires à ses normes de recherche. Néanmoins, des corrections seront apportées au travail.
www.nrp.org, 12.12.2023
Autant dire que rien n’a été trouvé de sérieux en termes de plagiat. Bien évidemment, l’accusation de plagiat a été formulée pour occuper les instances de l’université, mettre Madame Gay sur la défensive et, pendant ce temps, mener une campagne de pression sur l’université, la menaçant d’une baisse des dons et des financements publics. Claudine Gay avaittâché de résister quelques semaines après qu’une autre présidente auditionnée, celle de l’Université de Pennsylvanie eut dû déjà démissionner. La brutalité de la raison d’état washingtonienne s’était imposée:
La polémique a eu raison de la présidente de Harvard. Contestée pour la tiédeur de ses réactions face aux débordements antisémites sur son campus, Claudine Gay a démissionné, mardi, contrainte et forcée. La première dirigeante noire de la prestigieuse université de Nouvelle-Angleterre, sise à Cambridge (Massachusetts), se trouvait sur la sellette depuis une audition houleuse au Congrès, le 5 décembre dernier. Sommée par des élus de condamner fermement les incidents survenus sous son mandat et tancée pour ses réponses évasives, elle résistait jusqu’ici aux pressions extérieures, similaires à celles ayant coûté son poste à son homologue de l’université de Pennsylvanie, Liz Magill. D’autres faits étaient reprochés à la New-Yorkaise âgée de 53 ans : ils visaient des accusations de plagiat concernant sa thèse de doctorat, soutenue en 1997, entre autres, quoique démenties par un panel d’éminents politologues.
Le Figaro,2 janvier 2024
Le “fascisme gris” à l’oeuvre
Evidemment, le Figaro passe à côté de l’essentiel. Il ne s’agit pas d’antisémitisme mais, au pire d’antisionisme exprimé par des étudiants sur le campus..C’est la critique de la politique israélienne – rendue possible par le soutien de Washington, -qui n’était pas supportée et,là le Figaro rend compte correctement des pressions exercées sur l’université:
Trois jours après l’attaque surprise du Hamas, le 7 octobre, contre le territoire israélien, trente-quatre associations étudiantes du campus bostonien, pour la plupart d’obédience musulmane, avaient pris la plume pour rejeter sur Israël la responsabilité du drame, sans un mot pour les civils sauvagement assassinés par les commandos islamistes : « Nous, les organisations étudiantes soussignées, tenons le régime israélien pour entièrement responsable de toute la violence qui se déroule. Les jours à venir nécessiteront une prise de position ferme contre les représailles coloniales. Nous appelons la communauté de Harvard à prendre des mesures pour mettre fin à l’anéantissement en cours des Palestiniens. »
Face à ces propos, Claudine Gay avait fini par condamner la barbarie du Hamas, mais beaucoup trop tard, et sans grande conviction, aux yeux de ses détracteurs. Outrés, des milliardaires américains passés par les bancs de Harvard avaient laissé entendre qu’ils pourraient retirer leur soutien financier à l’institution, comme Kenneth Griffin, PDG du fonds d’investissement Citadel et généreux mécène de Harvard – à hauteur de 350 millions de dollars en 2023 -, ou Les Wexner, fondateur de l’enseigne de produits cosmétiques Bath & Body Works et de lingerie Victoria’s Secret. La fondation Wexner, qui promeut la formation d’élites de la communauté juive aux États-Unis, a mis fin peu après à son partenariat avec la Harvard Kennedy School, la faculté d’administration publique de l’université, dénonçant « l’échec lamentable de la direction de Harvard à prendre une position claire et sans équivoque contre les meurtres barbares de civils israéliens innocents ».
Bill Ackman s’était alors jeté dans la mêlée : « Un certain nombre de PDG m’ont demandé si Harvard publierait une liste des membres de chacune des organisations de Harvard qui ont publié la lettre attribuant l’entière responsabilité des actes odieux du Hamas à Israël, afin de s’assurer qu’aucun d’entre nous n’embauche l’un d’eux par inadvertance. Embaucheriez-vous quelqu’un qui attribuerait aux victimes les violences ignobles d’un groupe terroriste ? Je ne pense pas.
Le Figaro, 2.01.2024
C’est Madame Gay elle-même, qui rend le mieux compte de la violence déchaînée par les réseaux du pouvoir américain contre la liberté académique:
Mardi [2 janvier], j’ai pris la décision déchirante mais nécessaire de démissionner de mon poste de président de Harvard. Pendant des semaines, l’institution à laquelle j’ai consacré ma vie professionnelle et moi-même avons été attaqués. Mon caractère et mon intelligence ont été mis en cause. Mon engagement dans la lutte contre l’antisémitisme a été remis en question. Ma boîte de réception a été inondée d’invectives, y compris de menaces de mort. J’ai été traité du mot “N” plus de fois que je ne veux le compter.
J’espère qu’en me retirant, je priverai les démagogues de la possibilité d’utiliser ma présidence comme une arme dans leur campagne visant à saper les idéaux qui animent Harvard depuis sa fondation : l’excellence, l’ouverture, l’indépendance, la vérité.
NewYork Times, 3 janvier 2024
Il est plus que probable que la crise actuelle ait tué le wokisme des campus américains, mais pour des raisons positives. L’insupportable pression du pouvoir washingtonien ramène au premier rang la question de la liberté académique et de la liberté d’expression sur les campus. Pendant que des bombes américaines tuaient des femmes et des enfants à Gaza,l’élite washingtonienne accusait faussement la présidente de Harvard de plagiat et insinuait qu’elle n’avait été nommée à son poste que pour sa couleur de peau. Une nouvelle illustration du fascisme arrivé à son stade sénile, que j’appelle “facisme gris”.
Merci excellent article…..Comme disait Dimitry Orlov, les states sont un grand Country club, c’est sans espoir.
Excellent !
Merci d’apporter cet éclairage nuancé
Un éclairage qui fait un bien fou parce qu’il aide le vrai à émerger. ????
Perdue au fin fond d’une région rurale relativement “tiède”, tiédeur qui m’agace prodigieusement, et sans bagage de grandes études, ce genre de mise en lumière, entre-autres, me permet d’être connectée à une réalité objective et à tous ses acteurs même situés à l’autre bout du monde. Cette lucidité, parfois un peu tranchante, élargit le regard au point de mettre à nu de plus en plus précisément les processus qui tuent le vie. Un recul nécessaire qui non seulement voit sans condamner mais pousse à faire surgir le meilleur d’abord en moi, sachant que c’est la seule possibilité concrète qui m’est offerte là où je suis pour l’instant. Dans cette situation, nous sommes …des milliards. Et si la vérité qui rend libre ne dépendait plus tant de l’université “sachante” que de l’éclairement intérieur individuel ?
Nous ne sommes pas sortis de l’auberge, soit, alors autant y entretenir un feu chaleureux qui fait briller la flamme aux yeux de chacun des convives.
Merci pour cette présentation du drame éthique de l’Université. Le vrai débat universitaire entre personnes éclairées à la recherche de la vérité passe sous le joug de la polarisation de l’opinion par le clan dominant qui veut avoir toujours raison. Aucune démocratie ne peut fonctionner avec des esprits polards qui refusent toute discussion en vue de s’entendre. Les USA continuent la perdre leur étoile de rêve de meilleure démocratie du monde.
Pauvre présidente de Harvard, victime directe de la politique qu’elle défendait en fond d’elle-même c’est à dire le politiquement correct, virée par plus politiquement correct.